le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE HUITIEME

 

8

 

 

      Soufflant de quelque part… dans un ciel imaginaire… un vent tourbillonnant déchiquetait une brume pensée, tandis que furieux d'être dérangés, des lambeaux ombrageux fuyaient vers le sud… étrangement, cela s’assimilait plus à l’idée d’un bas noir lacéré qu’à des nuages. Plus bas, des déferlantes électriques se fracassaient sur des falaises neuronales. Leurs crêtes mousseuses déposaient une écume livide sur ce qu’il restait d’étendues vallonnées jonchées de détritus sanguinolents. Un grand albatros tournoya un moment, cherchant désespérément un nid qui probablement fut emporté par un éboulis d'incertitudes…

 

– Lucien... «Du schläfst? »

 

Le potache Lucien était un être au cœur candide. Pareil à ces cinglés qui s'imaginent naïvement que le fait de donner sans compter entraîne forcément la même spontanéité chez qui reçoit; et puis il se plaisait à regarder vibrer les molécules de lumière... lesquelles se dessinaient en un mince trait qu'il voyait autour de certaines silhouettes. Mais il ignorait pourquoi ils étaient si peu nombreux à montrer cette apparence. Il se demandait aussi, parfois, pour quelle raison le regard de ces gens d’exception devenait incrédule, lorsqu'il leur parlait de la couleur qui nimbait l’esquisse de leur corps. Le poète, pensant à tort, peut-être, qu'eux-mêmes devaient être capables de voir l’Aura aussi bien que lui. Et puis il y avait cette manie du voyage par la pensée dont il ne savait se défaire… Surtout quand le verbe des autres l’ennuyait profondément...

 

– Lucien !?

 

L'homme était juché sur une estrade. Il agissait comme s’il commandait du haut d’un échafaud. Soudain assortie d’un timbre glacial, l'image profane du professeur d'allemand fusa comme un obus dans la pensée de Lucien. Incrustant brutalement la trace brûlante d’une météorite verbale dont la traîne échevelée lui apparut tant gorgée de fiel, qu'elle en propagea l'essentiel par des sinusoïdes d’acide imaginaire...

 

S'il brillait de façon notoire dans les matières scientifiques, artistiques et littéraires, ça n'était pas le même engouement (tant s'en serait fallu) que l’adolescent ressentait pour la langue de Goethe qu'il jugeait trop technique. Surtout lorsqu’elle était professée ainsi par cet homme imbu de son savoir. Qui de surcroît, lui était d’emblée apparu franchement antipathique! Et si l'élève Lucien, se voyait volontiers fuir cet univers plus prosaïque que poétique, en empruntant souvent l’échelle de Planck... c'était afin d’aller rejoindre des déesses grecques dans l'équilibre thermique des couches supérieures de son univers... De fait il n'avait nulle envie de conjuguer son escapade en usant du verbe transitif! Les nombreuses transformations linguistiques qui se faisaient sans un complément d’objet qui fut jugé vérifiable dans son monde, Lucien les plaçait en équilibre, sur des cordes quantiques horizontales s'infléchissant à souhait. Il les préférait de beaucoup à celles rigides et verticales de l'enseignant linguiste! Un pelleteur de nuages, un poète: ça préfère l'observation pertinente des voyageurs du ciel que sont aujourd'hui les modernes satellites de l'après-Spoutnik… Tels que COBE, WMAP, et PLANCK. Eux-mêmes étudiants l'univers. Mais à leur manière. Et partis pour de bon à la recherche du spectre témoin des origines de la matière alchimique et du Big-Bang.

 

Dans un même aspect de ressenti, il trouvait aussi sa prof de physique trop terre-à-terre. Malgré le fait que sa plastique avantageuse fît rêver l'adolescent d'une autre façon, et que son relativisme à lui se tournait vers des globes d'intérêt à la libido évocatrice, décidément plus parlante que ceux définissables par certaines géométries qu'il jugeait trop mathématiques. Sa propre vision lui évoquant plus particulièrement des légendes remplies de beautés vénusiennes. D’ailleurs, pour cet être hypersensible qu’avait toujours été Lucien adolescent, les calculs de symétries arithmétiques, qu’ils soient traduits de l'Arabe en Français ou non, ne changeraient rien à son affaire! Ses passions à lui étaient toujours écrites en vers. Quelque part. Et en tous sens. Dans le cahier de ses gènes. Et puis il n’oubliait en rien celles qui avaient été gravées en lettres de sang sur la terre. Comme dans sa propre matière. Depuis son apparition sur une planète continuellement ravagée par de meurtriers conflits d'intérêts politiques, Lucien n'avait eu de cesse que contempler jour et nuit l'astre d'argent qui vit sa naissance. Il retrouvait par lui la première lumière qu'il avait pressentie, s'engouffrant à travers l'ombre en charpie d'un dispensaire aujourd'hui disparu… Elle était d’abord entrée par des vitres, alors qu'elles volèrent en éclat. Puis elle était venue jusqu’à lui en salvatrice énergétique. Excitant des bâtonnets encore aveuglés sur le fond tapissé de ses rétines paresseuses. Et le faisant si bien, qu’un double courant électrique transita par ses nerfs optiques. Arrivant à point nommé pour commander aux neurones et à son esprit… Afin qu’ils se décident enfin à faire ce qu’il faut pour animer son corps, dont l'aspect bleuit par l'angoisse et le besoin d’oxygène, laissait craindre le pire. Oh, et puis basta! Foin de ce prof d'allemand barbu! Ce type est irrémédiablement scotché à ses réalités barbelées de suffisance! Alors faisons aussi abstraction des rires idiots des camarades de classe! Vulgaires sons de gorge, émis par de dérisoires cordes vocales si simplement humaines, qu'ils ne savent l’atteindre vraiment… pas plus qu’il ne sauraient pénétrer le tréfonds de sa conscience, et encore moins la divine raison de son existence ...

 

 

 



19/02/2020
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