le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE VINGT-CINQ

 

25

 

 

La lumière pour l’homme est sa transmutation:

Germe eucharistique et transsubstantiation.

Nés d'un pays imaginaire qui s'édifie,

Supra cosmiques en leur divine perfidie:

Les ténèbres voulurent conquérir la lumière!

Ainsi, quand ces royaumes opposés se mêlèrent,

Dans le chaos d’un grand tourbillon de ses substances,

Le Bien s'équilibra non sans mal en ses croyances...

 

*

 

      S'il se peut de cogiter par le biais d'un flux savamment réticulé de notre conscience, le questionnement ardu qui en découle oscille immanquablement entre la pensée cartésienne et l'autre irrationnelle. Gabryel, lui-même, voyait naître en sa fille une faculté d’intellection qui serait plus forte, plus profonde, que son propre entendement à lui. Il se souvenait des paroles prédicatrices que Médényga avait adressées à Athénéïse lorsqu'elle était apparue dans le jardin-berceau de la planète Hydro, et constatant d’Habygâ la puissance montante, notamment dans l'usage de l’Amour dieu universel, il en avait déduit qu’elle serait mieux pourvue que lui, et que cela serait utile à la blonde Déesse qui en aurait besoin pour mener à bien l'ardente dévotion qu'elle montrait. Oh, bien sûr, Gabryel disposait lui aussi d'un esprit très puissant! Mais il avait été conçu pour servir à d'autres fins que celles de seconder directement son propre Créateur. Et s’il continuait d'être « nourri » par des pensées complices émanant d’humains croyants en "l’Esprit dans la Lumière" il se trouvait qu’en épousant Athénéïse, il avait aussi consenti au "partage spirituel", et cela produisait qu’une partie des forces qu’il recevait auparavant se trouvait à présent redirigée, non seulement vers son épouse, mais aussi vers sa fille: le transfert se faisant à discrétion, quand l’acte s’avérait nécessaire, et durerait autant qu’il faudrait…

 

Certes, l'Ange dieu de lumière était tout de même âgé de plusieurs dizaines de siècles! C’est dire la puissance et la connaissance qu’il avait dû emmagasiner durant toutes ces années! Alors il acceptait volontiers cette logique de partage qui finalement ne le démunissaient que très peu. D'autant qu'il savait leur donner en cela une arme puissante, et suffisamment redoutable, pour qu'elles puissent intervenir à leur tour, très efficacement contre le « Mal ». Alors l'Ange dieu Gabryel ne doutait pas que le créateur de tout, avait certainement décidé aussi d'appuyer directement sa fille, et qu'il était donc pour quelque chose dans la force qui animait Habygâ...

 

– Oui, c'est bien cela! Pensa Gabryel de vive voix…

 

Le syllogisme qui le conduisait à se poser cette vaste question lui était du reste familier, et cela s’était aussi affirmé quand il avait eu avec son père, une importante discussion à propos de Néphysthéo:

 

– Comment peut-il être possible, qu’un enfant dieu puisse s’être trouvé ainsi enlevé et donc probablement détourné de sa vraie mission ?... Père… n’êtes-vous donc en cet univers l'absolue autorité souveraine qui peut s'opposer à tout?

– Je suis celui que tu dis dans cette galaxie! Avait rugi Junyather, produisant un souffle d’hydrogène si puissant que cela généra au sein de l’atmosphère déjà inhospitalière de la planète Jupiter, une nouvelle tempête anticyclonique dérangeant la gigantesque structure nuageuse.

 

La perturbation qui rendait ridicule celle dont avait usé L’Hombre pour accomplir son forfait, était apparue comme plus vaste encore que la grande tache rouge tricentenaire, au point qu'il fut possible de la voir aussi depuis la planète Terre! Il sembla même à Gabryel que cette nouvelle colère jovienne était apte à affecter tous les satellites de la planète Jupiter, y compris les puissants Ganymède et Callisto!

 

– Père…Je vous en prie, calmez-vous, cet excès de rage est inutile, et vous le savez d'autant que nous aurons besoin de garder toute notre énergie pour combattre l’agresseur!

