le monde merveilleux de lucien

le monde merveilleux de lucien

CHAPITRE SOIXANTE TREIZE

      Lucien avait tant donné de son énergie humaine pour ressusciter l’homme de métal, qu'épuisé, il s’était couché et avait ouvert un vieux bouquin…

 

Le livre relatait l’histoire d’une certaine déesse Athséria. L’auteur, un certain Robert-Henri, prétendait qu’elle fut autrefois très proche d’Ardvina la chasseresse ardennaise. Il y était précisé qu’un sanctuaire aurait même existé non loin de la caverne où vivait notre poète. Il expliquait aussi comment le site aurait autrefois servi à des gens qui perpétraient l’activité d’un culte voué au Très-Haut. Cela puisant ses origines d'une ère très antérieure à la montée du christianisme. Il citait aussi l’époque qui vit la mise en évidence de ces monolithes de granit que l'on peut encore voir, campés çà et là comme des phallus que l'on pourrait croire destinés à engrosser la stratosphère.

 

Alors, au moment de son endormissement, Lucien s’était promis de localiser l’endroit décrit par l’auteur. Il pensait pouvoir le faire durant l'un de ces jours prochains. Mais en vrai ! Et probablement pas cette nuit! Pourtant, c’est tout en émettant quelques borborygmes, d’abord incompréhensibles, puis s'obtenant plus clairement, qu’il se voyait à présent jouant les explorateurs chevronnés:

 

– Bon… C’est quoi? M’enfin! Lâchez-moi!… Trop de ronces… Reviendrai… Tiens… Ce truc… Ça brille… Les feuilles… Bizarres… Elles s’écartent!

– Ha! Tout de même… fit une autre voix.

– Pfiou! Que vous êtes jolie !

– Maria… Tu peux me nommer Maria…

– Voilà qu’à présent tu parles tout seul!

– Que… qui est là?

 

Soudain réveillé, Lucien s’était redressé sur sa couche et par un claquement de ses doigts, il avait fait s’éclairer la caverne, surprenant Japiary l’indiscret qui du coup, était resté figé au pied du lit de camp, comme tétanisé par ce geste lumineux de spontanéité.

 

– Ainsi, mon sacripant d’ami, je ne rêvais pas, c’est bien toi qui comme tout à l’heure viens de me parler!

 

      Le jeune poète s’était de longtemps habitué aux singularités du curieux Pillywiggin. Il le connaissait depuis qu’il avait eu ses seize ans. Alors il se remémora soudain que le lutin, un certain jour, s’était montré complice d'une certaine fée Marie. Ceci à une époque de son adolescence où les deux entités lui étaient apparues pour la première fois. Il avait accepté de répondre à une invitation qui était bien particulière! Celle qu’un certain Belzéé lui avait adressée alors qu’il se trouvait sous hypnose. C'est d'ailleurs en cette occasion que Lucien avait su régresser mentalement jusqu’à son précédent karma. Pénétrant sa pensée, le gentil Topiary l’avait aidé à dépasser sa peur, et cela avait permis à notre poète de développer son don de visionnaire. Mais Ashneene, la mère de Lucien s'en était tout de même émue. Alors, craignant peut-être pour la santé de son fils: elle avait brouillé les pistes… Mais il restait que c’était peut-être en raison de cette expérience hors du commun, que tout ce qui faisait la vie du poète, s’était enchainé en évoluant de plus en plus vite, jusqu’à lui permettre des incurtions dans des mondes invisibles pour le commun des mortel.

 

– Ma parole mon Lulu tu es amoureux de Maria!

– J’ignore pourquoi ce visage me hante aussi délicieusement. Et puis, il me semble que l’image mentale de cette Maria m’en suggère une autre.

– Peut-être s'agit-il cette fois de la fée Muse Marie, qui autrefois te guida vers Belzéé…

– Ce que tu insinues n'est pas crédible: ça n’est que le prolongement d’un rêve que je fis adolescent.

– Non Lucien: ton rêve n’est pas seulement itératif, il est aussi prémonitoire!

– Il est surtout démoniaque! Toutes ces ronces qui le peuplent me font songer à des vouivres. Et puis, me diras-tu ce qu’une fée aussi jolie que marie, peut avoir d’affinités avec le diable?

– Lucien, Marie n’est pas Maria-Luce…

– Peux-tu préciser ?

– Elle sera sa mère…

– Donc il y a deux fées qui ont vendu leur âme au diable!

