le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE QUATRE-VINGT-DEUX

         Erzeré- Gabryel venait de pénétrer dans une sorte de cellule dont l'entrée ne possédait aucune porte à ouvrir ou fermer. Pas plus que l'endroit n'était meublé, il n'y avait aucune fenêtre ni rien d'autre pour l'éclairer. Il aurait pourtant été aisé pour un simple mortel, de voir les cinq êtres silencieux qui s'y trouvaient installés jambes croisées… Face à ceux-là le sage… lui-même assis comme eux en tailleur, mais au centre de la pièce. Il s’était drapé d'un pagne couleur safran. D’un sourire à peine esquissé, il invita le dieu ange photon à s'insérer dans l'arc virtuel. Sans qu'ils eussent à faire le moindre mouvement, la place s'obtint du décalage de quatre pratiquants. Après s’être déchaussé et avoir salué, Erzeré-Gabryel s’était donc installé, lui aussi en tailleur. Quelques mots d'accueil furent murmurés. Et puis le silence s’était rétabli.

Chacun cherchait à "atteindre" le regard du sage: le dieu photon qui faisait de même, l’obtint presque instantanément. Il sentit rapidement monter en lui un bien être sûr. Une sorte d'apesanteur qu'il connaissait bien s'installait en même temps qu'un désir d'immobilisme bienfaisant. Cela dura un temps indéfinissable. Et puis le sage les remercia, gardant les mains jointes en signe d'offrande spirituelle. Alors chacun fit de même pour les autres. Puis ils se levèrent et quittèrent l'endroit un à un, en marchant cette fois, mais lentement, et toujours en silence. Tandis que le sage s'adressait à voix basse, à l'intention d’Erzeré-Gabryel qui comme lui était resté:

– je sais qui vous  êtes.

Puis il se leva à son tour et lui fit signe de le suivre;

– Je sais aussi que vous pouvez trouver le "darshan" mieux que moi…

– j'ai en effet voyagé dans votre regard.

– C'est une bénédiction de vous voir face à moi, car le regard est une projection de notre propre image qui s’obtient dans les yeux de celui que nous regardons. Si celui là se projette lui-même par le regard, c'est qu'il y a échange par croisement d'images. Mais si celui que nous regardons ne se projette pas, parce que par sa sagesse, il n'a plus de "vie matérielle extérieure" alors notre regard se perd dans son regard. Il se noie, se dilue. Et c'est un peu de sa sérénité qui monte en nous et nous paralyse, tant que nous sommes sous son regard... Or vous êtes tout cela à la fois, et seule votre déconnexion volontaire pouvait déterminer la fin de cette séance de méditation entre vous et moi…

– Sur la Terre-Mère, on dit aussi "avoir le darshan du Gange" lui confirma son interlocuteur en marquant une pause.

Il était devenu dieu photon par la volonté du Très-Haut de Lumière, et s'en trouvait d'autant plus puissant qu’il avait précédemment acquis la seconde signature. Et puis il ajouta:

– C'est le même phénomène que vous reproduisez ici afin de "réhabiliter" des âmes "perdues".

– Ainsi, vous pensez que le monde de Luskan serait représentatif de ce purgatoire céleste dont parlent certaines des religions humaines.

– C'est cela... Entre autres choses... À ceci près que les âmes redevenues méritantes, ne retournent pas toujours vers leurs origines, et que partant: mon père, le Très-Haut de lumière s’en trouve contrarié.

– C’est que, voyez-vous, nous aussi avons notre Très-Haut…

– Il suffit!

La voix puissante qui soudain les toisa tous deux émanait des ténèbres qui du reste, envahissaient  à présent la modeste cellule. Alors le dieu photon avait instinctivement quitté le cube en se téléportant.