– Mon fils: Il existe, tu le sais, un dieu bien plus puissant que moi, un dieu fait d’Amour et de Lumière, que vénèrent beaucoup d'hommes de la terre… Et c’est lui qui a choisi de me placer dans cette galaxie. Il m'a nommé grand administrateur de la matière qu'il a voulu vivante et intelligente au sein de ce système solaire qu'il a créé pour cela!

– Je peux admettre cela mon père, mais si ce dieu suprême est fait de ce même Amour que celui qui est en moi, pouvez-vous m’expliquer pour quelle raison il a admis que soit l’Hombre et tant d’autres êtres maléfiques comme celui-là ?

– J’ai eu moi-même à me poser bien des questions. Mais si l'on tient compte de l'immensité galactique et de sa multiplicité cosmique, on admets facilement du Très-Haut de Lumière qu'il lui fallait trouver un moyen pour que tout s'équilibre... Alors autant nous fier à des idées dont une imputable à Manès… fondée sur le gnosticisme dualiste.

– Hum, si sa pensée profonde éclairait quelques noirceurs en y mêlant la lumière l’idée néanmoins n’est pas sans risque. À moins de trouver l’entité opposable idéale, afin que tout s’équilibrera tant par bien que mal dans l’ombre ou dans la lumière… et aussi longtemps que vie et matière sauront s’humaniser pareil.

– D’où cette situation pour le moins ambiguë qui me condamne à ne pas intervenir en force et encore moins directement… à ce propos, connais-tu mon fils ce texte qu’écrivit le poète Lucien.

[ Junyather avait fait apparaître un feuillet…]

 

 

 

Histoire de pomme ou divine incarnation...

L'humain n'est guère que parfaite imperfection.

Est-il venu de l’Univers… Le corps pour matière?

L'Esprit issu d'un plus Grand..., est-il fait de poussière?…

Et si la mort le détruit: sert-elle un anathème?

Processus de raison… Élévation suprême?

Si fondement manichéiste fait abandon:

Le tout est matériel: pour la bonne raison.

*

Par la philosophie de son concept dogmatique,

Le Mythe fondateur de Manès en est drastique!

Toute violence énergétique entre entités

Fait sciences opposées en leur monde d’idées.

Satan, Prince des Ténèbres est damnation.

Dieu Gouverneur de lumière est resurrection...

Ce qui est mauvais est l'ivraie de toute évidence,

Quand ce qui est bon est délivré de l'alternance.

*

Ce qui caractérise absolue division,

Fuit à l’antérieur au moment de l'union:

Aucun des deux ne pourra plus l’autre anéantir,

Le monde ultérieur étant parfait sans désir…

Mais le pacte signé par ces deux-là est instable;

Leur mélange improbable en serait-il le coupable?

Aujourd’hui les Entités vivent en d’autres cercles…

Le temps du médian n’est pas l’ère de leur siècle!

*

L’âge polaire des chaleurs humaines avance,

Mais la rage éclaire de sombres intolérances.

Quand l’homme primordial redevient animal,

Idéal est défunt? Vive le paranormal!

Visionnaire qui s’étiole est sans étoile:

Si le peintre ordinaire n'y voit plus dans sa toile!

Point l’Artiste sans foi ne saurait sur son métier,

Tisser cent fois la trame de notre impiété!

*

Quand Satan en jouit jusqu'à l'empreindre de mal,

L’âme humaine se perd sans atteindre l’idéal.

Alors, une main bleue fouillera dans ses entrailles.

Pour s’offrir la matière afin d'autres épousailles:

La peste se mariant au Prince des ténèbres!

Sur Terre: plus que ruines, que runes funèbres!

Et comme pour Mars la froide oubliée dans les cieux

L’homme tuera ses aïeux et mourra sans dieux.