– Évidemment non. Et puis Maria-Luce est moins faite à l'image d'une fée qu'à celle d'une déesse! De plus, si nous nous placions de ce côté-ci de ton monde, et en rapport à ce temps que tu vis, aucune des deux ne serait encore née…

– Ainsi c'est comme je le dis: nos propos sont le fruit d'un océan de rêves, d'où émergent çà et là des îlots peuplés de personnages utopiques!

À ce moment: il sembla à Lucien que quelque chose se passait à l’endroit du rocher au fond de la caverne. Alors il prit à songer que cela obstruait peut-être l’accès à une autre cavité…

– Chut!

– Ne crains rien Lucien, car avec moi tu es en sécurité.

– C’est ça! Dans ta meilleure disposition: tu es un lutin de vingt centimètres à peine… ainsi je te vois mal retenant une poussée de fièvre tellurique…

– Vas-tu m’écouter enfin Lucien, ou peut-être préfères-tu rester plongé dans l’ombre silencieuse de l’obscurantisme?

– Bah, dis toujours… à présent que tu as décidé de m’empêcher de dormir.

– Ce que l’on attribue à Belzéé: la méchanceté, la haine cruelle, la rancune et bien d’autres défauts, n’existent plus qu’à l’endroit du diable qu’il fut en un temps où on le défiait ouvertement. Et puis les humains sont depuis longtemps passés maitres dans l’art qui fut le sien. À présent qu'ils l'ont même surpassé: il peut se reposer! Et puis, la plupart des exactions que l'histoire lui a attribuées n’étaient pas de son fait, mais de celui d’armées de chimères qui se sont anarchisées. Et si tu penses peut-être, mais à tort, que l’Archange déchu pourrait être dépourvu de réactions émotionnelles, alors qu’il fut un Ange de Lumière très puissant, hé bien tu te trompes. Ce fut même le premier de tous.

– Bon, admettons, je veux bien te suivre dans ce cheminement, mais dans ce cas, me diras-tu pourquoi mon père persiste à croire qu’il y aurait toujours un dieu des ténèbres, auprès duquel il serait possible d’adresser des demandes de malédictions?

– Peut-on vraiment exclure l'idée qui va à l'encontre du monothéisme, et nier par la même occasion, sans la moindre preuve, que quelque part, au-delà des limites de l'univers qui commence à se connaitre mieux qu'au temps de l'émergence des principaux courants religieux, il se peut d'exister un Trés Grand dieu frère? Un Suprême, que l'on nous aurait caché en le jugeant indésirable, mais qui vivrait dans l’ombre de son créateur. Un qui serait complémentaire de de l’autre, capable comme lui d’omniprésence, à la fois matérielle et immatérielle...

– Ah non! Tu ne vas tout de même pas prétendre, qu’en plus d’un prince de la nuit "se la coulant douce" quelque part sous nos pieds, un autre, qui serait l’égal du dieu des dieux, existerait dans l’ombre et que…

– Ce serait de l’enfantillage Lucien, et tu le sais. Non, la situation est plus complexe que cela! Cet autre se trouve en fait à évoluer comme moi au sein de l’un des univers parallèles. Sauf que celui-là qui est presque aussi vaste que celui de son frère, ne peut s’accéder que par les trous noirs du premier. Comme son ainé: ce Très-Haut est présent en Belzéé comme en chaque humain. Il est l’autre qui se dit très utile au sein de la doctrine du TAO. Et c’est de sa maitrise des choses inverses que dépend le basculement ou la stabilité du cosmos en son entier. Sans lui notre créateur est incapable de stopper l’éparpillement de l’univers dû à son actuelle son expansion.

– Il n’empêche que si tu l’avais vue…

– Voyons Lucien: toute la forêt du monde parallèle connait l’existence intemporelle de la sœur de Marie!

– De quelle forêt parles-tu! Je ne vois plus rien qui ressemble à cela autour de nous…

– Et toi: que fais-tu donc de l’enseignement de Belzéé ?

– S'il s'agit encore d'éplucher mes rêves: à part m'imaginer la luxure dans laquelle il doit se vautrer, il me semble que celui-là ne sert plus à grand-chose, et surtout pas à aider certains religieux désavoués par les châtiments d’hier qui laissent bien rire aujourd'hui les criminels humains en tous genres, car ceux-là font à présent mieux que ceux là d’autrefois!

