le monde merveilleux de lucien

le monde merveilleux de lucien

CHAPITRE SOIXANTE NEUF

Sur un lit d'inconfort,

Éreinté par l'effort,

Un poète s'endort:

– Cette femme est jolie admet le subconscient,

Est-ce un rêve omniscient?

– Assurément, reconnaît le corps inconscient!

Un marais miasmatique…

La vision se fait achromatique

D’une Entité acrobatique.

Elle marche en surface putride,

Sur l'élément hybride.

La beauté est anhydride…

Ondine en nécropole,

À dix brasses d’une coupole,

Vitrifiée Métropole.

Le lieu s’invite en Lucien.

Son corps détendu lui dit: viens...

Mais le rêve s'abstient.

Le poète déçu noircit la métaphore:

Et l’ondine retourne en amphore…

Car le songeur est le moins fort!

Dans la pataugeoire en élision:

Suppression sans condition,

De la vaporeuse vision!

L'entité broie le fidéicommis,

Du défunt lac endormi.

Sans rien de compromis,

Culbute le poète puis fait jaillir le jour…

Soudain son rai balaye la cour :

Morphée est pris de court!

Mais voici qu'un air froid circulant,

Fait basse main de fantôme ambulant

Qui frôle un front trop brulant.

Une haleine comprime l’ecstasy,

D’un souffle senteur moisi,

Sur l’image d'un son d'amour transi...

Le poète interroge le petit matin

Qui le renvoie gaiement: réveil mutin,

Tout pret à questionner son triste destin.

 

 

      Comme cela ne saurait s'ignorer, il se trouve que la planète sœur de Yäga gravite autour d'une étoile jaune nommée Soleil. Et si d'aucuns l'ont autrefois parée du nom de Gé ou bien Gaïa, d'autres, moins poétiques, la nomeront plus communément Terre…

Et c'est dans ce qui reste de la forêt d'Ardenne, trouvable au nord-est d’un état Européen portant le nom de France: qu’un certain Lucien – poète-écrivain à ses heures – et se comportant pareil à quelque "Pelleteur de nuages" durant d’autres moments plus oniriques, avait élu domicile dans une caverne aménagée où vécut autrefois une mauvaise fée qui fut dite "La Rouge" et que Morganie, la brune déesse chasseresse, avait anéantie en combat régulier…

Depuis qu'il en avait eu l'autorisation officielle, bien qu’il dût pour cela subir toutes sortes de vaccinations qui avaient été jugées utiles pour survivre hors de la cloche aseptisée: notre poète aimait s'éloigner de la mégapole pour venir s'installer ici. Il y vivait comme cela s'entend d'une résidence secondaire. Puisant son inspiration dans les nues tout en ravivant de minuscules parcelles de nature agonisante: il rendait grâce au fruit de résultats qu'il admettait volontiers comme tout de même assez hasardeux, car issus des expériences qu'il réalisait sous l'égide de son ancien professeur de chimie-botanique. Et s'il se plaisait là, il rêvait néanmoins de devenir un jour, un grand chercheur en astrophysique...

Bien que sans prédilection qu'il se connaisse pour l’engager dans cette vie d'Hermite, sinon que peut-être l’exemple de son père, Lucien avait quand même fait le choix d'adopter volontier cette existence rustique à l'encontre de celle d'autres humains qu'il jugeait outrageusement paramétrée.

Selon sa pensée: les habitants de la 'Grande Bulle' où se trouve à vivre sa mère, montraient des valeurs bien trop aseptisées!...

S'il allait pourtant de l'autre à l'une afin de s'approvisionner du principal, cela se réalisait dans le cadre du strict nécessaire. D'ailleurs, depuis qu'il avait décroché le diplôme qu'il briguait, et puisque le SRR (système de répartition des richesses) le lui permettait, il passait le plus clair de son temps à mener des recherches sur site. Il les préférait de beaucoup à celles qui se réalisaient en laboratoire. De toutes, c'était à présent la survivance naturelle des végétaux qui le passionnaient vraiment. Certes, il fallait bien qu'il vive lui aussi! Et pour cela il avait besoin de gagner un minimum de crédit électronique complémentaire. C'est pourquoi il menait conjointement des expériences de phytologie interne et externe. Obtenant même de bons résultats dans l'adaptation des plantes au manque de soleil naturel. Il parvenait à leur assurer malgré tout une bonne photosynthèse. Ce qui pouvait s'avérer au final, très utile, voire prometteur, pour la culture maraichère de type biologique, qui, faute de place suffisante sous les bulles, continuait d'avoir lieu hors de la ville sous des tunnels translucides dévoreurs d'énergie.

 

Ainsi donc notre Lucien, mais aussi son père, tentait, mais chacun à sa façon, de revenir au système de culture "plein air"d'antan. C'est du moins ce que notre "Pelleteur-de-Nuages" s'efforçait d'obtenir par "prime volonté".

