le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE CINQUANTE NEUF

La réalité fonctionnelle en pratique,

Configure l'acte d'aspect déterminé,

Dont la rigidité est intense ou Mystique:

À condition qu'elle soit donc avérée.

Dans l'univers, la conquête est chose concrète;

Mais qui ne saurait le mieux nommer l'innommable?...

Alors même qu'une essence est ou non abstraite,

Conçue comme unité à l'objet insondable,

L'unique latence sera d'une autre extraite…

Pour s'animer, il faut se pourvoir de ceci !

Ou engendrer ce qui serait d'autre matière,

Un produit où s'emmagasine l'énergie:

Quelle qu'en soit l'origine ou bien la manière.

Mais comment croire que «cela» s'avère astral?

La position d'icelle est donc périlleuse:

Mettre à mal un dieu de lumière sidérale,

Ne s'obtient sans la complicité sérieuse !

Et puis comment expliquer jusqu'à faire admettre,

L'association à une autre inconnue,

Qui lui fournit l'intelligence en lui prêtant

Outre-force, son propre cerveau ingénu:

Pour source de connaissance… puisée au temps?

 

       Ce jour s'avérerait-il décisif?... Comme il était convenu, Èrmandine s'était téléportée vers l'autre continent. Cependant que Charles-Henry avait tristement assisté au départ du petit commando. Il craignait que quelques-uns n'en reviennent jamais. Malgré la bonne préparation du plan d'attaque, il restait des inconnues. Alors, afin de calmer quelque appréhension qui est légitime quand on tient à ses amis, il s'en était retourné très vite à ses occupations. Comme d'aucun qui le cœur gros, s'attache du mieux qu'il peut, à mener une action ou un travail qui lui occupe l'esprit.

 

L'on s'était mis d'accord pour que la caverne où ils avaient séjourné lors de la première approche de la clairière du grand Arbre infecté, serve de camp de base jusqu'au moment de l'attaque. Puisqu'elle faisait aussi partie du champ où aurait lieu l'action, il conviendrait alors de déblayer l'entrée du boyau souterrain à l'instant prévu.

Et puis des recherches furent entreprises, qui s'avérèrent fructueuses au-delà de toute espérance: les six autres orifices avaient été trouvés! Ainsi, cela correspondait bien aux sept têtes qu'avaient vues Habygâ et Néphysthéo. Le tout corroborant avec ce qui avait été obtenu de leurs intuitions. Lesquelles s'étaient formées à l'unisson de celles des sages. Il ne restait plus qu'à répartir les forces d'intervention en sept groupes. Ils seraient respectivement pourvus d'un Pillywiggin provocateur… Lequel sous l'apparence d'un rat blanc, s'emploierait, du moins le pensait-on, à exciter assez chacune des têtes au point de les rendre, sinon furieuses, au moins curieuses. Cela devait s'obtenir par un flux grandissant de vibrations qui émanerait d'un grand cercle-foyer électromagnétique. Lequel serait activé à un moment bien précis. Grace à ce leurre , l’on pourrait alors envisager qu'à force d'excitation, les engeances serpentes carnivores finiraient par attaquer les pseudos rats/Pillywiggins lorsqu'ils se seraient introduits dans les galeries. S'admettant qu'évidemment ces derniers feraient mine de s'enfuir, et ce jusqu'à voir les gueules sortir à leur suite de chaque orifice...

 

Néphysthéo et Morganie étaient à l'origine du stratagème. Ils pensaient qu’en scindant en sept de l'énergie propre à la porte-bouclier, cela ferait que des deux entités malignes, la plus intelligente au moins ne saurait négliger l'aubaine que représentait pour elle la possibilité de s'en emparer. S'admettant aussi pour elle qu'une telle acquisition, même partielle, serait une opportunité à ne pas négliger. L'on pouvait donc présumer, à n'en pas douter, qu’elle comprendrait vite que si cela était détourné à son profit, même scindé, ce pourrait être grandement profitable de l'utiliser ensuite pour obtenir un apport inespéré de grande force nourricière; et même peut-être pour se créer, sinon un passage, au moins être utile à provoquer une faille dans ledit bouclier protecteur du Pays-Des-Âmes, voir le court-circuiter ne serait-ce qu'un instant! D'autant que la manœuvre pouvait laisser présager le risque d'autres pertes non négligeables. Même si tout avait été pensé pour que cela n'arrive pas.

