le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE CINQUANTE TROIS

      Là bas sur Yagâ, et bien qu'il fût parti de bon matin, le petit groupe marchait encore d'un bon train. Chacun par prudence, suivait néanmoins l'autre qui se trouvait devant, avançant prudemment, comme en file indienne. Tout en posant le pied consciencieusement et à son tour, précisément sur la trace que laissaient les pas de Charles-Henry, lorsqu’on pu voir un joli papillon bleu s'installant sur l'épaule délicieusement dénudée de la déesse Habygâ. Laquelle se trouvant en tête, juste derrière l'ex-majordome:

 

– Bonjour princesse de la lune, fit une toute petite voix.

– Bonjour Japiary fit Habygâ dont la phrase surprit leur guide qui soudain s'arrêta et puis se retourna:

– Ainsi tu nous as suivi jusqu'ici dit Charles-Henry s'adressant à son tour au même papillon.

– Je ne fais que répondre à la demande de la Vielle-Mère, précisa l’insecte tout en prenant l'aspect d'un charmant petit homme d'à peine huit centimètres de haut.

 

Il se trouvait à présent assis en tailleur, et au même endroit de la chair féminine qu'il trouvait avenante à souhait. Et puis d'ajouter malicieusement à l'intention son interlocuteur:

 

– Il me semble monsieur mon maître, que vous vous soyez quelque peu égaré.

– j'ai effectivement le sentiment d'avoir dépassé de peu l'endroit que je souhaite montrer car je ne le perçois plus très clairement.

– Et cela ne me surprend pas...

– Que veux-tu insinuer, petit sacripant? Crois-tu que j'ai perdu de ce pouvoir...

– Non mon bon Monsieur. Mais il se fait que les choses d’ici ont beaucoup changé depuis que vous vous y étiez aventuré.

– Si tu es venu à moi, dit alors Habygâ en affichant un sourire bienveillant, c'est que tu as une chose d'importance à me communiquer: alors, je t'écoute mon cher petit pillywiggin.

– Et bien voilà… il se trouve qu'à présent le champ magnétique protecteur de la clairière du grand Arbre, qui d'ordinaire est facilement percevable, a changé à la fois de pôle et d'endroit... En vérité, il n'est plus dans le sol et dans l'air que pour une partie qui d'ailleurs, est enfouie plus profondément qu'il ne se devrait. Tandis que son essentiel se digère à présent par le ventre d'une énergie contraire. Laquelle est utilisée comme base pro stellaire par un ersatz d'archange, lui-même serviteur d'un ex-dieu de l'ombre qui fut autrefois constitué de beaucoup d'enté-matière.

– Je te remercie pour ces informations Japiary, et donc, si je te comprends bien, ce n'est pas un, mais au moins deux ennemis puissants qui pour le moment nous sont invisibles.

– Mais que nous allons devoir arraisonner…,

ne purent s'empêcher d’ajouter dans un ensemble presque parfait, Èrmandine et Néphysthéo, se sentant soudain envahis par un même sentiment de désappointement. Et comme s'ils s'étaient tous mis systématiquement d'accord, ils s'essayèrent en cercle sur la mousse.

 

Alors Habygâ offrit l'aide de sa main ouverte à Japiary qu'elle déposa ensuite sur le tronc couché d'un arbre gisant là, et se trouvant à lui faire accessoire opportun d'estrade, car situé au centre de l'auditoire. Puis il se grandit encore d'une douzaine de centimètres… bien que chacun restât toutefois contraint de lui prêter une oreille attentive s'il voulait l'entendre bien.

 

– C'est en raison de cela que la Vieille Mère m'a envoyé près de vous en prompt renfort, et justement...

– Soit Japiary, l'interrompit le puissant Ange-dieu de lumière…

 

Néphysthéo le toisait tout de même un peu du regard, comme pour affirmer une supériorité qui ne saurait être altérée par un si petit être…

 

– j'affectionne, poursuivit-il, le fait de ta gentille compagnie, mais je doute qu'en cette occurrence tu nous sois du moindre secours. Et puis il me semble aussi que si la Vieille-Mère t'a envoyé pour nous renseigner, c'est qu'elle se trouve plus occupée ailleurs qu'ici!

