le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE CINQUANTE SEPT

 

Ô toi pour qui aimer n'est impossible quête:

Regarde bien au loin "La Lumière des Justes"

Vois en l’étoile comme elle entend ta requête!

Par la foi d'Habygâ: sois dignement auguste!

Pour toi se tournent les feuillets d'un livre pieux;

Contemple comme aura, admire et prie le ciel!

Alors tu consulteras l'œuvre par ses yeux.

Tu sauras l’image qui le fait éternel.

Par la blonde prêtresse qui resplendira,

Dans ton esprit et par son corps en jouissance

La lumière sera, qui te prosternera!

Quand ses mains jointes s'écarteront jusqu'en croix.

Alors, dessus la colonne de latérite,

Pour une œuvre sacramentaire et alchimique,

S'obtenant la fusion des pierres par le mythe

Le creuset recueillera le rayon cosmique.

 

 

      Habygâ s’était parée de son aura la plus resplendissante. Ses pieds quittèrent peu à peu le sol du promontoire, la déesse s'élevait lentement. Allant jusqu'à dépasser une bonne trentaine de mètres. C'est alors qu'un rayon de Lumière lui fut envoyé par les Justes. Englobant son corps sans montrer la moindre agression, pour finalement rebondir et s’en venir jusqu'à pouvoir agir concrètement dans le creuset situé au sommet de la colonne de latérite jaspée de blanc. Cela opérant comme le ferait un puissant rayon laser, il fit se dissoudre rapidement les pierres sacrées... Alors on entendit distinctement le souffle d'un «Oh!» admiratif. Il était émis par l'ensemble des factionnaires. Certains se montrant fort émus, car le phénomène se réalisait pour la première fois devant eux. À tel point que d’aucuns se prosternèrent autant par joie que par respect envers la déesse. Tandis que d’autres: des initiés, se trouvaient à présent debout dans les gradins, atteignant à leur tour la condition extatique. Cela se faisant conjointement à celle de la déesse Morganie qui pour la circonstance était montée aussi haut dans l'azur que la déesse Habygâ.

 

L'Alchimie avait donc réussi au-delà de l'habitude terrestre. Un peu comme s'il était d'utilité publique de démontrer qu'ici, sur Yäga, en plus de provoquer rapidement une fusion parfaite, la Lumière des Justes ajoutait probablement d'autres molécules à la matière d’origine. Le résultat se concrétisant par l'abondance plus qu'exceptionnelle de la triple coulée. Ce qui fit que les opérateurs qui étaient occupés à la recueillir au bas de la colonne, durent demander précipitamment qu'on leur apporte plusieurs creusets réceptacles supplémentaires! Cependant que la silhouette de la Déesse Habygâ qui était toujours entièrement auréolée de sa propre énergie, semblait devoir rester là-haut.

Et puis elle commença de redescendre. Bien que ce fut très lent… Imperceptiblement. Il fallut donc attendre patiemment qu'elle touchât le sol. Elle était absolument magnifique dans la longue tunique de velours bleu indigo. Chacun de ceux qui l'avaient côtoyée sur Gaïa, pût s'apercevoir alors avec soulagement, qu'à l'instar de cette longue et aléatoire méditation qui la faisait habituellement voyager en état maximum d'élargissement mental, son enveloppe charnelle semblait être restée active...

Cela devait tenir de l'endroit. Prouvant qu'ici, dans le Monde sacré, tout comme ceux qui se produisaient parfois lorsque le dépassement de conscience prend trop d'ampleur, les affres et la souffrance faisaient partie des symptômes pathologiques qui avaient été abolis.

Durant ceci, Néphysthéo était resté à l'écart. Cependant il n'avait jamais quitté son aimée, ni des yeux, ni par leur pensée qui depuis leur mariage céleste, restait unie en toutes circonstances qui l'imposaient. Il savait donc que "cela" s'était pourtant fait. Mais d'une autre manière...