Ainsi chacun avait approuvé ce plan d’action. Ils s'étaient dit que probablement, les têtes de l'entité complice qui s'est insérée à sa manière dans les racines rendues monstrueuses, voyant leurs petites proies leur échapper car plus rapides à se déplacer en se donnant des ailes s'il le fallait, ne manqueraient pas de s'exposer loin au dehors, s'étirant jusqu'à pouvoir se gaver des particules ionisées de chaque cercle appât! Alors il était convenu que des archers seraient disposés en embuscade, et qu'ils les cribleraient de leurs flèches à pointe de Crôol. Ainsi, même si elles s'avéraient insuffisantes à faire mourir totalement chacun des monstres serpents, puisqu'on était persuadés que des cellules végétales d'origine restaient probablement complémentaires de celles animales rapportées, cette mutation les rendrait peut-être partiellement insensibles au métal tueur, l'on espérait que la tige des traits d'acier fichés dans le corps radiculaire, l'empêcherait néanmoins pour un temps de reculer pour s'abriter à l'intérieur du boyau… permettant alors, que l'attaque des frondeurs, avec leurs jets de billes remplies de Naar soit rendue efficace...

 

L'action se passerait de nuit, afin d'obtenir la surprise par le fait que chacun prenne place sans se faire remarquer, ni par l'entité chimère dans l'arbre, ni par La Chose qui pourrait contre-attaquer plus à l'aise si l'on agissait de jour, et donc ainsi tout compromettre. À ce sujet, il avait été convenu qu'une fois les cercles d'énergie activés, Habygâ et Néphysthéo se téléporteraient séparément. Ils feraient cela pour apparaître simultanément en deux endroits de la zone où la présence de La Chose était suspectée. Ils s'emploieraient ensuite tour à tour à faire voyager la lumière de leur aura qui irait ainsi d'un corps à l'autre. Comme si hésitant à fuir. Ils espéraient que la ruse parviendrait à l'intriguer suffisamment pour qu'elle concentre plus particulièrement son peu d'activité cérébrale et son instinct de va-t-en-guerre, vers cet autre appât qui serait pour elle d'une brillance exceptionnellement appétissante.

 

*

 

Ainsi fut fait! La diversion réussit même un peu trop bien, car très certainement plus excitée que prévu par le manège du dieu-ange et de la déesse, La Chose se décida carrément à attaquer Néphysthéo qui n'eut d'autre échappatoire spontanée qu'à se dématérialiser, tout en renvoyant l'aura de sa complice juste à temps pour qu'elle ne soit avalée avec lui aussi!... Tandis que la déesse Habygâ, par prudence, annulait le jeu de sa propre téléportation géostationnaire et passait l'information télépathique à Morganie.

 

Sur le terrain, l'attaque qui s'était déroulée presque comme prévu pouvait être considérée pour réussie. En tout cas ce fut sans qu'on eût à déplorer la moindre blessure. Si ce n'est que le Naar, contre toute attente, ne faisait que brûler superficiellement la peau des monstruosités qui se débattaient si bien qu'elles auraient fini par briser les tiges de métal qui les retenait. Alors, Morganie avait dû donner l'ordre d'utiliser un autre moyen. C'est ainsi que toutes les têtes avaient pu être tranchées simultanément par les haches de Crôol, au moment fatidique où l'ensemble des cercles d'énergie allait forcément s'éteindre. Après quoi, la chasseresse avait proposé au gros des Dryades Pillywiggins de s'organiser dans le but d'empêcher toute échappatoire au monstre blessé. Il leur fallait intervenir cette fois pour agacer une autre tête, c'est-à-dire celle qui se présumait non sous la terre, mais dans l’arbre! Ils le firent cependant moins en réoccupant leur habitat naturel, entre corps et branchage, qu'en voletant au plus près: afin, sinon de réactiver l'aura de l'Arbre-fée, au moins la simuler par l'ajout lumineux de la leur. Et puis la brune déesse fit poster sept autres groupes. Ceux-là étaient composés d'Athsérians vétérans. Ils furent disposés en faction devant chaque entrée des cavités racinaires. Ensuite, elle nomma un chef pour chaque groupe. Elle leur assura qu'ils seraient tous reliés constamment par télépathie avec son esprit à elle. Ceci afin d'être en position permanente de connaître ce qu'il conviendrait de faire, dans le cas non négligeable d'une tentative de régénération cellulaire de leur ennemi. Laquelle pouvant peut-être se montrer capable de se recréer de nouvelles têtes...

