le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE SOIXANTE DIX NEUF




         Les deux êtres se voyaient dans ruissellement de fleurs. Leurs pieds glissaient à quelques centimètres au dessus du sol, sans avoir besoin d'esquisser un seul geste pour que s'obtienne leur lent et silencieux déplacement.  Essentiellement constituée de paillettes d’or et d’argent, une longue traine ajoutait du mystère à l'élégance merveilleuse et gracieuse que montrait la silhouette auréolée de Maria, tandis qu'une autre, vraisemblablement faite de brume sauvage, nimbait celle du poète Lucien. Dans leur sillage, un tapis d’herbe tendre recouvrait peu à peu un sol rendu aride par près de  trois siècles d’agriculture intensive génératrice d’appauvrissement assassin. Les retombées acides avaient contribué à le rendre stérile, au point de le mortifier jusqu’atteindre aussi le cœur des forêts. En dehors de tout onirisme, s’il ne restait guère de luxuriance que celle imprimée sur des images évoquant le passé: en revanche, son essence était restée intacte. Mais visible ailleurs… Et si l’un de ses meilleurs alliés l’avait un temps délaissée pour conquérir le cœur d'une femme, c’est que Maria représentait pour lui la douceur et la tendresse d'une autre nature qui lui était apparue encore plus délicieuse...

         Il est à reconnaître, c’est évident, que pour un poète, l'Âme- cœur d'une femme peut lui évoquer l'image d'un beau jardin qui serait rempli de fleurs multicolores. Et puis, pareille à Dame nature, toute femme aimante ne varie-t-elle à l'instar des muses qui la conseillent, guidant ses émotions...

Ce qui est sûr au moins, c'est que dans tous les recoins du monde, l’une et l’autre font trésor à l’humain ; chacune à sa manière faisant belle réussite en donnant la vie. De plus, si vous savez écouter ce que disent leurs silences, alors vous entendrez ces aveux mystérieux qui en émanent de manière très subtile, susceptibles qu’ils sont de discrètement évoquer la candeur bienveillante de l’amour vrai.



*



         Le rêve est si beau quand le bonheur est dans la place, pensait doucement Lucien. Surtout, prenons garde à ne pas l'effaroucher! Modérons le béotisme de nos gestes irréfléchis. N'ayons envers lui ni regards, ni mots déplacés…

– La pauvreté fait les voleurs comme l'amour fait les poètes…
– Pourquoi dis-tu cela, mon trésor?
– Parce que tu étais dans mon rêve.
– Et que disait ton rêve?
– Nous avancions à l'effleure d’un sol aride, mais sans avoir besoin d’esquisser le moindre pas…
– Et derrière nous, la nature faisait le reste?…
– Mon chéri! C’est merveilleux, nous faisions donc le même songe…

 

 


*



         Les rêves prémonitoires ont ceci de particulier que l’approximation de leurs images pensées sont autant de messages psychiques si fugaces qu’il nous faut aussitôt les méditer avec force pour ne pas les voir s'effacer avant même de les avoir décodés... Mais les pertes de conscience et les dérives d’une société faussement consumériste qui bidouille et joue avec la vie, font que l’humain qui ne respecte plus rien, pas même ses rêves, devient étranger au milieu dans lequel il vit.

Si autrefois ce diable de Belzéé entrainait des âmes dans un espace où la démence qui semblait s’être infiltrée pouvait néanmoins s'imaginer: on ne peut pas savoir aujourd’hui ce qu’il en sera demain des retombées de tel ou tel projet humain. Nous devrions pourtant faire plus attention où nous allons! Ne serait-ce que pour éviter le risque de nous retrouver acculés au bord d’un précipice incontournable.


L’univers des hommes, plus encore que celui des dieux est fragile. De furtif, il peut devenir effiloché ou même se disloquer violemment. Et si le poète Lucien a dû parfois se frayer un chemin entre des pantins désarticulés aptes à se déplacer au gré d’un vent de folie, c’est qu’il fut doublement invité. Alors, il lui appartient d'élider ou non la danse macabre du ciel et de la terre s'il a le choix. Et s’il décide néanmoins d’entrer dans le pas, c’est qu’il ne craint pas ses épouvantails.
 