– Aides-toi, et le « ciel » t’aidera!

– Certes, je ne demande pas mieux que de faire reverdir les abords de cette grotte. Et aussi de visiter le fouillis inextricable de l’ile qui est baignée d’une brume malsaine. Laquelle semble être un gaz dangereux émanant jour et nuit du site de la Grenouillère. Sachant sur ce point que ceux de la ville, qualifient l’endroit de maudit, par je voudrais bien savoir qui ou quoi! Et puis je me demande pourquoi en ses abords, je n’y ai jamais vu la moindre trace qui me puisse faire admettre une certaine barque, qui serait aussi enchantée que dans mes rêves! Et je crains fort qu'il s'y trouvât encore moins d’ondine…

– C’est qu’en ce moment, les habitants du manoir sont absents.

– Les qui de quoi?

– Ha! Mon Lucien! Tu as donc oublié aussi la légende de L’HOMBRE?

– Au contraire! Et je dirais même que ce que ma mère s'est efforcée d'effacer de ma mémoire ressurgit doucement en t'entendant. Et à propos de cette histoire de dieu sombre, si mon père ne m’en eut jamais parlé, mon esprit songe-creux, ne se serait certainement pas embarqué pour explorer l’ile à ma place, en s’échapant simplement de mon corps, quand cela lui était encore possible… Et d'ailleurs, mises à part les ruines d’un modeste cabanon, qui s'y suppose, personne n'y a jamais vu la moindre construction qui serait capable d'émerger du peu de verdure encore préservée, et…

– Lucien, je connais mon domaine mieux que toi…

– Alors, pourquoi ne m’y conduis-tu pas?

– Je te l’ai dit, actuellement le maître des lieux est absent, mais je vais tout de même t’aider… Tu sais, ce robot que tu as ramené… Et bien il ne t’a pas cherché sans une raison qui soit importante… Et puis, il se trouve qu’il t’a été envoyé par Maria.

– Japiary, je t’aime bien et j’ai confiance en toi, mais là, il me semble t’entendre me raconter n’importe quoi! Et puis, même si j’ai pu trouver cette Maria à mon goût, ça n’était rien d’autre qu’une illusion: juste un rêve.

– Certes mon bon Lucien, c’est de l’onirisme…, mais probablement prémonitoire.

– Ouais… Ou rédhibitoire…

– Je doute pourtant mon Lulu qu'admettre Maria, puisse constituer pour toi un handicap insurmontable.

– Sinon à quoi jouerais-tu !?

– Je veux juste te signifier que sans l’existence de Maria, ta mère ne serait pas et ta demi-sœur encore moins.

– Alors peut-être vas-tu me dire qui est vraiment cette personne?

– En quelque sorte, c'est presque une demi-fée… Mais en fait, elle est beaucoup plus humaine que fée.

– Bon, OK, vu la présence de son image indélébile dans ma tête, ce que tu prétends peut sembler logique, mais quel rapport pourrait-il y avoir entre elle et ma mère, qui jusqu'à preuve du contraire, est comme moi tout simplement humaine… Et puis m'en diras-tu davantage à propos de cette légende, qui fait état d’une de ses sœurs à demi, que je ne connais pas d’avantage que cette foutue Maria!

– Lucien, aurais-tu déjà oublié la théorie du temps paradoxal…

– Évidemment! J’aurais dû m’attendre à cette échappatoire… Mais bon, mon cher Topiary je t’aime bien. Cependant, à l’inverse de toi qui appartiens au monde féérique des dryades et autres elfes-fée, il se trouve que j’ai besoin de me reposer: alors si tu le permets, je voudrais reprendre mes rêves et continuer ma nuit.

 

Sur ce: Le poète Lucien s’allongea sur son rudimentaire lit pliant fait de bois et de toile brute, qu’il convenait de qualifier: comme issu d’un autre âge. Puis il claqua des doigts. Ceci afin d'éteindre la lumière artificielle qu’il obtenait d’un quartzite qu’il trouvât un certain soir de son adolescence exploratrice… à un moment où la nuit noire l’avait surpris sur l’ile de la grenouillère. Alors que son esprit s'était montré avide de sensations paranormales. Sans chercher alors à comprendre pourquoi, ses pieds avaient rencontré un escalier invisible, il l'avait pourtant gravi jusqu’à trouver une sorte de flambeau magique. Cela était suspendu comme une luciole en état de démesure. Il avait dû supposer l'objet accroché au vide incompréhensible d’un mur n’existant sur l’ile de la grenouillère, que dans une autre dimension à laquelle il parvenait bizarrement à accéder, bien que ce ne fut que très partiellement, et de temps en temps, depuis ce qu'il avait vécu lors de sa lointaine rencontre avec Belzéé…