 

Quand plus tard, la blonde Déesse Habygâ arriva au point de rendez-vous, Morganie venait juste de sécuriser la caverne après l'avoir fait aussi pour les autres orifices: notamment en déversant carrément du Naar sur le moignon de ce qui semblait redevenu simple racine. L'on obtenait pour résultat de l'expérience, sa destruction animale totale sur une longueur qui semblait suffisante, le reste redevenant végétal. Et puis elle avait demandé qu'on dispose de lourdes pierres afin d'obturer efficacement l'entrée de chacune des sept galeries souterraines.

 

– Ma tante, lui confia tout de même Habygâ: je suis inquiète, car j'ai dû fuir en laissant seul Néphysthéo... Et je dois admettre que s'il maîtrise bien l'acte de dématérialisation salvateur qui le rend invincible puisqu'intouchable, je crains qu'il n'en soit pas de même pour la coordonner comme il faut avec la téléportation qui était en cours puisqu'il n'est pas réapparu ici.

– Bah, il en a vu d'autres!

– Si nous l'avons toujours pratiqué en duo, c'est justement pour que soit assuré avec précision le bon lieu d'arrivée de notre enveloppe d'énergie noire, mais aussi de notre matière issue de la lumière qu'il s'est trouvé contraint d'éparpiller… je crains aussi qu’il ne sache gérer seul son recours à la matérialisation de ces enveloppes qui se sont peut-être trouvées à être déplacées lors de la récupération de leur translation. Ainsi le point de leur conjonction peut s'avérer avec des différences possibles, selon le corps qui est à reconstituer...

– Habygâ, je comprends ton angoisse, mais je n'y puis rien changer car j'ignore ce qu'il advient de la quintessence d'un ange-dieu qui a décidé de se dématérialiser sous téléportation énergétique, puisque je me déplace autrement. Alors si tu veux bien, au cas où… j'ai grande envie pour le moment d'aller voir ce qu'il en est au moins au niveau du monstre...

– Hélas, c'est probablement ce qui reste à faire de mieux dans l'instant, puisque tu es venue ici pour combattre. Mais ce que j'ai perçu de la Chose est si effroyable, que je ne peux me résoudre à t'envoyer seule là-haut, et puis... Oui?... Qui me parle?... Ah bon... Alors c'est merveilleux!... (Habygâ a des larmes plein les yeux) Oui mon chéri, c'est entendu... Je suis si heureuse... Oui... Moi aussi!

– Tu pleures Habygâ, mais ton visage s'illumine d'une joie qui fait plaisir à voir: alors, me diras-tu?

– Oh ma tante! C'est Néphysthéo. Il vient de m'informer: il est sauf!

– Voilà, qui me rassure pleinement, et peut-être qu'il nous dira où il est en ce moment...

– Dans la lune... Heu... En fait il se trouve actuellement au cœur de Yägastre, autrement dit: dans le véritable jardin d'Éden !

– Et bien, c'est heureux qu'il se soit retrouvé dans la lune de la planète Yäga, plutôt que gravitant autour de son étoile!

Et c'est sur ces mots à la fois réconfortants et blagueurs, que les deux déesses furent prises d'un fou rire nerveux qui agissait à propos contre un stress logique. De fait elles n'en courbèrent que plus volontiers l'échine pour passer l'une après l'autre par le sas qui avait été installé pour réduire volontairement l'entrée de la caverne qu'il convenait aussi de sécuriser.

 

*

 