 

– Père, il me semble que ce vers « Le conflit s’équilibrera tant par bien que mal », fait jaillissement d'une certaine vérité cosmique. C’est un fait qui, à compter des premiers photons du rayonnement cosmologique, aurait vu s'organiser les premiers atomes à partir de particules de lumière, puis la matière ordinaire des protogalaxies, et enfin les galaxies. Lesquelles fonctionnent judicieusement dans l'univers, avec la matière sombre qui les stabilise afin qu'elles ne s'effondrent trop vite sur elles-mêmes. Les préservant même d'aller jusqu’à sombrer prématurément dans une spirale « d’apathie ». Sous peine de quitter la lumière au profit d'un contraire qui serait situé aux confins de l'univers…

Ainsi, par extension, il y a lieu de penser de ce poète qu'il est un visionnaire à sa manière. Notamment par son à-propos de la machinerie des étoiles, autant que de celle qui s'engendra par l'homme pour l'homme. En somme, s'il regarde ce macrocosme dans le détail, il peut aussi le voir animé d’un mouvement gyroscopique bien réglé, mais qui tel un pendule hésitant, pourrait bien s'échapper du contexte historique des humains si la main qui en tient la commande venait à devenir sénile...

– Certes avait admis Junyather, tout ceci est un peu fait de ça, mais aussi de beaucoup d'autres choses…

 

      Sur quoi, Gabryel avait pris congé de son père tout en méditant sur cette pensée qui lui semblait vouloir s'incruster en noir et blanc sur un fond de négatif…

Il y superposa une belle image coloriée qu'il avait su préserver. Vision positive de tous ses moments passés auprès d’Athénéïse. Puis une pensée conduisant à une autre fit qu’il se remémorait à présent ces instants voluptueux qu’il avait vécus peu avant la naissance d’Habygâ…

 

– Que tu es belle, avait-il dit à la flamboyante poétesse tout en caressant le ventre arrondi…

 

Et alors, Athénéïse ne voyait plus rien d’autre que lui. En plongeant dans les siens: ses yeux s'y baignaient comme dans un océan tiède qui serait fait de larmes d’amour consentantes. C’était tellement beau que plus rien autour d’eux n’était hideux. Il leur semblait qu'une vague d’affection, d’un bleu énergétique intense, les portait loin comme amant et amante. Ils étaient comme enlacés sur le pont flottant d’un joli bateau blanc naviguant de lui-même, sur l'un de ces « Grands Lacs » que l’on s’imagine exister au pays utopique, et qu'alors, c'est parce qu'ils s'y trouvaient si bien qu'ils n’en reviendraient peut-être jamais…

 

– Gabryel… Avait-elle murmuré :

– Je t’aime tellement!

– Ma douce, oh mon aimée!…

 

...Et ils s’étaient fougueusement embrassés…

 

      L'autre nuit d’importance fut celle de l'enfantement. Elle lui avait demandé de l'emmener dans le sein naturel de la Grande Forêt. Il avait alors enfourché sa monture céleste, tenant avec précaution Athénéïse dans ses bras robustes. Et la féerique Ezaïhelle les avait transportés sans heurt, puis déposés en douceur, au centre d'une clairière tout inondée de lumière bleue. En cet endroit se trouvait une étrange chaumière aux vitres allumées, dont la porte s'est ouverte puis refermée sitôt que la Dame poétesse y fut entrée seule... Gabryel fort inquiet aurait voulu frapper à cet huis, pour s'enquérir et même l'aider. Mais c'est alors qu'il allait le faire que le battant s’effaçait, laissant apparaître Morganie:

 

– Mon Prince, lui avait-elle dit d'une voix qui se voulait rassurante, ne vous inquiétez plus car tout va bien, et puis laissez-nous, car ce qui doit être fait maintenant est affaire de femmes...

– Mais Madame... Ne puis-je donc comme les autres maris vous assister mon épouse, et aussi le petit être qui va naître...

– Allons, vous devez savoir que je suis née ici même. Et vous ne devez pas ignorer non plus qu’Athénéïse est comme moi apparue dans la spiritualité de cet endroit... Nous sommes toutes deux pareilles, et votre enfant viendra pour former avec nous une nouvelle trinité: elle deviendra elle aussi une Dame de la Forêt. Comme l'a vécu avant nous Ardvina, qui fut issue comme vous de la déité, pour conforter le bien qu’il faut sur cette terre. Cette nuit, à l’image de votre propre berceau, de la Lumière descendra du Ciel pour accréditer le sien dans la même raison. C’est alors que l'esprit d'Habygâ qui vibrait déjà par la profonde interpénétration existentielle de sa mère ainsi que moi-même, sera présenté pour la première fois à l'osmose qui émanera de la puissance divine unie à celle naturelle qui est servie par la Féerie Forestière…

 

Ceci apporterait l’enveloppe spirituelle qu’il convenait d’offrir à un corps de déesse, tout juste naissante, dans une chaumière située au centre d'une clairière intangible, inondée pour la circonstance, de la lumière des dieux justes. Ces derniers en prenant eux-mêmes acte, avec Gabryel, sous le seing privé de la Forêt.