 

*

 

      Si des poètes humains leur font la part belle, l’on peut penser, en revanche, que sans un minimum d’organisation hiérarchisée, les muses d’un Olympe imaginaire trouveraient difficilement des passages aléatoires aptes à les conduire jusqu’à eux. Mais quand on sait que des molécules d’hydrogène ont pu aboutir dans la création d’êtres vivants complexes, alors on est en droit de croire que dans le monde cosmique tout est possible!

 

Pour adhérer à ce concept, il faut néanmoins admettre qu’il a sans doute fallu un minimum de programmation basique, pour que s’obtienne ce dont nous sommes actuellement le meilleur aboutissement visible que nous puissions reconnaître. Ainsi, la création, pour produire ce que nous sommes, a su passer originellement par l’atome de carbone qui existe dans le cosmos grâce aux étoiles. Pourtant l'on pourrait penser que s’il n’y avait aucune intelligence pour chapauter tout cela, l’esprit qui nous anime ne serait sans doute jamais apparu. Nous laissant au mieux, évoluer parmi la faune animale, du seul cerveau basique, dit « reptilien ».

 

En fait, si Marie guida le poète Lucien, c’est qu’elle était bien plus qu’un muse… Quand bien à être d’abord entrée dans son esprit, mieux qu’à la créer lui-même, son Surmoi y contribuant certainement, cela avait fini par la faire descendre sur terre…

 

– Marie… Comme vous êtes belle, lui prodiguait-il encore… comme en rêve…

 

Se prenant au jeu, Lucien répondait à ses chimères...

Mais n'était-ce là à chaque fois que pur onirisme?...

 

 

Autour de moi volettent des papillons roses!

Mystérieux de langueur, mais jamais moroses.

Heureux d'eux amoureux: j’irai les bigarrer

Pour colorer une symphonie mordorée.

Puis je sacrerai feu l’hiver pour ses cantiques.

M’enivrant dans un flux de prémices épiques,

Offerts à nos corps aux cœurs enlacés et purs,

Dans le souffle des tiédeurs en source nature.

Parmi des voluptés qui dansent en plein ciel,

Des oiseaux rieurs nous verront existentiels.

Synergie des désirs au-delà des nuages,

Enchantés par l'azur: nous serons du voyage.

Réalisme du rêve en son décor heureux:

Allégorie d’un art qui nous fait amoureux.

Entre ciel et terre, survivant millénaire,

Le temps léger caresse un souffle partenaire.

Et si du sol bâclé s’assèchent les rivières,

Nous boirons en des calices l'eau vivrière.

 

Tandis que plus loin…

 

De frêles amantes feront doux privilège,

De nous offrir des influences sortilèges.

L’aube secrètera l’apogée de leurs nuits.

D'autres belles, se poseront sur d'autres fruits

Joaillières sertissant des perles nacrées,

Que l'ondée matinale ne sait mieux sacrer,

Que l'apologie des fièvres de Germinal:

Apostasie d'elfes au jeu subliminal!

Gloire à Gaïa! Et louange aux bonnes raisons:

En sacrant nos printemps, sublimons nos saisons.

Dame lune y veille au-delà de notre lit…

N’est-ce pas de mer chaude que tout fut jailli?

Mais Dieu voit là-bas où ses hommes ont failli…

Il tempête et juge: force contre mépris!

 

Sur quoi:

 

Du sable plein les yeux, de vos bonheurs posthumes.

Roseau pensant, je plierait sous l'amertume.

La sterne rira de ma génération!

En me laissant face à ma propre question…

Sur la banquise des bébés blancs périront.

Tandis que d’autres corps à abattre viendront:

Que les ans vilains… à torturer se plairont.