Il pratiquait pour cela, non loin de la grotte, un mode de culture qu'il aimait vanter à son père: "le jardinage en carrés". Oh certes, il n'avait rien inventé, puisque la méthode datait des années 1980! De fait il avait retrouvé un livre qui décrivait l'art et la manière d'un certain Mel Bartholomew… Sauf que les résultats tangibles qu'il grignotait peu à peu sur le terrain s'obtenaient de façon totalement imprévisible. En usant de soins magnétiques qu'un certain Belzéé lui avait enseignés alors qu'il avait seize ans: il avait pourtant su créer de nouveaux plans à partir des seuls transgéniques qui existaient à présent, mais en usant du processus évolutif inverse. Et cela semblait fonctionner! Peu à peu, ses plantes recouvraient leur constitution génétique d'origine, tout en s'accommodant de la pauvreté du rayonnement solaire pourtant utile à générer une bonne photosynthèse.

Alors, Lucien se disait qu'il ne ferait certainement plus à l'avenir, que de très brefs séjours, dans la mégapole voisine:

 

– Je préfère vivre ici, vautré tel un bousier fouissant ce qu'il reste de restes, plutôt que de me comporter de manière robotisée!

… Un peu comme ce truc, qui gisait là-bas, pareil à autrefois un soi-disant Crusoé tout juste naufragé, mais qui faute de l'exotisme ensoleillé d'une nature ilienne luxuriante, serait certainement resté à jamais couché entre des troncs bouffés par l'usnée fétide!

 

C'est ainsi qu'emporté par son enthousiasme de jeune homme: le poète se laissait aller à parler tout haut! Comme si quelqu'un fait de chair comme lui, pouvait l'écouter pester contre l'imposture qui avait contribué à réduire la gente humaine à se complaire dans un cadre de vie devenu inhumain:

 

– Bande d'assassins! Voyez l'héritage que vous laissez à votre descendance, hurlait Lucien!...

 

Mais à quoi bon, puisque personne en ce lieu ne saurait partager ses opinions...

En fait, il y avait pourtant bien des oreilles pour l'entendre vociférer!

 

Oh, bien sûr, à ce stade de la pollution qui sévissait en terre d'Ardenne, cela faisait belle lurette qu'il ne se rencontrait guère en ses lieux quelque être qui fut doué de parole, et qui lui ressemblât même très peu! Mais puisque l'entité qu'il avait connue vivait désormais en ses ailleurs de sous la terre, il n'y avait pas de raison pour que l'on s'intéresse encore à d'autres chimères. D'autant que personne ne parlait pratiquement plus du Diable dans leurs conversations. Et puis, selon un livre de poésie signé d'un autre Lucien, l'Ange déchu ne correspondait plus à ce qui se disait alors de lui.

De conception très artisanale, et découvert par hasard, alors qu’il cherchait dans une malle-cantine des photos d'un aïeul qu'il ne trouva jamais, l’humble recueil proposait des poésies semi-contemporaines de l'époque qui corroborait cela. Certains textes faisaient état, et même précisaient qu'avant lui – au moins de façon romancée – l'on connaissait cette caverne que Lucien habitait aujourd’hui. Cela mentionnant aussi l’inquiétant «passage» obstrué depuis par un énorme bloc de pierre bleue. Cela menait soi-disant autrefois vers des entrailles inhospitalières. Lesquelles eussent en cette occurrence été jugées dangereuses pour d’autres que lui...

 

– Mais qu'est donc devenu ce «gentil» démon? Lâcha soudain le poète... dire que cela me serait encore plaisir que pouvoir lui parler!...

…Bon sang, lui confiait pourtant encore la même voix intérieure… Peut-être qu'à force de le solliciter...

Sinon que...

 

L'euphémisme est certes de rigueur…

Quand les mots sont porteurs,

D'une pensée venue d’ailleurs,

Où semble vibrer avec bonheur,

Un cœur extrasensoriel prometteur.

S'admettant que chaque instant

À fait chaque jour différent,

Et qu’à tout le moment

Nous vient parfois le sentiment

De passer en revue notre avant.

Que l'on s’explore tandis que se redécouvre.

L'existence écrivant l'autre livre qui s'ouvre

Pareil à ceux rangés comme au Louvre.

Intacts de ces pollutions qui nous couvrent,

De détritus que l'on prose au pied d'un rouvre…

L'imposture réductrice étant de belle taille,

Le monde humain basculera dans la faille.

Il s'ira demain à veau diable: vaille que vaille!

Et tant pire pour l'autre gisant sur la paille!

Du moment que notre nombril fait ripailles!