 

– Mon aimée, avait-il commencé en se portant solennellement au-devant d’elle, afin de pouvoir lui prendre la main et la guider… (Il agissait comme il se doit d'être fait pour l'assistance d'une personne, quand tant fascinée par l'émission de sereine lumière: elle n'en distingue plus d'autre…) Il me semble ma chérie, que l'abrogation momentanée de l'espace-temps, tel qu'obtenu sur Yäga avec l'aboutissement total de l'acte, unit la réussite conjointe de l'alchimie sacrée à ce que par toi j'ai vu pour nous deux. Ainsi cela nous a permis de savoir ce qu'est la Chose et de la localiser assez précisément. Comme toi, je l'ai vue capable de communiquer vers deux endroits. L'un est nébuleux, alors que l'autre m'est apparu clairement pour être celui de la clairière. Là où se trouve le pseudo Arbre de La Connaissance et de la Science. Cela corroborant, par ce renseignement, que les informations que nous avions obtenues auparavant étaient justes... (Puis il s'était arrêté de parler. Le regard fixe: Habygâ semblait tout de même comme perdue, fixant loin devant elle-même… Tandis que son aura redevenait normale.)

 

– Mon amour, lui répondit-elle enfin: le conseil des Justes vient tout juste de me confirmer que d'une part, la malédiction qui mêla un corps d'eucaryotes d'animaux à celles végétales du système radiculaire de l’arbre infecté, est bien l’émanation d’une entité qui est complice de La Chose. Il m'a précisé que la proximité de la grotte par rapport à la clairière fait limite de sa dimension tentaculaire: alors le doyen du conseil nous invite à créer un cercle appât d'énergie. Nous devrons le disposer de façon à ceinturer l'arbre... Il dit aussi que l'entrée du boyau que Morganie inspecta au fond de la caverne que nous connaissons, ne représente que l'un des sept orifices… Ils sont autant de cheminées par lesquelles des racines-serpent sortent la nuit. Elles ont pour dessein d'engloutir de la nourriture carnée... Le conseil pense que pour agir plus efficacement contre La Chose, il serait peut-être utile en premier de réduire le maléfice qui a changé les racines de l'arbre Faye en serpents... Il me prévient cependant qu'il y a danger, et que c'est à nous d'en décider, car l'oracle en revanche ignore totalement quelle pourrait-être la proportion d'aléa qui n'est pas à écarter. Il dit que si nous faisons cela avant de nous attaquer directement à La Chose, cette manœuvre peut se révéler autant judicieuse qu’erronée... Mais que ce n'est que dès lors qu'elle ne pourra plus obtenir l'énergie qu'elle prélève depuis Yäga, par le truchement de cet arbre dont elle aspire la sève à l'aide d'un long appendice, qu'il nous sera possible de mettre son complice plus facilement en péril. Le conseil ajoute, que La Chose restera invincible par l'extérieur tant qu'elle sera indétectable: cela étant vrai autant hors, que dans l'atmosphère d'ici...

 

Ainsi avait parlé le Conseil de La Lumière des Justes. Il l’avait fait en s'exprimant par la voix sacrée de la Grande Déesse. Habygâ semblait cette fois épuisée par l'effort. Elle battait maintenant des paupières et titubait à la façon d'une enfant qui doucement bientôt s'endormira… probablement bercée par la doucereuse action d'une langueur sereine.

 

… Ô toi qui est ma raison d'être ce que je suis, ça me fait peine de te voir ainsi, murmura l'ange-dieu de lumière, qui la sentant défaillir, la cueillit dans ses bras puissants. Faisant comme on reçoit, avec précaution, l’émoi des roses précieuses, quand elles s’offrent comme la compassion, en une gerbe-bouquet de passion vivante. Et puis il posa un tendre baiser sur le front brûlant de sa douce compagne…

 

– Voici ma mie que je te vois endurer seule, ce que je voudrais prendre sur moi pour t'éviter la moindre fatigue: alors mon tendre amour, ne me diras-tu comment te soulager de cette épreuve?

 

– C'est notre lot d'endurer ce qu'il faut pour préparer ce qui naitra de nous... Et aussi...