– Monseigneur, votre formalisme est légitime. Pourtant vous n’ignorez pas que partout où il existe une clairière féerique, il s’y trouve en proche une autre Vieille-Mère Arbre-Faye. Et vous ne sauriez douter davantage qu'il s'avère souvent que l'on peut avoir besoin d'un plus petit que soi... Surtout quand ce minus peut s’adjoindre une force s’obtenant non négligeable par l'union des siens! Chacun voyez-vous peut montrer du courage et de l’efficacité. Et cela même s'il lui faut s'employer à agir dans un monde qui est très supérieur à sa mesure...

 

Soudain, sans attendre de personne une seule parole, Japiary mit deux doigts dans sa bouche et émit un sifflement modulé. Et c’est alors chacun put voir arriver un véritable nuage constitué de frelons à pattes jaunes. Ceux-là se posèrent un peu partout autour du groupe. Lequel se montrait franchement surpris par l’importance de cette manne! Il leur apparut presque justifié de la qualifier d'impressionnante escadrille... avant de les voir se transformer finalement en gentilles lucioles: virevoltant partout comme le font des Dryades pour saluer la lune lors d'une nuit chaude.

 

– Nous sommes près de treize mille, précisa Japiary, visiblement ravi de sa démonstration vaguement cornélienne.

 

… Il pouvait sembler à cet instant qu'il se comportait à la manière d'un général d'aviation présentant un impressionnant échantillonnage de sa puissance armée…,

 

– Et si nous pouvons aisément nous changer en frelons d'attaque, devenir sapeurs-termites nous est aussi possible… Si vous voyez ce pour quoi je vous tends cette perche… D’ailleurs, c'est selon que cela s'avère utile ou nécessaire, que nous savons prendre l’apparence qui convient...

– Heu, je te trouve plus sympathique tel que tu es maintenant, mais je ne vois toujours pas...

– Moi si! Ne put s'empêcher Morganie…

 

Elle était manifestement excédée de voir s'imposer les membres minuscules d'une fratrie qu'elle jugeait trop anarchique pour se montrer vraiment efficace contre un ennemi qui se présumait autrement colossal. Bien qu'elle reconnût tout de même, mais secrètement sa valeur, s'étonnant de l'aplomb montré par ce membre du Petit Peuple forestier qui par principe se plaît à rester discret. Bien que celui-là s’ingéniât toutefois à tourner quelque peu gentiment en dérision la parole émise par Néphysthéo…

 

– Nous avons compris aussi bien que vous de quoi est faite la partie souterraine de La Chose, ajouta-t-elle d'un ton péremptoire.

– Madame, je vous savais perspicace, mais là, je vous fais mon compliment dit alors un autre Pillywiggin que personne n'avait vu arriver, tant il avait pris la taille minuscule d'un moustique, et de fait, bien que sa voix se percevait mentalement, l'on ne commença à l'entendre et distinguer son être que lorsqu'il entreprit de se métamorphoser à l'image d'un autre lutin se matérialisant à côté de Japiary.

– voici le prince Artiary, annonça Japiary en le désignant: il est le chef de cette armée qu'il a formée après qu'un intrus assaillît notre hôte sans le moindre préambule, et il se pourrait que l'efficacité de notre résistance, que vous sous-estimez gentiment, pourrait bien vous surprendre...

– Alors, soyez bienvenus parmi nous qui par le Très-Haut et pour lui, sommes les témoins de la Lumière Des Justes dont vous bénéficiez, annonça à son tour la grande déesse Habygâ. Et puisque vous me semblez mieux informés par le menu détail que nous pour ce qui concerne ce que nous cherchons, alors nous allons tous avoir le plaisir d'apprendre ce que vous en déduisez, à la condition de vous faire entendre intelligiblement.

– Merci Madame, répondit Japiary.

Il se trouvait à la droite du prince Artiary, tandis qu'à gauche de celui-là apparaissait maintenant un troisième personnage. Il suivait manifestement leur échange avec beaucoup d'attention, mais en gardant le silence…

– Voici donc que je vais vous renseigner de ce qui se passe ici et ailleurs reprit Japiary: autrefois, lorsque pour un temps il y eu sur votre monde un Jardin d'Éden permettant que se concrétise l'essence première du microcosme humain… Lequel fut issu d'entités transportées par des objets célestes tombant en grand nombre sur la planète Terre, alors que l'élément liquide devenait suffisamment hospitalier, et qui en ressortirent autrement faites, après une première reconstitution organique qui s'obtient dans la chaleur des fumerolles, lesquelles existant depuis la création du fond des océans: il s'est produit que cela ensemença les premiers continents émergés de ladite planète dans sa seconde évolution. De la faune s'obtenant alors avec les végétaux qui les avait précédés, apparurent des êtres de plus en plus complexes, faits de la chair qui s'est constituée par l'utilisation judicieuse des quatre éléments...