 

      Des sons nous parlent et nous entrainent au-delà de leurs langages apocryphes. Sans comprendre un traître mot, certains d'entre nous ont pourtant le sentiment d’en saisir l’essence. Si le poète en vient parfois à refuser toute traduction qui ne serait sienne: c'est par peur d’être déçu. Son esprit préfère voyager libre et léger. Et s'il respecte jusqu'à l'arachnidée transportée par son fil, l'imaginant comme lui au-dessus de nuages échevelés au gré des fils d’Éole: il faut dire qu'il a de son côté appris de bonne heure à les soulever par pleines pelletées! C'est même à croire que Lucien joua probablement avec eux dès qu'il fut né. Leur voie fluctuante, dessinant des images allégoriques dans un cœur qui toujours en attend d’autres… Car il les suppose, existantes bienheureuses, à l’entrée d’un vortex qui n'aurait rien d'imaginaire.

Mais, alors que le confort matériel se voit aujourd'hui toujours plus consommé qu'hier, l’on peut se demander jusqu'où le mal de vivre humain, que l'on savait originel, irait grandissant inexorablement de siècle en siècle.

 

Lucien bâtissait sa vie sur une terre dont le passé industriel qui fut sans limites ne lui apportait finalement rien de mieux que la rusticité d’un habitat naturel, serti dans des alentours rongés par les retombées acides que l'on n'avait su juguler que beaucoup trop tard. Rejets empoisonnés, qui avaient trop contribué à tout détruire. En dépit de toute considération humaine. Et ce jusqu'à vicier l'air que l'on respirait...

 

Il fallait reconnaitre que bien des démons qui se juraient chimériques n'étaient en fait rien d'autre que des hommes démoniaques! Lesquels depuis l'aube qui vit émerger les premiers, usaient de la crédulité des seconds pour acquérir chaque jour plus de force. Et peut-être que maintenant que les "vrais" semblaient assagis, il se pourrait que d'autres qui se supposent en des ailleurs cosmiques arrivent à leur tour, s’extirpant des trous Noirs, et se multiplient à leur tour sur la planète, jusqu'à faire pencher définitivement le fragile berceau de l'humanité au point de le voir sombrer définitivement du côté noir de l'existence.

Il n’y a hélas que de constater l’état de Gaïa pour s’en rendre compte: les hommes ont su exceller autant que le fit Satan hier: et sans admettre jamais qu'ils faisaient pire que lui!

 

Ce fut à l'époque de sa prime adolescence, que l'enfant Lucien s'ouvrit à la découverte de tout ce qui gravitait au-delà de ce qui l'entourait. Sa mère y veillait aussi, afin d'élargir sa conscience. Cela le faisait voyager mentalement en utilisant sa propre force de volonté. Son esprit l'entrainait alors, mais de préférence par des nuits calmes, à travers des steppes qui sont inconnues des adultes. No man’s lands qui constituent l'essentiel d'un vaste univers éthéré, où s'enraille le train-train du rêve latent qui l’attend, dans une gare située quelque part, au pays de l'illusoire…

 

Avant l'âge de sept ans, son véhicule psychique était déjà prêt pour l'emmener vers l’inconnu de la douce partance. Plus tard, il avait admis que le vieillissement du corps était moins le fait du temps qui se calcule que de son oxydation cellulaire. Il lui arrivait ainsi de penser à cet âge, jusqu'à le ressentir ressurgissant en se montrant capable de régénérer ses cellules. Et c'est justement le même phénomène qu'il appliquait à des plantes. En schématisant, on pouvait donc penser qu'il obtenait de bons résultats en les magnétisant. D'autant que cela se voyait! Rendant envisageable l'espoir d'aller plus avant dans l'étude de la translation du vivant, qu'il s'agisse de faune ou de flore.

 

Lucien se souvenait à ce sujet de la réminiscence d'un rêve au cours duquel son corps pouvait planer dans l'air. C'était comme s'il était muni de l'une de ces ailes volantes bigarrées emportant des humains qui tournoient au-dessus des montagnes. Mais en moins prodigieux, puisque ne descendant et remontant alors, que virtuellement, un banal escalier à vis, qui lui semblait interminable! C’était tout de même fort de sensation. Un peu comme s’il se trouvait dans une sorte de lévitation intemporelle. Il lui semblait qu’il prenait de la hauteur en vrai comme au figuré. Appréhendant des paliers bien mieux éclairés que ceux, lorsque conscient et éveillé, il franchissait physiquement. Les percevant alors, une fois retrouvée toute sa lucidité, généralement beaucoup plus utiles pour leur intérêt réellement stationnaire, que par le fait qu'il se permettait, dans ses nuits féeriques, de voir derrière leurs portes inévitablement scellées, non pas de banals appartements, mais d'autres issues, menant vers d'autres vies autrement intimes.

 

 

 

 

 



25/07/2021
14 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 13 autres membres