 

Habygâ n'en sut prononcer davantage, car tel un processus interne qui ferait se consumer d'un coup l'énergie de son corps, elle réalisa que ses membres devenaient soudainement si faibles et lourds, qu'elle s'abandonna toute entière dans les bras de Néphysthéo.

 

¤

 

      C'est à partir de ce qui fut obtenu de la séparation des trois matières, que l’on fabriqua d'abord des pointes de flèches pour répondre à la demande de Morganie. La déesse les avait voulues conçues pour être de plusieurs types. C'est ainsi que beaucoup de ces flèches furent munies préférentiellement d'une pointe de crôol. Sachant que ce métal est capable rien qu'en l'atteignant, de faire périr tout ce qui serait de nature passablement démoniaque. Et cela, même si l'endroit qui est touché n'est pas vital et la blessure peu profonde. À partir du même métal, l'on avait aussi confectionné des griffes de combat. Copies conformes de celle qui, rangée dans son fourreau de cuir noir, ne quittait jamais "Morganie la guerrière". Et puis, se souvenant de sa période médiévale, elle avait tenu à ce que quelques-uns de ses gens d'armes soient dûment initiés au maniement de la fronde. Se disant qu'ainsi, il se pourrait que l'on obtienne un meilleur résultat lors de l'utilisation des ampoules de Naar, et que cette méthode serait complémentaire pour éviter des corps à corps... Morganie qui seule en est immunisée, se rappelait cela qui fut commis, comme seule issue possible sur Gaïa, alors que Gabryel venait d'être très grièvement blessé par le sabre meurtrier que L'HOMBRE savait manipuler mieux que lui qui n’utilisait que rarement l'épée de Maars. L'action qui fut menée à bout portant par Erzeré avait eu pour effet de détruire attaquant et attaqué. Telle une ultime grenade défensive qui serait dégoupillée dans un geste de dernier recours, mais suicidaire... C'est en tout cas ce que fit le bel Ange-dieu-guerrier magnifique, que Morganie aimait encore en secret.

 

      Depuis qu'il avait été informé via son épouse, Néphysthéo s'était longuement interrogé. Il réfléchissait sur la manière de mener le combat contre l'ensemble génotype. Ce qui répondait en grande partie à ce que chacun connaissait du monstre confirmait ce qu'il se concevait de son acolyte. Pourtant l'Ange-dieu de lumière s'étonnait que les origines du ou des monstres, n'eussent pu être précisément déterminées par le conseil céleste des Justes. Cette situation restait tout de même assez troublante. Il présumait que les cellules animales de La Chose ne résisteraient pas longtemps au Naar. Mais il n'écartait pas le fait que celles végétales restent tout de même activées, et donc toujours reliées d'une manière ou d'une autre au cerveau de l'une des deux Chimères qui, vu qu'elles sont probablement dissociables, resterait tout de même opérationnelle! Alors, il s'était résolu à abattre l'Arbre Faye si cela se révélait pour seule alternative. Quoiqu'il la jugeât désespérée. Il pensait aussi qu'il valait mieux dans un premier temps sectionner un membre gangréné que de voir le reste du corps pourrir avec… C'est pour cela qu'il avait recommandé que l'on fabrique aussi des haches de crôol, dont le tranchant serait finement affuté: comme le sont les sabres de samouraï.

 

*

 

      Il avait suffi d'une seule journée pour qu'Habygâ recouvre sa force et toute sa splendeur. Elle pouvait maintenant repenser à ce qui lui avait été suggéré par le conseil des sages. Alors elle avait proposé à son dieu de mari de l'accompagner pour effectuer avec lui une nouvelle démarche qu'elle jugeait importante. Ainsi, ils s'étaient une nouvelle fois tenus par la main, afin de se téléporter ensemble au pays des âmes ancestrales. Et c'est pourquoi ils se trouvaient à présent au centre du champ de force électromagnétique protégeant l'accès au Pays des Âmes.

 

– vous pouvez commander au cercle de disparaître, car je vous attendais, leur dit la gardienne.

 

– Bien à toi, et puisse la "grande lumière des Justes" te protéger, dirent en cœur les arrivants.

 

– Bien à vous mes enfants! Et puisse-t-elle aussi vous aider efficacement dans votre mission, leur répondit Estarie.