 

 

      Même si Marie, de par sa nature présumée immatérielle n’était pas celle qui serait sienne… Lucien se différenciait pourtant de ceux encore trop nombreux de ses frères humains qui éprouvaient un besoin maladif de faire profit de tout ce qui est clairement matériel. Et notamment de ce que leur offraient à présent ces grandes cités aseptisées qui battaient comme des cœurs…. Mais tellement artificiels!… Des cœurs sans âme!... Que l’on avait placés sous des dômes isolants transparents! Le poète aimait à penser que plus tard il évoluerait dans un vaste environnement. Une sorte d'éden en plein air. Un lieu privilégié qu’il aurait fini par ramener à l’image de ce qu’il fut bien avant la naissance de ses propres parents. Et c’est aussi pour cela qu’il tentait chaque jour de ranimer la flamme d’un certain souvenir. Il le présumait brûlant encore. Quelque part. Peut-être sous un arc-en-ciel triomphant pour un temps des images virtuelles. Collecteur de visions paradoxales. Qu'il se plaisait à superposer. Devant celles rarissimes, qui timides et salies, ne représentaient plus guère que des paysages glauques. Paysages dans lesquels il pataugeait en vrai, bien que rêvant éveillé à ceux qu’il voyait endormi. Il pouvait alors voyager dans son imaginaire. Il avait à son bras Marie… qu'il confondait avec Maria… À moins que ce ne fût une certaine Maria-Luce? Ils avançaient dans une fange fatigante. Qui pourtant se parait d’une herbe de plus en plus dense et verte au fur et à mesure que se concrétisait leur déplacement laborieux. Cela se peuplait de fleurs innombrables, teintées des mille couleurs d’autrefois. Les lits asséchés des rivières se retrouvaient peu à peu pourvus d’une eau limpide et généreuse. Les arbres morts ressuscitaient. Ils se paraient de feuillages qui étaient merveilleux de diversité. Tandis que çà et là ressurgissait la faune…

 

Mais comme à chaque fois, sa vision nocturne se gangrénait avant que ne vienne l'apothéose. De nombreux nuages pestilentiels s’immisçaient dans la pureté saccagée d'un ciel de moins en moins lumineux. Ils étaient constitués de centaines de milliards d’insectes nauséabonds. C'était comme de gigantesques sauterelles noires. Elles propageaient une ombre dévorante qui peu à peu rendait tout imperceptible. Et son rêve s’éteignit… Or ce fut une bonne heure avant que naisse le petit jour, qu’un rai venu du néant de la nuit ralluma la conscience du poète étendu. Alors il s'était assis sur son lit. Puis il s'était levé et habillé de façon sommaire… juste avant de quitter la caverne, tandis qu'au dehors, exceptionnellement éclairés en cette fin de nuit par un ciel bien dégagé, les dômes brillaient de loin en loin comme autant de fanaux allumés qui seraient perdus en mer. Probablement mu par une sorte de somnambulisme éveillé, Lucien leur tourna le dos. Il entreprit de suivre le chemin de lune qui s'ouvrit littéralement devant lui.

 

¤

 

…Poète, c'est en pelletant les nues que tu rêves à l’essence d’un monde idéal. Une sorte d’Éden. Dont beaucoup d’écrivains inspirés nous ont déjà parlé… Alors que tes suivants nous le raconteront encore d’une autre manière... À moins que peut-être, il n'existerait que dans une projection mentale diffuse. Une pensée intuitive, et qui serait sensible à une émission électrique projetée par le biais sympathique d’une réfraction illusoire, image aboutie par hasard, sur l'écran de ta conscience approfondie d’auteur éclectique... homme romantique, dont les yeux s’enflamment par amour des choses douces et poétiques. Qu’elles soient naturelles en soi, ou "extranaturelles" autour de nous.

 

*

 

      Lucien errait parmi les ombres depuis plus d’une heure, mais le jour n’apparaissait toujours pas. L’influence en la pensée que suscitait l'image de Marie savait parfois se révéler si profonde, que même des sorcières n’auraient pu s’y opposer. Les Elles de la nuit la définissant en contrepartie maternelle d’un Très-Haut évoluant parmi les principes énergétiques du divin qui nous entoure et où se complait celui de l’amour qui provoque et enflamme! Mais que représentait donc ce sentier fictif que Lucien suivait et qui n’en finissait pas? Était-ce la voie de sa propre illusion? Était-ce une création qui ne se voyait pas d'autres humains, ou encore, la rare expression d’une force en constante mutation? Le poète ne se fourvoyait-il pas dans la variété infinie de sa grande sensibilité? Reste que s'il marchait sans but et sans fatigue, il était incapable de voir le champ d’énergie quantique qui l’avait conduit jusqu'au bord d’une faille temporelle...

 

 



20/09/2021
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