– Hum, nous savons cela aussi bien que toi, l'interrompit Morganie pour qui ce long discours commençait à peser.

– Certes Madame, mais c'est pourtant bien ici, sur Yäga, et plus précisément sur le continent des dieux où nous sommes aujourd'hui que perdure transplanté l’équivalent leurre de l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, aussi nommé Arbre de Vie, dont les fruits qui n'appartiennent en propre qu'aux seuls dieux serviteurs et à leurs lignées, sont interdits aux humains, et même à leur descendance éternelle. Je n'entrerai pas dans les descriptions idéologiques qu'ils s'en font, puisque visiblement vous ignorez précisément où il est pour l'avoir dépassé… Alors que vous devriez au moins le ressentir mieux que moi de par votre statut dieu… Mais préférentiellement, je voudrais que vous m’entendiez pour ce qu'est occupée à en faire l'entité que vous nommez: La Chose... Ainsi, sachez en tout premier que le Petit-Peuple Dryade a tout de même de bonnes raisons pour s'allier avec vous, et c'est notre prince, qui va vous informer de ce qui leur est arrivé:

– Vous devez avant tout savoir, reprit donc Artiary, que si nous sommes en ce moment obligés d'évoluer hors le parage de la Clairière du Grand Faye: Frère sosie de la Connaissance, c'est parce que nous avons dû quitter un habitat qui est devenu invivable, car inhospitalier.

– Certes en convint la déesse Habygâ: veuillez donc, je vous en prie, nous instruire de ce qu'il en est…

– Tout a commencé par la présence au-delà de l'atmosphère de Yäga, d'une étrange concentration maléfique pratiquement indétectable. Mais tout de même devenue aujourd'hui partiellement détectable durant le transit digestif des pseudos fruits interdits, dont elle a appris à se nourrir sans le moindre souci d'empoisonnement. Cela semblant s'obtenir par une sorte de trompe invisible, dont la longueur est en rapport avec sa mesure gigantesque.

– Ainsi nous allons donc en apprendre plus sur ce qui déplaît à notre Suprême de Lumière, approuva la Fée Èrmandine.

– Nous souhaitons aussi que ce dialogue avec vous tous soit révélateur, admit le prince Artiary, car quand l'Esprit de l'Arbre avec lequel nous cohabitions nous a demandé de l'aider à se débarrasser de la première trompe: s'il nous a parlé d'une possible calamité qui serait probablement idiote, puisque apparemment elle lui semblait dépourvue d'un esprit qui lui soit véritablement attitré (affirmation qui pourrait cependant se discuter à l'heure qu'il est)… Il la disait au demeurant essentiellement constituée d'eau: à l’instar d'une comète de glace… Puisque ne disposant guère que de 2% de masse cellulaire non renouvelable. Alors, nous nous sommes métamorphosés en mouches et nous avons entrepris de nous en abreuver massivement à l'endroit sensible de sa jonction dans l'Arbre afin que cela se retire. Mais hélas, il se fit qu'à un autre moment, il nous est apparu par le plus grand des hasards, que l'intrus reçut alors là-haut du secours par le biais de quelques particules intelligentes que nous pensons pour être résiduelles de la destruction d'un dieu de l'ombre. Et qui, selon nos renseignements, auraient été expulsées semble-t-il depuis la planète Terre.

– L'HOMBRE! Ne put s'empêcher d'interjeter Néphysthéo... Je suis prêt à parier qu'il s'agit d'un ersatz qui se serait reconstitué en s'agglomérant à partir de ce qui a pu en subsister d'énergie noire...