 

La fée gardienne avait en partie suivi les péripéties, et autres pérégrinations du groupe des "cinq", en "passant" par les «yeux de l'âme» de sa fille Èrmandine. Elle avait aussi régulièrement reçu les informations télépathiques complémentaires que lui fournissait Morganie, son autre fille. Et puisque la Grande Fée blanche détenait le secret de l'énergie qui la protégeait de toute intrusion qu'elle n'aurait pas souhaité, il fallait naturellement qu'elle soit présente pour ajouter son assentiment à l'ordre de désactivation qui se donnait par tout arrivant autorisé à user de ce seul moyen connu pour le moment.

 

– Mes enfants, reprit-elle tout de go: voici que les membres du conseil des Justes ont fait profit de la cérémonie que vous avez organisée au sanctuaire, pour venir me parler. Ils m'ont autorisé à vous révéler une formule clé qui vous permettra si besoin, de procéder à l'implantation provisoire d'une autre porte. Elle sera pareille à celle qui vous permet de passer du continent des dieux au pays des Âmes Ancestrales. Ils m'ont assuré qu'il en était écrit ainsi dans les pages du Grand Livre des destinées. Sans rien préciser d'autre. Sinon que cela vous aiderait en cas d'aléas. Il est évident que cette action ne sera pas sans risque. Aussi, la clé que je vous fournirai n'autorisera pas la téléportation. Et puis sa fonction de bouclier-barrière sera limitée pour un laps de temps assez court. Alors, sachez que la réussite de votre action par ce biais dépendra de la rapidité d'usage et de discernement dont vous ferez preuve.

 

– Je ferai en sorte de ne décevoir ni le Grand Créateur, ni Les Grands de son Conseil, lui assura assez solennellement Habygâ.

 

– Je sais cela, lui concédait Estarie. Mais n'oublie pas ceci: tant que tu ne verras pâlir la Lumière des Justes, toute chose qui semblerait hésitante, ou paraitrait étrangère à l'habitude de l'endroit cerné ne pourra plus franchir le mur durant sa polarisation. Et tu ne pourrais toi-même le franchir d'aucune façon! Ce qui se révèle donc à risque, car dans ce cas, tu serais prisonnière et ne pourrais fuir une contre-attaque venant de La Chose par le sol. Notamment si elle en ferme auparavant le dessus par quelque sortilège inconnu, dans le dessin de défendre son complice ou avec son aide! Comme dans le cas où vous choisiriez de l'attaquer en premier...

 

– Nous ne sommes pas à l'abri de cela en effet, reconnut Néphysthéo, et nous y avons même songé pour ce qui concerne d'autres lieux. Ainsi ce sera Morganie qui dirigera le groupe commando d'attaque au sol. Il est prévu qu’il sera formé par des Pillywiggins et de quelques Athsérians volontaires. Ils devront agir pendant que je détournerai l'attention de la Chose.

 

– Soit, mes enfants, je sais que Morganie et les Pillywiggins peuvent emprunter la voie des airs en cas de retraite obligée. Mais il n'en est pas de même pour les vétérans. Ceux-là pourraient en périr une seconde fois au cours de leur action de combat, au risque d'en perdre à jamais leur âme.

 

– Nous en avons parlé avec eux. Ils savent ce qu'ils risquent si La Chose venait à s'emparer de leur âme en détruisant leur corps, qui comme le nôtre éternel, peut tout de même retourner à la lumière ionique… Mais avec le risque de ne jamais en revenir… comme ce fut le cas de ce héros d'Erzeré dont l'esprit gravite maintenant autour de la planète Vénus, dans un satellite-tombeau lunaire.

 

– Alors, souhaitons-leur à toutes et à tous, puissance et gloire, au nom d'Erzeré, et pour la Lumière Des Justes!

 

Ainsi toute considération ayant été étudiée, Estarie leur fit la confidence du mot clé; et chacun était reparti de son côté, après s'être donné l'accolade et formulé ses bons vœux de préservation autant que de réussite.

 

 

 



01/04/2021
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