      Le jour s'était à peine levé, quand Habygâ et Morganie décidèrent de rejoindre l'ange dieu de lumière. Pour ce faire, elles avaient directement évoqué puis emprunté le vortex reliant Yäga et sa Lune naturelle. Quand elles retrouvèrent Néphysthéo dans l'antichambre où il avait passé le reste de la nuit, il était aisé de l'imaginer quelque peu frustré d'avoir eu à subir passivement son arrestation, celle-ci ressemblant un peu trop à son goût à ce qui se fait sur la Terre lorsqu'on arraisonne un humain perturbateur, en le contraignant de passer la nuit au poste de simple police... En fait, les Anges de garde qui l'avaient surpris au moment où il se matérialisait dans le téléporteur du "Monde enfoui" s'en inquiétaient encore. Assurément, même si cette phase rendait l'intrus à la fois vulnérable et facilement détectable, cela s'était obtenu un peu trop près à leur goût de l'Arbre de Vie et d'abondance. Ils s'empressèrent donc d'informer les deux déesses qu'une audience allait avoir lieu à ce sujet. Précisant qu'elle avait été proclamée de grande importance, car prioritaire. Ceci laissant prévoir qu’elle allait devoir s'obtenir le plus tôt possible. Il fut ajouté que leur présence, eut égard à leur rang ne pouvant leur être imposée, serait tout de même fortement appréciée. C'est ainsi que le trio de déités fut dument escorté, plus que dirigé par l'Archange responsable, jusqu'au bureau de l'Ange doyen:

 

– Je vous salue très respectueusement, avait-il commencé sur un ton de soumission et d'excuse… Je vous sais gré aussi de m'accorder de votre temps que je conçois précieux dans l'action que vous menez pour nous, au nom du Très-Haut...

– Je comprends votre motivation, avait enchaîné Habygâ, car si ce qui est arrivé à mon mari n'est dû qu'à une erreur de téléportation, cela tend tout de même à prouver que nous allons devoir repenser avec vous tout le dispositif de sécurité de la «Pouponnière de Dieu» puisqu'il s'avère faillible.

– Il n'en reste pas moins que la téléportation d'un être ayant eu conjointement recours à la dématérialisation translative et désintégrant n'est pas l'un de ces actes bénins qui sont à la portée de tout vivant, lui précisa l'ange-dieu de lumière Néphysthéo: puisque vous-même ne sauriez le réussir.

– Et puis, ajoutait Habygâ, permettez-moi de douter qu'un être ou une entité qui obtiendrait non comme vous et moi, mais par intrusion scélérate, un peu de l'énergie émanant de La Lumière des Justes, parviendrait à en tirer réellement parti… et qui plus est, il faudrait supposer que celui ou celle-là vous menaçât directement! Ainsi je pense que l'inquiétude que j'ai pu remarquer dans l'esprit de vos anges gardiens est un peu exagérée...

– Madame, le nom que vous ne citez mais auquel vous songez me fait effroi... lâcha subitement le doyen. Et puis il se confondit en excuses, regrettant de l'avoir, avoua-t-il, interrompue avec inélégance.

– Comme je l'ai dit à votre Archange ici présent, dont je salue la promptitude et le grand courage qu'il a montré en s'interposant immédiatement devant moi lorsque je me suis reconstitué, reprenait cette fois Néphysthéo: il se trouve que nous sommes à présent garants, sur sa vie et la mienne, que l'Arbre d'Abondance d'ici n'aura pas à subir ce qu'endure héroïquement son pseudo vis-à-vis de Yäga.

– Certes Monsieur, je n'ignore aucunement ces faits. Ils sont révélateurs, car étant importants dans leur gravité. Ils sont aussi directement liés aux nôtres par leur troublante dualité complice: puisque l'Arbre de Vie et d'Abondance est un don de Dieu qui fut d'abord offert en confort, et voulu pour symbole de sa générosité envers les humains, placé en premier sur la Terre, à une époque où il faisait bel équilibre avec celui dévolu au savoir et à la science des Anges-dieu. Malheureusement, il y eut trop de bouleversements naturels et spirituels qui ont abouti à décider de leur translation: l'un qui fut nanti de l’autre se trouve donc à présent protégé ici par nos soins. Étant attendu, que c'est par lui seul qu'il est possible à présent de récompenser comme il se doit les âmes de généreuse descendance, à l'instar de l'autre heureusement fort dépourvu, puisque divisé. Sachant que s'ajoutant à cette dissémination, d'autres arbres encore ne sont que des leurres de celui d'ici, mais se trouvant quant à eux sur Yäga en complément des "pseudos". Pourtant il s'agit tout de même de parler de ce que l'un d'entre eux est devenu pour avoir à subir encore l'acte tentateur, oh combien réussi cette fois encore, par un triste ersatz d'Archange venu de l'ombre! Lequel semblerait avéré pour être tout le contraire spirituel de l'Archange ici présent. De même, il convient d’admettre que par ce qui le constitue notamment en matière et puissance énergétique, celui-là qui est plus fort que trois des miens réunis, pourrait bien vous donner la leçon!

