le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE QUARANTE SEPT

      Cette journée du mois d'août deux-mille-cent-cinquante-neuf en années de la Terre avait respecté la promesse de la veille.

On l'avait argumentée en bien par le sourire de la météorologiste vedette de la chaîne "TV 267". Un bon maintien du moral des troupes réputées consommatrices oblige! À la différence que ceux-là-même qui les constituaient maintenant, étaient censés avoir enfin trouvé le moyen de ne plus se laisser tondre la laine sur le dos aussi facilement que ce que connurent ceux du siècle précédent…

 

Comme un rai annonciateur s'immisce sous une porte, l'info confiture s'était tout de même faufilée entre deux tartines de publicité. S'attachant à prévenir le bon peuple d'un exceptionnel dégagement du ciel, elles avaient été configurées pour être résolument incitatives à faire l'acquisition de tout un fatras de cosmétiques et d'objets, tous jugés quasiment à tort, pour être fort utiles à se protéger des UV qui entre autres rayons cancérigènes, ne manqueraient pas de vous éclabousser copieusement de la tête aux pieds si vous faisiez le choix, jugé téméraire en haut lieu, de passer outre l'avertissement qui se disait plus compétant... L'or, en vous fiant à la vaine illusion de la possible échappatoire que procurait à l'esprit ce qui restait de la couche d'ozone… Laquelle était sensée pouvoir vous protéger quelques heures seulement une fois franchi le bouclier protecteur de la ville… Cela pouvait faire de vous l'un de ceux qui affirment que la belle éthérée était tout de même entrée, paraît-il, dans une nouvelle phase de reconstitution écologique.

 

Lucien, qui pour l'occasion s'était chapeauté d'un vieux Panama, avait sobrement revêtu pour la circonstance un ensemble pantalon de toile et Saharienne. C'est ainsi qu'il réfléchissait donc en mâchouillant négligemment la tige d'un brin d'herbe sèche...

Notre jeune pelleteur de nuages était parti de bon matin. Il avait fait une halte casse-croûte dans une grotte qu'il connaissait bien. Cela lui avait procuré pour un temps un abri antiradiation de qualité suffisante. À présent qu'il l'avait quitté, il concentrait plus particulièrement sa pensée sur la vaine projection oasis d'une modeste grenouillère anaglyphe, lorsque soudain: le même flash qui l'avait surpris la fois précédente se reproduisit sans le moindre préambule!...

 

En vérité, ce que vit le poète Lucien en portant son regard à ses pieds le rendit peut-être encore plus perplexe que s'il se fut bien agi de la chimère calamiteuse qu'il craignait!

 

À l’extrémité de l'avancée gravillonnée, il pouvait à présent voir naître, élément par élément, ce qui ressemblait à un long plancher embarcadère, tandis que bientôt, mouillé le long de celui-ci, se découvrait une sorte de ventre blanc... puis, cela se précisant, ce fut l'image d'une barque bien réelle, construite en bon bois, et dument munie d’un banc-siège délicieusement peint en vert pomme!

 

Lucien pensait vivre en plein un véritable délire visuel. Pourtant il décida de répondre favorablement à l'invitation gestuelle de l'ondine. Et même – au point où il en était! – Il admit d'embarquer comme il se disait autrefois "pour Cythère"… Avec pour compagnes, toutes les sensations d'une "première fois"! Il avait même accepté sans broncher que la barcasse le conduisît vers l'ile. Cela s'était pourtant produit spontanément à sa volonté... sans qu'il eût à faire quoi que ce soit de manuel.

 

Et d’ailleurs, qu'aurait-il pu faire d’autre ?...

 

Quelque chose d’indéfinissable l’appelait de l'autre côté… Or, il ne disposait d’aucune rame! Pas même d'une perche! Alors, il s'était laissé emporter par l’exultation. Acceptant même, en approchant vers l’île, de voir l'esquisse d'un autre embarcadère se profiler peu à peu, au fur et à mesure que l'embarcation continuait d’avancer en direction de ce lieu étrange que de loin, il jugeait depuis toujours pour être mystérieux… Mais reconnaissant en lui que si cette idée avait pu se généraliser auprès d'autres, c'était peut-être à cause d'une relative inaccessibilité physique qui était purement humaine.

 

Lucien regardait cet autre ponton de bois noir qui venait donc de se matérialiser devant lui. Il se dit pourtant que si l'esquif l'avait conduit jusqu'ici sans encombre, certainement, cette nouvelle apparition ne devrait pas disparaître dans la lise dès l'instant où il y poserait ses deux pieds! Il tourna tout de même à nouveau la tête, portant cette fois son regard en direction de l'endroit où il avait vu l'entité instigatrice, afin peut-être d'acquiescement... Mais il dut se rendre à l'évidence: il était à présent seul sur cette mare qui était devenue un lac... L'ondine ayant bel et bien disparu! « Bon » se dit le poète en tâtonnant le ponton en tirant vers lui pour s'assurer de sa solidité:

 

– Cela ressemble bien à du bois qui est solidement ancré à cette île, dit-il tout haut, afin de s'en mieux convaincre… alors continua-t-il, mais cette fois en pensée... puisque, comme je le présume, je ne saurais rester cloué sur le banc de cette barque, autant continuer de jouer au "petit explorateur"!

 

Lucien attacha la barque, par prudence. Il se dit qu'il trouverait bien ce qu'il faut de perche sur l’île pour la commander au retour. Il se hissa souplement sur les planches. Mais les parcouru tout de même assez prestement: (l'on ne sait jamais!) Arrivé au bout, il se trouva face à un autre chemin, identique à celui qui à présent était situé affreusement loin derrière lui, car de l'autre côté de l'eau. Tandis que devant le jeune poète, se trouvait maintenant une nature comme il n'en avait jamais vu auparavant...

 

– « Bah » se dit-il encore: si la grande qualité de cette herbe ne se voit pas de l'endroit d'où je viens, c'est peut-être que la brume s'élevant continuellement de la grenouillère gène à s'en rendre compte.

 

Mais ce qui l’étonnait davantage, c'est que le sentier gravillonné s'arrêtait pile devant une forteresse de végétation impossible à pénétrer. À moins de s'être muni d’une robuste tronçonneuse!

Qu'à cela ne tienne réfléchit Lucien, puisque je me suis vêtu tel un baroudeur: autant poursuivre l'aventure jusqu'au bout! Et s'il ne m'est pas offert d'entrer dans ce fouillis barbelé par trop de mûriers, au moins, je devrais pouvoir le contourner…

 

 

 



07/12/2020
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