 

*



         La sombritude qui existe de l'autre côté des Trous-Noirs ne saurait se comparer au néant. Et puis, bien qu'elle s'y trouvât rare en quantité utile de particules plus ou moins électrisées, il y a là selon Lucien tout ce qui est utile constituer ou même reconstituer de l'énergie comparable à de la lumière originelle… Et pour que l'Archange et dieu-Photon Erzeré-Gabryel puisse avoir rencontré ce sage, c’est donc que le petit comité de paix avait repris son voyage. Du reste, autrement plus rapide que ladite lumière, leur étrange et vivant véhicule était tout à fait capable d’atteindre des mondes représentés sous toutes les formes possibles, quand bien ils sont constitués à partir de l’antimatière. Alors, puisqu'il savait si aisément les traverser à des vitesses si vertigineuses que rien n’eut pu la quantifier…. il convenait néanmoins de savoir la maîtriser! Sinon elle pouvait aussi bien aller jusqu’aborder dans l'instant les frontières de l'entendement!… C’est ainsi qu’en quelque sorte elle s’était incrustée parmi l’invisible rétroactivité de l’hémisphère boréal qui est traversé par l'envers de la Voie lactée.

– Nous traversons des univers qui sont directement liés avec l’Au-Delà, avait laconiquement annoncé Néphysthéo.
 
Il savait de quoi il parlait. Il en avait été autrefois instruit par L’HOMBRE!
 
– Bien que celui présent m’inspire une certaine sagesse qui est proche de la doctrine hindouiste, nous savons que comme toutes celles qui constituent l’univers contraire du Très-Haut des Ténèbres, cette planète ne s’est pas constituée par hasard, à partir d’une nébuleuse ou d'une conglomération de matière lors du passage d'un objet céleste au travers d'un  nuage moléculaire formé de débris d’étoiles. Lequel ayant pu appartenir à un sois disant univers primitif, sans que ce dernier ne soit issu lui-même d’un pré monde venu du "Début".  Certes il a bien fallu que des éléments lourds s’agglomèrent en premier sous l’effet des forces gravitationnelles. Et qu’une autre puissance, magnétique celle-là, en émane pour que durant des dizaines de millions d’années, d’autres particules, plus légères, contenues dans le nuage moléculaire, puissent à leur tour s’assembler sur ce noyau. Ainsi, ces dix planètes encore primitives que nous avons entrepris de rallier, auraient logiquement dû disparaitre à l'occasion de la moindre tempête ayant lieu au sein de leurs étoiles respectives, qui aurait pu se produire plus importante que les autres. Mais il s’est trouvé que le frère dont s’est pourvu notre Très-Haut de lumière a tiré enseignement de son créateur. Il a même réussi au point de gérer lui aussi la rotation de leur propre noyau. Ainsi protégés en engendrant du même coup leur propre champ magnétique (un peu comme une dynamo) ces dix planètes-mondes, ont donc fini par faire partie du sien.

Au stade actuel de leur formation, ces planètes possèdent comme la Terre une croûte solide et de l’eau. Alors, vu que leur noyau leur permet de conserver au moins une atmosphère primitive constituée de gaz divers, il n'y a pas de raison pour qu'elles soient inhabitables par des êtres adaptés. Qu'il s'agisse ou non de chimères, ou même d'autre chose qui serait plus proche des humains si cela est obtenu de manipulations génétiques. C'est ainsi que la vie qui est apparue çà et là n’est pas forcément le fait d’une évolution naturelle. D’où celle que nous avons rencontrée sur les deux premiers mondes que nous avons visités. Reste que les trous Noirs, à force d’absorber de la matière depuis l’univers de lumière, pourraient bien receler une quantité incommensurable d'objets.