– Monsieur, je ne saurais évidemment rien vous confirmer à ce sujet, mais acceptez que je vous narre ce qui est ensuite arrivé… Ce début d'intelligence s'assimilant avec la pseudo connaissance qui avait été extorquée de l'arbre, il s’est fait que la Chose – c'est ainsi n'est-ce pas que vous la nommez – s’est mise à développer en elle une énergie devenue apte à se constituer un embryon cervical de type reptilien comparable à celui des tout premiers hominidés. De fait, cela la rendue désormais capable d'analyser des situations simples, et d'y répondre de manière efficace. C'est ainsi qu'elle a appris à commander à ses propres constituants. Il semblerait aussi que par l'action d'une autre entité procédant sur elle à l'adjonction contre nature d'âmes humaines, elle serait à présent devenue comme vous le pensiez, une sorte d'immense cellule mi végétale, mi animale. Quoique restée majoritairement constituée d'eau. Ainsi, nous ne sommes pas loin de penser qu'elle est en passe d'être dotée d'un noyau intelligent que pourraient bientôt renforcer d'étranges mitochondries. Lesquelles, en lui offrant d'autres brins d'ADN, la rendrait capable, non seulement de se fabriquer à partir de l'atmosphère le complément substantiel énergétique qui lui est utile à se mouvoir, mais aussi de quoi se développer en masse: par le pouvoir d'absorber et modifier à son profit tout ce qu'elle englobe suffisamment longtemps pour être digéré! Rappelant en cela l'action d'un monstrueux leucocyte. Et puis, il y a aussi que l'autre créature s'est manifestée. Elle nous a dit être venue ici pour venger la destruction de son maître, nous assurant qu'il valait mieux pour nous de ne pas chercher à la combattre, ni de tenter la moindre action qui soit susceptible de la contrarier. Il se trouve que refusant de nous associer à cela, nous avons pourtant été dans l’obligation prudente de quitter notre position dans l’arbre. J'ignore de quoi il s'agit vraiment, mais je peux vous assurer que cette seconde entité maléfique a su finalement pénétrer non seulement le corps, mais aussi l'esprit de l'Arbre Frère. Allant jusqu'à corrompre tout son système. Mais ce n’est cependant pas tout! Car la créature alliée à la Chose qui est dans le ciel est aussi parvenue à modifier les racines de l'Arbre-Fée en les faisant devenir de vivants serpents! Je peux d'ailleurs vous certifier qu'ils sont aussi noirs et mauvais que ceux d'une ignoble gorgone...

– Cela confirme, s'il en est encore besoin, ce que j'ai présumé de démoniaque, fouissant comme le feraient des vers gigantesques dans un ventre pourri, et donc certainement aussi, par le boyau souterrain aboutissant à la caverne qui nous servit d'abri la nuit passée, fit remarquer Morganie.

– Alors, évidemment madame, nous ne sommes pas des pleutres, mais vous comprendrez pourquoi nous avons abandonné un habitat devenu aussi dangereux, intervenait maintenant une autre petite voix...

– Voici Subtiary, précisa aussitôt Japiary (il s'inclina avec le respect qui est dû en désignant le troisième personnage) il est le plus âgé d'entre nous: c'est le doyen de tous les sages de notre communauté. Il est aussi notre meilleur stratège et le premier conseiller de notre prince.

– Fort bien, admit la déesse Habygâ pour conclure. Admettant ainsi que les raisons ayant été énumérées suffisaient à sceller l'alliance. Et d'ajouter: j'aimerais qu'à présent vous nous conduisiez par le couvert, jusqu'à la lisière qui cerne la clairière de cet Arbre Frère…

 

 

 

Ce fut donc en se faisant discrets au possible, mais dûment flanqués de leur escadron, qu'ils étaient arrivés aux abords de l'endroit qu'ils cherchaient.

Ce qu'ils virent leur parut d'abord presque banal. Ils connaissaient ce même décor de survivance végétale pour l'avoir déjà rencontré parmi la féerie terrestre. Alors ils commencèrent à se demander si le prince Artiary n'avait pas exagéré quelque peu la situation. Mais il en fut autrement quand le plus puissant d'entre eux, en l'occurrence Néphysthéo, fut violemment rejeté vers la forêt alors qu'il tentait d'entrer le premier dans la vaste clairière! De surcroît, le sol se mit en mouvance sous les pieds de Charles-Henry qui du coup se montra fort impressionné...

 

– Reculez immédiatement! hurla Artiary du plus fort qu'il put.

– Que... que s'est-il passé? Demandait alors l'ange dieu de lumière à qui s'étaient repliés à côté de lui.

 

Il était un peu frustré d'avoir subi le vol forcé qui fut mal contrôlé en raison de la surprise. Il avait même atterri si lamentablement qu'il s’était carrément vautré parmi les feuilles et l'humus, c'est-à-dire à plus de dix mètres, par rapport à l'endroit d'où il venait d'être littéralement catapulté par une force qu'il n'avait pas détectée.