Maria et lui sont à la fois différents et complémentaires. Il leur arrivera peut-être de dériver, de se trouver brinquebalés, comme en exode. Voire de se déguiser à leur tour: pour mieux cerner l’évidence au sein d’un carnaval de prédateurs de plus en plus inquiétants… Qui peut nier à ce propos s'ils ne vont pas vivre en marge de leur monde? Et s'ils tentaient de créer un endroit déjà existant, les règles qu’ils connaissent pour y être applicables seraient-elles néanmoins issues de doctrines incertaines?…

Mascarade. Obsession. Sentiments. Oubli de notre identité. Nos rêves perdent parfois pied à cause de leur esprit trop léger! Si l’union n'est résumée que par un voile blanc vaporeux qui se pose sur un arbre de vie, il ne faut pas négliger qu'ailleurs d’autres arbres lui font face! Le sommeil, comme le rêve, peut être paradoxal…


Il se fait que l'esprit de Lucien lui montre à présent celui d'un certain "Pacificateur". Mais déjà s'efface l'image… une autre se précise… Le poète se voit cette fois dans « Fantasia » : chaque arbre qui fait face à celui nommé tout-à-l'heure est à présent doté d’un masque noir… grotesque.

 Voici venir Blanche Neige et ses Sept Nains… Vit-elle la magie d’une scénographie revisitée par le rêve de Lucien? Ou bien est-ce un conte réinventé par l’œil contemporain de la déesse Maria-Luce?

 Entre deux nuages apparaissent soudain des oiseaux immenses. Leur vol saccadé est surprenant. Un étonnant Miroir aux alouettes s'interpose. Voici qu'à présent Lucien voit des planètes. Et même une galaxie lointaine. Ce n’est pas celle où il a connu Maria… Mais qui donc est ce prince auréolé de lumière?

– Hé mon prince ! Vas-tu enfin te réveiller sans te rendormir aussitôt?

Écologie ratée… Voici la destruction du monde... Plusieurs catastrophes nucléaires sont à craindre... Mélancolie: l'action qui ne rapporte rien est vouée à l'échec…

Maria ne dort pas. Elle lit les rêves de Lucien sur son front brûlant. Décidément, la clairvoyance que sa sœur a consentie au poète, agit tout aussi profondément sur elle !

Elle perçoit en même temps que lui les résidus d’un monde défunt. Il s'agit de notre monde. Il est promis à disparaître… Il y a des merles blancs emmaillotés par des vêtements chamarrés. La déesse Habygâ les leur a-t-elle tricotés? Et pourquoi ? Peut-être parce que même les dieux se sentent responsables des dommages subis par la nature… et que c’est à eux, alors, d’aider les humains à la ressusciter?

Hélas, il se trouve que maintenant, les arbres de la grande forêt sont presque morts.


Même Lucien pense parfois qu’il n’y a plus rien qui puisse les sauver.

 

¤




Le lieu où ils sont nés n’est pas un sanctuaire,
C’est moins qu'un dépotoir d’ordures,
Un estuaire…
Pour fleuve diamantaire de déchets organiques,
Lave-corps puant pour balbuzards,
Éclectiques.
Phénomène inversé ; gouttes d’eau mêle-feux
Dans la poudre d’escampette des humains,
Des suiffeux…
Or ce contenant misérable et un peu nase,
Ètreint celle qui en fait déborder
La vase!
Certains s’y voient ver, escaladant  des détritus…
Lesquels font paysage à couteaux tirés
Très pointus…
Leurs coups-de-poing sont innés d’un monde à chier
Géré par des Culs d’or cousus… que des sans-papiers
Pourraient torcher!…
Société: groupe où la rime est nauséabonde,
Sais-tu que ton peuple va bientôt te coucher…
Par la bonde!



17/01/2022
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