– Hum, pourriez-vous nous préciser de quel danger, vous souhaitez nous avertir.

– Monsieur, ce que vous nommez "La Chose" se prête à trop d’ambiguïté. Ainsi, puisque l'engeance a su fusionner majoritairement avec lui, c'est donc à présent d'un arbre de la mort qu'il nous faut débattre. Et ce n'est pas, il me semble, le seul fait de contrôler des racines-serpent fouillant de plus en plus loin le sol qu'il convenait en premier de traiter!

– Votre réaction se fait vive, mais je vous comprends. Vous craignez, avec juste raisonnement, que la Morphogénèse végétale qui s'obtient dans ses structures organiques du vivant, puisse entamer un cycle d'autodéfense et avoir recours à la contrattaque, en y associant notamment un phénomène de mutations irréversibles... Sachant que les cellules eucaryotes des végétaux sont très proches dans leur constitution par rapport à celles animales, et donc aussi de celles humaines que nous utilisons vous et moi en abondance… je peux admettre ce risque. Mais il faut tout de même noter un détail important: aucune plante qui est génétiquement modifiée ne saurait réfléchir avant d'agir… Quand bien même, il lui serait greffé un cerveau primitif!

– Certes, mais à vous entendre Monsieur, il y a pour moi, si peu de différence entre cellule animale et végétale, qu'il risque de se révéler tôt ou tard, dans ce monde ou dans un autre, qu'il soit devenu aisé pour l’esprit malin qui nous gêne, d'en modifier cette morphogénèse. Puisque celui qui vous intéresse me semble déjà capable d'ajouter des têtes reptiliennes pourvues de cellules complexes en sus de fibres musculaires, qui permettent à des racines de se mouvoir avec une agilité certaine. Certes, comme vous le faites remarquer, elles restent non pensantes, mais elles sont tout de même capables d'assurer l’apport en énergie qui est nécessaire à la vie d’autres cellules animales! Tandis que des radicelles qui subsistent en leur périphérie, continuent d'apporter sève et nourriture par le sol pour ce qui est resté de cellules végétales. Et puis, il s'agit quand même d'un Arbre Faye. Il reste donc apparenté, ou en phase d'apparentement pour ce qu'il en est, à des êtres faits en grande partie de chair comme nous qui sommes capables de raisonnement… Alors avec pour preuve tout ce qui continue de naitre du hasard et devient féérie ou chimère... il se pourrait, si ce n'est déjà fait, que de la synthèse des deux entités, celle qui est un ersatz de nous ayant probablement migré d'un anti monde, n'aboutisse à la création indésirable d'une nouvelle entité mutante qui serait incontrôlable. Et rien n'empêche de la penser capable de se multiplier en pondant dans le corps unicellulaire de La Chose qui elle-même, pourrait bien trouver à son tour le moyen de se multiplier elle aussi.

– Mon cher Doyen, je pense que de ce côté l'affaire est en passe d'être réglée, le tempéra à son tour Habygâ.

– En effet, ajoutait Morganie, et je peux même vous apporter les sept têtes sur un même plateau! D'ailleurs, la « bête dans l'arbre » et acculée! Ainsi privée de nourriture carnée, il ne serait pas étonnant qu'elle cherche à fuir un squat que nous sommes en passe de transformer en nasse. Et croyez bien que dans ce cas, les gens que j'ai postés alentour n'en feront, si j'ose dire qu'une volée de bois vert!

– Voici en tout cas que vous serait offerte la preuve, s'il en faut, que La Chose a perdu la première manche, ajouta Néphysthéo en y mettant de la bonne humeur.

 

      L'assistance, composée d'Archanges et d'anges subalternes, de même que le groupe de discussion étant parvenu à se détendre, la fin de la réunion se termina par des paroles plus avenantes et les trois de la déité s'en étaient retournés sur Yäga . Si bien que l'on eut pu penser que le reste de la mission allait se dérouler comme quelque action banale, une formalité en somme. Mais c'était alors sans compter avec les présomptions légitimes de l'Ange doyen, et aussi l'inconnue que représentait La Chose. Et puis l'on ignorait presque tout de la ressource dont disposait encore son être complice. Force restait donc d'admettre que les impondérables non-inscrits qui se retrouvent jusque dans les destinées, fussent même celles des dieux, pouvaient parfois entrainer des circonstances fichtrement difficiles à gérer par le Très-Haut lui-même.