 

– Ce qui vous est arrivé est probablement dû à cette force dont Japiary vous fit part tout à l'heure. Comme il vous l'a dit: il semble qu'à présent le barrage électromagnétique, non seulement n'est plus obtenu d'un champ alternatif – ce qui explique pourquoi vous n'en percevez pas la fréquence – mais que son flux continu étant de même polarité que le vôtre, il se trouve que vos énergies en s'additionnant se repoussent mutuellement. Comme cela s’obtient de pôles identiques. De ce fait: plus vous déploierez de puissance à vouloir le franchir, et davantage vous serez repoussé par vous-même. Alors que l’influx qui existe encore inaltéré sur le reste de Yäga se trouve parfaitement accordé avec le champ magnétique de votre aura d'Ange dieu de lumière: il se produit qu’à présent en ce lieu que vous tentiez d'aborder vous voici considéré comme étant un intrus, en conclut Subtiary. Et voyez-vous cette poussière au bout de votre soulier droit? Il s'agit de pollen. Comme il en tombe normalement des cônes de tous les résineux. Mais depuis que La Chose a pris possession de l'Arbre, il s'avère qu'une production bien plus abondante s'est chargée mieux qu'avant en électrons. Ceux-là, comme vous venez d'en faire l'expérience, repoussent ou absorbent toute chose vivante ou inerte qui comporte de la magnétite, même en infime quantité. Selon la polarisation actuelle de leur flux c'est donc la force repoussoir d'une même polarité qui agira avec une puissance au moins doublement proportionnelle à celle qu'elle refoule! Tandis que celle qui absorbe montrera aussi une belle puissance d'appétit. Ainsi, au lieu d'être renvoyé vers la forêt, vous auriez pu vous retrouver carrément plaqué contre le noyau moteur qui la produit. C'est à dire le corps-tronc à présent totalement possédé, du pseudo Arbre Frère de la connaissance, qui du coup, est devenu celui de la méconnaissance de nous...

– Alors, selon votre théorie, en tant que dieux-Anges, déesses, et même, Fées déifiées, il nous est devenu impossible de franchir ce formidable bouclier? demanda timidement la Fée Èrmandine…

– Il y aurait bien une solution: celle qui consisterait dans un bel ensemble à vous précipiter violemment en "contre" de la "bête" avec la ferme conviction qu'elle finisse par vous céder… Mais au vu de ce premier essai, je doute que vous en sortiez indemne! Et comme l'essentiel de ce champ réside au cœur de l'arbre-Faye, il pourrait bien vous mettre à mal en inversant subitement sa polarité afin de vous attirer, et, comme évoqué, profiter cette fois de votre force pour vous faire s'écraser contre son tronc!

– Et si je me réfère à votre explication de tout à l'heure, à propos de sa ressemblance à une titanesque gorgone, les mouvements que nous avons perçus sous nos pieds seraient en quelque sorte un complément fait de prolégomènes se voulant démonstratifs. Cela nous signifiant de ce qui nous attend, si nous inquiétons davantage ce que La Chose a obtenu pour soutien dans son évolution complice, avec l'aide avisée de l’autre dominante qui en acquiert elle-même de l'Arbre, ajouta la guerrière Morganie en soupirant.

– Pourtant ma tante, il faudra bien nous acquitter de la mission que le Très Puissant nous a confiée, insistait Habygâ. D'autant que si nous ne faisons rien, il n'y a pas de raison que cette Chose, si elle se révèle nantie de particules résiduelles de L'HOMBRE en les réactivant par le truchement des âmes humaines qu'elle s'accapare, ne parvienne à reconstituer une sorte d'Alien! Lequel serait doué de force mentale, et possédera une certaine matière grise qui serait instruite par la mémoire naturellement néfaste de feu le dieu sombre que nous avons combattu. Et ceci voudrait dire que par cela...

– Chut! La coupa soudainement Morganie. Je te prie de m'excuser, mais il se fait que je perçois quelque chose qui provoque en moi de l'oppression...

– Moi aussi! S'accordait à ajouter Charles-Henry. C'est comme si un rouleau compresseur arriverait de très loin à toute vitesse, avec pour but de m'écraser...

– Reculons encore, proposa alors Artiary. Faisons cela rapidement, par prudence.

– Oui, tu as raison, renchérit la fée Èrmandine. Car à présent je perçois moi aussi comme une étrange et rapide variation de la pression atmosphérique. Cela me rappelle ce qui sur la Terre, précède les grandes tornades.