*



         C’est donc après avoir quitté le monde glacé de Windthorst, que la sphère en avait atteint un autre, dont l’apparence grise, mais placide des épais nuages lourds avait fait place, une fois traversés, à une géographie de type lunaire peu engageante.
La surface tourmentée de cette planète étrange montrait de vastes étendues couvertes d’une matière grisâtre marbrée de noir et d’ocre foncé. Cela faisait songer à des océans de sables indéfinissables, aussi poudreux et secs que du café lyophilisé auquel se seraient trouvés mêlés on ne sait comment, d’impurs filaments laiteux extravagants. Ce n’est que lorsque l’aspect volcanique de montagnes en émergence se modifia substantiellement, que Gabryel avait proposé de s'arrêter au centre d'un vaste cratère dont la périphérie cubique, faisait penser à une intervention plus ou moins humaine, qui l’aurait façonné ainsi. Et puis, en se rapprochant du sol, ils avaient constaté que l’aire qui allait les accueillir était constellée de cubes étrangement noirs. L’un d'entre eux se mesurant d'environ dix mètres en arête, tandis que tous les autres devaient en faire à peine deux. Aucun ne possédant rien d'agrément qui puisse les rendre comparables à des habitations. Et pourtant la présence d’êtres vivants, probablement pareils ou très proches en aspect des humains s’y devinait.

– Surtout, ne bougez pas ! leur avait alors recommandé Erzeré-Gabryel sitôt que la sphère se fut stabilisée à cinquante mètres au-dessus d'un sol visiblement parcouru par un réseau complexe de crevasses et de fissures inquiétantes qui risquait de compromettre encore plus, par un atterrissage complet, l'éventualité d'une retraite précipitée. Manœuvre qu'il fallait néanmoins envisager pour servir d'échappatoire à une exploration qui s'annonçait d'ores et déjà compliquée.

Sans attendre de réponse, il avait donc quitté leur véhicule protecteur, et, à l'issue d'une descente si bien maitrisée que Morganie n’aurait su faire mieux, cette dernière l’aurait pu croire carrément absorbé par l’un des cubes. Or ce fut bien là l’endroit qui lui permit de rencontrer le sage…

 



*



– Enfin ! ne put s’empêcher de dire Néphysthéo à l’intention de son Fils, quand il fut de nouveau parmi eux. Crois-tu vraiment que cette démonstration de tes nouveaux pouvoirs soit exempte de risques?

– Voyons père, vous les avez vus comme moi…

– Certes, je les ai pressentis paisibles aussi, mais reconnais en revanche, que le rugissement de Luskan t’a semblé diamétralement de valeur inverse!

– Ainsi tu le savais?

– Que crois-tu que nous faisions durant ton escapade hasardeuse?

– Bah, n'êtes-vous pas censés protéger mes arrières?

– Certes: et aussi assurer…

Le dieu ange photon venait de poser son index droit sur les lèvres de son père, et puis il leur sembla qu'il s'adressa cette fois au néant:

– Mon cher Luskan, vous me semblez passablement brailleur pour un prince de tolérance: rechigneriez-vous donc à ce point de m’entendre, pour que vous y mettiez autant de votre mauvaise volonté?

Erzeré-Gabryel s’adressait à présent à la voix qui lui avait semblé tout à l'heure omniprésente, tant l'écho que renvoyaient les montagnes avait su l'amplifier.

– Il n’empêche! Tout dieu photon que vous êtes. Il est que vous ne choisissez pas l’endroit qui convient le mieux pour espérer m’intimider!…

   N’obtenant rien d’autre, le petit groupe avait quitté ce lieu et repris de l'altitude afin de poursuivre ses recherches, puis la sphère avait soudain été canalisée par une force. Comme si happée par un flux inconnu avant d'être libérée. Cela l’avait conduite à se poser prudement dans un autre cratère, d’autant que le ciel sombre s’était figé au point de se montrer menaçant au-dessus d'elle.

– Fin de la première manche! Avait précisé la voix… À présent je vous invite tous à quitter votre véhicule et à suivre ma garde.

Le groupe, qui avait obtempéré pour la forme autant que par curiosité, se trouva très vite entouré d’anges gris ressemblant tous à Athaânas.

– Je sais à qui vous pensez, avait enchainé Luskan, mais rassurez-vous: ceux-là ne sont que les anges du purgatoire…

De fait une sorte d’entente tacite de non-agression s’était produite. Il en ressortait que se sentant satisfait de sa démonstration de force, cet autre fils du Très-Haut des ténèbres s'était néanmoins résolu à les recevoir dans sa maison.