 

*

 

      Charles-Henry était revenu lui aussi à l'endroit de la caverne. Il avait formulé l'intention d'y rester une bonne partie de la journée, proposant de la faire aménager plus confortablement. Aussi, ses Elfes constructeurs avaient déjà fait du bon travail quand l'ex majordome avait repris le chemin du manoir accompagné de l'un deux. Au moment où tout fut terminé, en passant par les arbres, les autres avaient tenu à rencontrer leurs amis Pillywiggins, dont une partie non négligeable, montait une garde vigilante parmi les branchages de l'Arbre Faye qui semblait redevenu lui-même. Mais c'est à peine s'ils commencèrent à communiquer avec leurs compagnons disséminés parmi les essences bordant la clairière qu'avait eu lieu le premier spasme...

Tout d'abord, il sembla que quelque chose bougeait dans le sol:

 

– Les racines! Voici de nouveau qu'elles s'activent avait dit le prince Artiary… Je crains que cela ne présage rien de bon. Nous devons certainement nous préparer à combattre. Alors ce serait une bonne chose que vous alliez prévenir tous les autres proposa-t-il à son ami Elfe qui sans perdre une seconde, s'élançait aussitôt dans le vide.

– Prévenez aussi les gardes Athsérians et la déité qui les commande, hurla encore Artiary à l'Elfe qui volait plus qu'il ne sautait d'arbre en arbre en s'aidant de fines lianes, pour accomplir plus promptement sa mission.

Morganie arriva la première par les airs, et c'est en voyant Artiary allongé sur le côté, l'oreille plaquée contre le sol, qu'elle comprit qu'il se passait en effet quelque chose d'anormal.

– Madame, j'entends des vibrations importantes, la renseigna Artiary en se relevant… C'est un peu comme si la terre allait soudain se mettre à trembler!

– Nous voici, dirent ensemble Habygâ et Néphysthéo qui venaient juste d'arriver d'une tournée d'inspection… les gardes n'ont rien détecté au niveau des sept orifices. Sinon que durant la dernière nuit, bien qu'elles soient restées largement endommagées, les racines se seraient débarrassées des traits qui les empêchaient de se rétracter.

– En effet, confirma Morganie, j'ai même demandé à Japiary de se faire le plus discret possible, car il est requis pour surveiller le phénomène de plus près. À son plus récent retour, il m'a affirmé que les racines reprenaient peu à peu leur constitution végétale normale en s'enfonçant cette fois profondément dans le sol.

– Cela serait plutôt bon signe il me semble, dit Habygâ, en interrogeant toutefois Néphysthéo du regard, comme pour l'encourager à mettre sa propre intuition à contribution de la sienne.

– Hum, je ne vois pas cela de manière aussi sereine. Si l'entité qui s'est mêlée à l'Arbre tend à lui rendre sa physiologie végétale: c'est peut-être qu'elle aurait finalement décidé de le quitter dans un but précis que nous ignorons.

– Vous pensez qu'elle va nous attaquer, demande Artiary, soudain inquiet?

– À moins qu'elle n'ait décidé de fuir, lui répondit l'ange-dieu de lumière, comme s'il voulait rassurer le vaillant petit être.

– Je vais aller voir cela de plus près, annonça Morganie, sachant bien que le sol jonché de poussière chargée en électrons restait interdit à tout passage.

 