Et cela se fit. Alors toute vie environnante avait communié comme on s'agenouille, transfiguré par ce miracle qui leur faisait entrevoir la promesse à venir d'un monde meilleur...

Et puis du temps a passé. Les aiguilles de la « grande horloge » qui décompte celui des humains de la Terre avaient beaucoup tourné, sans trop de changements, durant les vingt années qui avaient suivi l'évènement...

 

¤

 

      Et puis il y eut cette autre nuitée… laquelle étendait paresseusement ses limbes de brumes sur toute la surface du lac; tandis que par-dessus les toits de Castel-Athéna, le ciel virant au bleu noir allait bientôt révéler l’apogée du grand lustre lunaire…

Quittant prestement le manoir endormi, Habygâ se dirigeait droit vers la barque qui semblait l’attendre, sagement calée contre la berge. Puis la Dame s’y était installée avec précaution, et comme à l'accoutumée, l'esquif doublement enchanté avait entrepris de traverser de lui-même le lac, jusqu'à pouvoir accoster doucement sur l’autre rive, là où débute le chemin menant à la clairière qui vit naître la divine, à présent devenue reine de La mythique Forêt d’Ardenne. Morganie lui avait donné rendez-vous près du grand chêne. Habygâ connaît bien cet endroit accessible secrètement. Jadis une druidesse celte y pratiquait ses offices. Elle savait cela pour l’avoir d'abord ressenti lorsqu’elle s’y rendait enfant. Puis elle en avait reçu la confidence céleste. Elle avait vu des bribes de ce passé lors de l’un de ses longs sommeils extasiés. Elle se sentait ici chez elle. Connaissant et sachant voir le petit peuple de la forêt qui grouillait joyeusement. D'ailleurs, ce soir là encore, des Nymphes des fougères s'assuraient de la sécurité du chemin comme à l'accoutumée. L’affinant au fur et à mesure, juste avant que ses pieds ne le touchent. Contrôlant jusqu'à l'état du doux tapis de mousse qui garnissait le passage qu'empruntait la belle. Aucune ronce, comme rien d'autre, ne devait la gêner ni risquer de la faire trébucher. De loin en loin, un feu follet allait en sautillant. Il avait été mandé pour lui montrer la bonne direction. Le génie s'exécutait de bonne grâce. Il dansait même une sorte de balai assez artistique. S'arrêtant çà et là, de temps à autre, pour s’assurer de n'être pas trop loin devant, et même, prenant soin de revenir pour l’éclairer de près à la moindre irrégularité du sol, qui sous forme de creux ou de bosse, risquerait tout de même de gêner la gracieuse avancée des pas qu’elle faisait. Cependant que plus avant encore, quelques phalènes-fée se dérobaient de loin en loin, tel que le ferait quelque éclaireur, en premier prudent, jusqu’à ce que soudainement elles s’arrêtent, comme des torches plantées au milieu du sentier, alors que s'étant soudain faufilé entre elles, le follet venait de disparaître...

La blonde déesse ne s'en inquiéta pas, car c’est alors qu’il fallait vraiment le suivre de près, puisqu'il convenait maintenant de passer à droite par un étroit tunnel de verdure, qui au fur et à mesure que la déesse avançait, désentravait ses lierres et ses ronces pour mieux s'ouvrir à sa progression. Cela produisait aussi que s'écartaient quelques branches d'arbustes ou de sapin, jugées trop basses pour que Habygâ puisse passer sans encombre. L'action de ce phénomène fort étrange répondait en fait au commandement mental de la jeune femme. Elle savait cependant qu'il ne pouvait se produire qu’à un moment précis, et seulement durant la nuit: quand la lune est pleine.

 

 



17/04/2020
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