le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE SOIXANTE DEUX

      Voici qu’une réunion avait lieu au sein de l’éden, et précisément cela se passait sur la petite terrasse de la maison dans l'arbre…

 

Certes, venant après celle du Castel, le comité pouvait paraître restreint et d’ailleurs, il fallait admettre que l'espace disponible avait quelque chose du mouchoir de poche. Mais on pouvait encore rencontrer là le brave Charles-Henry. Il avait obtenu le droit plaisir, d'apporter ce qui est nécessaire pour confectionner un repas convivial. Il prit d’ailleurs soin de le préparer, avec pour marmiton, son Elfe cuisinier... Et c'est ainsi que chacun avait fort apprécié les victuailles de terroir ainsi que les vins fins, élaborés avec patience et savoir-faire par l'ex-majordome qui les obtenait depuis sa propre vigne. Il aimait y passer du temps. Imposant avis et directives à ses Elfes serviteurs, mais amis. Il participait à tout, supervisant aussi la fermentation sans adjonction de levure. Cela demandait presque un an d'élevage en barriques de chêne. Après quoi il procédait à la mise en bouteilles.

Estarie, la fée gardienne du pays des âmes, était là elle aussi. De même que sa fille Èrmandine, première dame responsable en pays de l'Éden. Elles conversaient jovialement avec Morganie, sœur jumelle d'Èrmandine. Tandis que Néphysthéo s'adressait à Gabryel, son beau-père, sous le regard attendri d'une Habygâ ravie de les voir afficher une belle complicité:

 

– Je me demande où peut bien être passé ce satané Ange Gris scandait Néphysthéo… Cela devient aussi râlant que de chercher à attraper à mains nues une anguille vivante lorsqu'elle se faufile dans une eau grasse. Chaque fois que nous tentons quelque chose contre lui, il nous glisse entre les doigts plus facilement que du sable fin brûlé par la sécheresse!

– Fils, lui avait répondu Gabryel... Me permettriez-vous de vous nommer ainsi...

– Mais certainement, interjetait joyeusement une Habygâ hautement ravie de cette promotion familiale, spontanément accordée par son père à son dieu de mari.

– Fils, disais-je, avant que mon espiègle de fille ne m'interrompe et vous rende coi par la même occasion: j'ai une petite idée de l'endroit où nous pourrions retrouver l’ange Gris.

– Moi aussi... Père... Heu... Gabryel, mais je vous écouterai volontiers en premier.

– Et bien voilà: tu l'as vu comme moi tomber vers Yäga. Et pourtant, comme Habygâ, tu as aussi continué à le détecter malgré cela, en suivant notamment l'éloignement progressif de sa vibration atomique soutenue par l'émission d'une onde mentale mal contenue. Laquelle s'amenuisait du fait de l'apaisement graduel de son excitation qui fut notoire. C'est donc que non seulement il ne s'est pas écrasé sur le sol, mais qu'il s'est probablement dématérialisé comme tu sais le faire lorsque tu te sens en trop dangereuse situation.

– C'est exactement ce à quoi je pensais, admettait Néphysthéo, visiblement ravi de constater l'unisson de leurs déductions réciproques. Mais, si comme moi, il a cette capacité qui nous rend presque invulnérables, à la condition d'être à même de le faire promptement: il me semble pourtant, en me remémorant sa fuite programmée de l'Arbre-leurre, que si la proportion de matière ténébreuse qui le compose s'avère insensible autant qu'insaisissable, il n'en est pas moins qu'une autre, l'énergie Noire, le trahit par le fait qu'elle reste tout de même perceptible lors de son excitation.

– Oui, ainsi nous devrions établir notre action en fonction de trois paramètres: vibration oscillatoire, excitation énergétique, et corps d'ectoplasme. Mais comment pourrions-nous l'anéantir s'il décide d’éparpiller tout cela et de rester ainsi tant que nous sommes là?

– Je vois bien un moyen de l'appâter afin de mieux le piéger, mais cela risque d’entraîner la mort de la "chèvre" qui lui serait offerte si celle-ci n'obtient pas d'opportunité qui soit suffisante pour lui échapper...