– C'est sans doute quelque chose comme cela, acquiesçait à son tour Habygâ.

Sans plus attendre, elle enjoignit à tous de la suivre vers l'intérieur de la forêt: opérant un repli stratégique vers la caverne. Tandis que déjà, dans la clairière, la poussière magnétique se mettait à tourbillonner. Produisant le risque d’un champ de force encore plus violent.

– La Chose descend, annonça Japiary d'une voix angoissée.

 

Il pointa un index accusateur vers des nues inquiétantes et qui, Après s'être amassées au-dessus de la clairière, s'étaient soudainement déchirées. Faisant penser aux lambeaux d'un linceul noir qui se serait fait écharper, juste après que le ciel se fut soudain obscurci… Comme s'assombrit parfois le regard bleu d'un ange, au moment où il s'apprête à annoncer un deuil supra naturel.

 

 

 

*

 

 

 

      Quand le groupe, toujours flanqué de son armée d’insectes, était revenu à la caverne, il avait été convenu qu'il fallait accumuler d'autres blocs rocheux pour en sécuriser le fond. Tandis qu'il fut fait de même au niveau de l'entrée pour la réduire. Et puis on posta des Pillywiggins en sentinelle. Pour être averti de tout changement anormal qui pourrait arriver par le dehors.

 

– Cette Chose nous dépasse en puissance, dit enfin Èrmandine. Mais si nous ne faisons rien, elle risque peut-être de vouloir s'attaquer cette fois à l'Arbre de Vie dont nous sommes issus. Et alors nous pourrions craindre autant pour lui que pour notre avenir, malgré qu'il soit bien protégé dans le ventre de la Lune Yägastre...

… Sans compter qu'avant cela, elle pourrait étendre son territoire jusqu'à s'approprier tout le continent des dieux! Et même aller au-delà… Avait renchéri sans le dire Charles-Henry, mais en le pensant si fort, que Néphysthéo et les deux déesses de lumière le perçurent comme un cri de détresse, tandis qu'au même moment, un inquiétant remue-ménage qui pouvait se penser approbateur se fit entendre de derrière les blocs de pierre, tout au fond de la caverne…

 

– Dès demain nous dégagerons l'entrée de ce boyau dit brièvement Morganie.

– Ma tante: tu ne dis pas cela sérieusement?

– Je suis d'accord avec Morganie, lâcha tout de même Néphysthéo devenu pensif.

– Si nous devons combattre, je pense aussi que c'est par là qu'il nous faudra commencer, acquiesçait à son tour Subtiary.

– Et comment comptez-vous faire, sans être munis d’aucune arme, pour mettre à mal un être-serpent aux têtes multiples, demanda très inquiet Charles-Henry.

– En nous faisant serpentaires, le renseigna aussitôt le doyen des Pillywiggins.

– C'est en effet un moyen à votre portée, mais il est tout de même très risqué...

– En modifiant notre taille, et en attaquant en nombre, nous pourrions peut-être réussir à rendre ce boyau libre...

– Certes, cela pourrait se réaliser, admit Morganie qui se remémorait comment autrefois L'HOMBRE, se multipliant en de nombreux petits rapaces, l'avait si bien mise en échec! Et même que cela lui aurait peut-être coûté la vie si Junyather n'était intervenu lui-même pour le contrer, en défendant du même coup Habygâ...

– Certes, admit pour redite l'Ange-dieu Néphysthéo qui avait capté sa pensée. Pourtant, je crains que de si petits becs ne viennent vraiment à bout, même d'un seul élément de ce monstre. Mais en revanche, je pense qu'il serait bon d'armer efficacement ce petit-monde. Pour se faire, il faudrait réaliser une coulée alchimique. Et donc non seulement trouver des pierres sacrées. Mais aussi construire un sanctuaire. Afin d'officier comme il se doit… Hélas, cela nous coûterait beaucoup de ce temps d’action qui, je crois, joue aussi contre nous...

– Je sais où trouver tout cela, dit alors Charles-Henry, arborant un sourire si large qu'il fendait presque son visage d'une oreille à l'autre.

– Décidément cher ami! Tu mérites bien d'être nommé gouverneur du continent des dieux lui répondit aussi jovialement Néphysthéo.

– Vous savez bien que d'une certaine manière, je le suis déjà, et que cet honneur je le dois à Gabryel... Et puis, qu'il soit dit ici entre nous, je n'ai nullement besoin d'un titre pour vivre heureux...

 

 



22/02/2021
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