– Vous ne pouvez nier que l’âme de ce sage, avec lequel s’est entretenu mon petit-fils, ne vous appartient pas en propre, avait précisé Gabryel en scrutant le regard froid de Luskan. Pas plus du reste: que l’enveloppe charnelle dont vous l’avez pourvu.

– En effet monsieur, lui répondit le dieu sombre. Je n’ignore en rien que tout esprit, y compris le mien, appartient au Très-Haut de lumière. Mais oseriez-vous nier, à votre tour, que je n'ai fait que singer ce qu'il produisit lui-même à partir de deux êtres de sexe différent, choisis sur la Terre parmi des primates plus avancés que les autres, qu’il plaça alors dans son jardin – bien que connaissant leur mode de reproduction – pour les y soumettre à une tentation qui l’arrangeait bien?

– Hum, lui avait rétorqué l'Ange dieu: ça n’est pas vraiment comme cela que certains livres saints de la Terre, définissent la création de l’homme et de la femme… avouez que votre version insultante est celle d'un hypocrite!…

   L’argument qu'avait émis Luskan était bien trop prévisible pour être imparable, mais il était à craindre qu'il resterait sur sa position. Alors Erzeré-Gabryel en avait convenu ainsi: du moment que des âmes repenties acceptaient d’être ressuscitées pour créer une autre lignée ayant apparence humaine, dont notamment quelques sages, et qu’ils acceptaient à leur tour de ramener vers la lumière d’autres âmes qu'on avait pour cela emprisonnées dans d'autres cubes, il n’y avait pas de raison  d’intervenir dans un processus qui allait apparemment dans le sens de ce que voulait le Très-Haut de lumière. Et puisque Luskan  leur avait assuré que ses anges gardiens n’avaient rien d’un certain Athaânas… D'autant que celui-là s’était approprié la meilleure planète d’un monde des ténèbres apparemment pas si ténébreux que cela. La conversation aidant, Luskan avait même tempêté contre l’être ignoble. Puis il avait signé le registre. Permettant du même coup au nonce du Très-Haut, l'accès à une faculté supplémentaire: la force de persuasion qui est fort utile dans toute démarche de pacification. Il avait même été convenu d’un codicille qui permettait que des âmes appartenant au Très-Haut de lumière, soient cédées à son Frère de l’ombre pour peupler son monde. Cela, à la condition qu’un couple d’humains, avec le soutien de ce fils de l'ombre, puisse un jour tenter la même expérience sur l’un des autres mondes du Très-Haut des ténèbres. Et Luskan qui se doutait qu'il s'agirait de la dixième planète qu'il savait proche de devenir incontrôlable, avait immédiatement flairé la "bonne affaire".
 

 





Dans ce monde cristal de germanium
Se capte par magie une onde millénium
Substrat de la création terrestre lambda…
Un vieux sage y parle de Zarathoustra
Et de dogme en doctrine ésotérique
L’image arbore celle d'une bulle ex tantrique

Mais pas spirituellement:
Plutôt…Physiquement…

Il s'y sèmera demain la drupe ambroisie
Pour nourrir un dieu inédit
Expiateur  d'âmes à l'envi
Consommant comme pomme l’interdit…
Vision génésiaque au relativisme embryonnaire
Dans son fluide amniotique d’Art visionnaire

Mais pas spirituellement:
 Plutôt…Physiquement…

Lors se dépose nu ce ballon pictural sur le sable
L’incongruité d’artiste fait création inclassable
Et d’ailleurs n’est-il pas que l’âme transparaît
Que la raison du poète voit celle qui ne se connaît?
Par la subtile « vibrance » voici mon tableau
Si fait ! C’est méditation pour l’alter ego !

Mais pas spirituellement:
Plutôt physiquement !












05/02/2022
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