– Dis toujours Néphysthéo...

– Il me semble qu'une fois encore, il faudra agir sur ce côté vaniteux qu'il a probablement hérité depuis le peu de particules restantes de l'âme noire de feu L'HOMBRE, qu'il a probablement absorbées en plus de celles provenant d'âmes pures qu'il a détournées.

– Si je comprends ton raisonnement mon chéri, intervint Habygâ, tu penses qu'il va nous éviter pour mieux continuer à hanter le continent des dieux. Tout en faisant provision d'autres âmes imprudentes...

– Tout à fait, et je crains même, si nous n'arrivons pas à interrompre sa quête par un moyen empirique, ou tout autre qui serait radical, qu'il finisse par en tirer une force qui le rendrait capable de pénétrer dans la Pouponnière Céleste, et pourquoi pas, de contaminer cette fois le véritable Arbre de Vie!

– Nous risquons en effet de nous retrouver avec une nouvelle affaire de type L'HOMBRE sur les bras, dit soudain si fort Gabryel que tous les regards se figèrent en entendant son propos. Alors, il se ravisa, et pour rasséréner, il proposa à chacune et chacun de lever son verre, en un geste significatif qui serait utile à fêter plus joyeusement l'anéantissement de La Chose, cependant qu'un Elfe poète prononça quelques vers:

 

Que soient volonté sublime, fête et lumière!

Résonnez trompettes, car à l'heure dernière

Plus de « Chose »... Mais qu'en est-il de l'Ange Gris?

La bête est détruite... Mais il reste l'aigri !

Oyez mes braves gens! Faisons tous union;

Ce pays est nôtre, portons l'opinion.

Car toutes et tous, sont forts de l'éternel;

Rien d'immonde ne salira ce monde au ciel!

Libérés d'un mal vous voici, mais le second,

Si caché qu'il soit reste vice trop fécond...

L'Animal qui n'a d'ailes que pour violer,

Les brisera t-il d'une âme à l'autre voler?

 

 

… Cependant que celui-là qui n'était pourtant tombé loin, méditait de bien sombres projets !

 

--- Ne serait-ce que pour honorer la mémoire de feu mon maître le dieu sombre, se disait-il: je jure de régner ou de faire régner ici la force Grise. Et quand cela me sera obtenu, j'irai remplacer sur la Terre ce pleutre de Belzéé. Je lui ferai accèpter des êtres frères colons qui me serviront. Ceux là viendront de l'enté univers d'où je suis issu. Je jure que je le ferai!

 

Ainsi l'Ange Gris se remémorait la promesse qu'il s'était faite lorsqu'il tombât de La Chose: cette sinistre masse, vaguement cristalline, à la glauque transparence, et qui se confondant de loin avec le ciel , aurait pu faire croire de plus près à une huître gigantesque dépourvue de coquille. Mais le mollusque moloch cillé, probablement échappé d'une mer noire stellaire, ne fut jamais rien mieux qu'une entité écervelée ayant été la proie d’un gigantisme fallacieux. Vague erreur d’un hasard à la tendance surnaturelle perfide. Noire conception obtenue d’inconstance, et dont la destruction fut aisée... L’Ange-Gris: Athaânas (c'est ainsi qu'on le nommait du côté opposé des choses) provenait du même monde. Censé appuyer L’HOMBRE dans sa volonté secrète de colonisation de la planète Terre. Il avait néanmoins vu sa mission avorter, puisque mandaté trop tard, par le Père Suprême du dieu sombre, et ne pu que constater l’anéantissement de son maître. Certes, l'Ange Gris ne disposait probablement pas de la même force... encore que!... mais sa faculté de filer entre les mains assassines d'un ennemi pouvait finir par mettre celui-là en position de faiblesse, et donc le rendre vulnérable lors d'un possible moment où la vigilance peut être rendue médiocre par tout relâchement pouvant conduire à des imprudences néfastes... Et justement, les serviteurs de la Juste Lumière étaient loin de s'imaginer qu'il allait prendre possession d’un corps candide.

 



06/06/2021
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