Morganie savait aussi pertinemment que de toute façon, elle était la seule en cette circonstance à pouvoir soutenir utilement les Dryades/Pillywiggins qu'elle avait elle-même fait placer aux endroits stratégiques. Alors n'écoutant que son courage, et ignorant la mise en garde de Néphysthéo, elle s'élança de nouveau par les airs. Se dirigeant droit vers le centre de la clairière, elle arriva au-dessus du branchage de l'Arbre Faye, juste au moment, ou cela se produisit. L'on put voir en premier une nuée jaillissante. Il s'agissait des Dryades de faction qui désertaient promptement la tête de l'Arbre Faye. La guerrière se joignit à eux, autant par prudence que préséance protectrice. À cet instant, l'on aurait pu s'imaginer, autant au sol que dans l'air environnant la clairière, qu'un mini- volcan allait sortir de terre et entrer immédiatement en éruption, exactement en lieu et place de l'Arbre. Pourtant il n'en fut rien… car c'est l'être intrus qui est apparu! Tel un spectre prodigieux: il sortait lentement d'entre les branches qui s'écartaient d'elles-mêmes pour mieux accoucher de l'ignoble suppôt. Cela ressemblait certes à un ange ailé, mais de couleur gris souris, presque noire. C'était pareil à un être diabolisé. Il devait être de grande stature. Sa tête, qui n'avait rien de comparable à celle humaine des anges de lumière, était davantage assimilable à l'image d'un prédateur préhistorique, ou plus précisément à celle d'un reptile saurien du crétacé terrestre. Alors, sans prendre le temps de réfléchir, Morganie avait tiré sa griffe de Crôol de son étui de cuir noir et fonçait droit sur l'entité... Qu’elle traversa de part en part! Comme si rien n'existait de ce que tout le monde voyait pourtant clairement monter vers le ciel en ignorant leur présence… Et même, cela paraissait insensible aux ampoules de Naar que lui destinaient quelques frondes, pourtant manipulées avec précision par les trois lanceurs Athsérians qui venaient juste d'arriver... En fait, personne n'y comprenait rien: chacun ayant l'impression d'avoir affaire à un ectoplasme qui leur apparaissait peu à peu. Comme s'il se constituait au fur et à mesure de son élévation. Il était à présent pourvu d'ailes de chauve-souris, et pour le reste, tout couvert d'écailles grises... Cela semblait être quelque chose d'impensable ailleurs que dans l'esprit dérangé d'un peintre visionnaire. Ce pouvait être un être ou un sur-être qui en fait, ne serait que le pur produit d'une imagination collective. Et puis l'instant d'après, l'entité avait complètement disparu! Comme si son buste s'était soudain dissout dans l'air. De la même manière que Néphysthéo savait le faire. Mais sa présence restait percevable, notamment par Morganie. La Déesse continuait de donner çà et là des coups de sa griffe de Crôol. Et on pouvait percevoir des plaintes à l'issue de chacun de ses gestes... Soudain, il y eut formation d'une petite tornade. Elle emporta vers le ciel la totalité de la poussière active qui jonchait le sol de la clairière... Et puis tout redevint silencieux... Même les fils du vent s'étaient arrêtés de jouer dans les feuilles de la forêt… L’on n'entendait plus le moindre bruissement. L'on aurait pu croire que tout avait été emporté par le phénomène. Que toute vie alentour était morte. Comme quand sur la terre, l'hiver le plus long et rigoureux finit par tout figer dans un silence s'angoissant par lui-même... Morganie, qui ne percevait cette fois plus rien, avait quitté les airs pour rejoindre Habygâ. L'instant d'après, la nature végétale de l'arbre-fée avait commencé de récupérer tous ses droits. Alors seulement, comme pour s'enthousiasmer du retour de leur grand seigneur: toute la faune et la flore environnante qui s'était tue, se remit à battre… comme un cœur ressuscité.

 

– Qu’avons-nous fait? Et comment le combattre, maintenant que nous l’avons perdu de vue?

– Un être vivant, presque entièrement fait de matière grise, laissa alors échapper Néphysthéo... Son essence semble capable de s'intégrer à tout ce qui est cellulaire... Il est peut-être constitué de manière déséquilibrée: mais il est probablement redoutable.

 

Chacun avait respectivement interrogé sa propre pensée. N'y trouvant de meilleure argumentation que celle qui venait de franchir les lèvres de l'ange-dieu Néphysthéo. Nul ne dit de mot supplémentaire tout le temps que se fit le retour à la caverne. Pourtant, lorsqu'ils furent arrivés, et une fois le repas terminé, le débat sur ce qu'il convenait de décider pour la suite de leur action commune se révéla beaucoup plus animé qu'à l'habitude. Et s'il dura jusque tard dans la nuit, il n'aboutit pourtant à rien de concret, car l'on se posait trop de questions qui n'obtinrent de réponse.

 

– La nuit souvent porte conseil, finit par dire Habygâ, et si elle invita toutes les personnes présentes à prendre du repos, elle ne se doutait pas à quel point elle leur avait dit vrai... Du moins, il en fut ainsi, comme à propos du conseil qui s'obtient le plus souvent quand l'esprit s'ouvre à la méditation qui se qualifie de troisième niveau!

 

 



11/04/2021
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