le monde merveilleux de lucien

le monde merveilleux de lucien

CHAPITRE QUARANTE HUIT

5

 

      Afin de se rendre sur la lune de Yäga, la déesse et le dieu de lumière avaient dû emprunter un vortex interplanétaire qui du reste, leur avait permis d'accéder directement dans le "Monde-Enfoui" où ils savaient trouver la "Pouponnière des éternels"… Et si l'Archange Gardien les reçut chaleureusement, c'est qu'il les avait identifiés à l'aide du grand ordinateur des cieux. Il ne fit donc aucune difficulté pour les laisser entrer, mais ils étaient tout de même escortés par deux anges guerriers de belle carrure. Ces derniers se révélant comme des guides-serviteurs diligents, autant que par discrétion, ils étaient là pour répondre d'une motion sécuritaire à double sens. C'est donc dans cet équipage que le couple pénétrait le parc sous-lunaire du monde de l'Éden. Ils furent ensuite pris en charge, autant qu'accueillis en principal, par un ange doyen. Celui-là était aussi barbu et chevelu qu’un de ces braves hippies terrestres vaguement écolos de la génération précédente.

 

Après les avoir tout de même cérémonieusement salués, le doyen invita Habygâ et son mari à le suivre. Puis il fit un signe prédéfini en direction de leurs gardiens. Probablement pour les informer qu'ils pouvaient disposer. Alors le trio put emprunter un passage joliment dissimulé par une longue tonnelle noueuse et épineuse, qui de surcroît, était soigneusement taillée.

Mais, mieux qu'un simple tunnel de verdure compacte au possible, cela fut très vite avéré comme étant un labyrinthe incontournable, et dans lequel ils se seraient probablement perdus s'ils n'avaient bénéficié du précieux concours de leur guide avisé:

 

– Nous voici devant la porte du téléporteur, leur dit enfin le doyen, certain de son effet de surprise.

– Mais enfin, rétorquaient déjà les deux visiteurs: il n'y a là qu'une voie sans issue!

 

De fait, le décor n'offrait guère qu'un mur de végétaux aussi roide que s'il s'était agi de marbre vert.

Ce qui se voyait effectivement devant Néphysthéo pouvait s’imaginer probablement pareil en tout, à ces quelques autres barrières visibles en détours et fonds comparables, qu'il avait été plus facile à supposer qu'à les distinguer de loin en loin au cours du déplacement qu'ils avaient accompli jusqu'ici. Cela du reste, offrant par des chemins droits, de belles figures géométriques et artistiques. En même temps que l'opportunité alternative d'aller se fourvoyer vers d'autres directions qu'ils n'avaient fort heureusement pas suivies...

 

– P A T I E N C E... : les tempéra leur guide.

 

Le doyen avait articulé le mot « patience » d'une façon qui était inutile dans un parler courant. Ce devait être pour une autre raison que celle d'une simple recommandation... en avait aussitôt déduit Habygâ. Elle avait remarqué aussi qu’il le faisait avec une certaine articulation linguistique très particulière, bien qu’esquissant un sourire si amusé que sa longue barbe grisonnante ne sut le cacher. Sitôt que cela fut dit: la treille s'effaça, dévoilant l'ouverture d'un passage secret. Ainsi, comme dans sa chère forêt, la déesse pouvait constater que la nature végétale d’ici savait se montrer pareillement douée de réponse mouvante en rapport de volonté édictée. La pensée lui rappelant celle qui faisait s'ouvrir la forêt d'Ardenne, lorsqu'elle empruntait la nuit le chemin des druides d’autrefois.

– Nous allons devoir avancer de SIX HUIT pas, ni plus, ni moins si nous ne souhaitons subir le dommage d'une chute incontrôlable, car aspirée, ajoutait déjà le doyen. Il avait appuyé étrangement encore sur la prononciation hachée des deux mots "six" et "huit" qu'il disait religieusement...

 

– Hum, fit Néphysthéo: vous voulez dire soixante-huit pas...

– Aucunement! J'ai bien dit six-huit, soit six pas devant, et huit à droite!

 

Le couple qui n'était pas dupe avait bien compris qu'il s'agissait là de "Sésames" tous destinés à autoriser le passage en contournant d'ultimes défenses. Alors, pour plaire au doyen qui semblait heureux d’en imposer un peu, chacun se dit que finalement, la pouponnière était peut-être plus consciencieusement protégée ici que ne l’était le berceau des enfants dieu sur Hydro, et que c'était là, chose intéressante à méditer. Alors, de concert, ils firent six pas en avant, puis huit… à droite. Posant à chaque fois le bon pied à l’endroit exact où le doyen avait préalablement mis les siens, et dès qu'ils furent précisément arrivés là où il fallait, ils descendirent aussitôt en ayant néanmoins le sentiment de tomber tout droit d'un à-pic interminable, et que cela ne s'arrêterait qu'une fois passé le centre de cette lune à l'intérieur de laquelle, l'Ange-dieu Néphysthéo venait, sans le savoir, pour la seconde fois, mais en suivant un chemin inverse…

Bien qu'il fut à l'abri de presque tout, puisque situé sous des hectomètres de roche métamorphique, l'endroit où ils se reçurent en souplesse ressemblait pourtant à ce qu'il convient de nommer "Paradis terrestre", puisqu'il y avait un sol... un ciel... et même un soleil! Et que tout y existait comme si l'on se trouvait à l'air libre, puisque même la nature y était aussi luxuriante que sur le continent des dieux. Oh, bien sûr, tout cela n'avait en rien la vastitude naturelle de la planète Terre. Mais ce qui s'en dégageait de féerique pouvait paraître sans limites. Sinon que par l'effet de cadre indéfinissable que garantissait alentour, la présence d'un brouillard rougeâtre protecteur baignant en permanence cette sorte de micro monde.

L'ambiance ressentie était telle, que l'on aurait pu penser ce décor beaucoup plus vaste que ce qui se voyait… Et puis qui sait? C'était peut-être le cas?...

 

Le doyen prit congé, après avoir pointé une direction précise qu'il leur montrait d'un index long et soigné: en l'occurrence, il s'agissait d'un sentier moussu ressemblant à un tapis de lichen rouge, soigneusement entretenu de frais. Celui-là rappelait étrangement à la déesse l’autre, mais vert, qu'empruntait autrefois Athénéïse, sa mère, quand elle avait pour but de se rendre par la forêt ardennaise, jusqu’au bord d'un lac étrange, entourant le Manoir non moins mystique de Castel Anatha...

 

– Et bien mon chéri, si nous ne sommes pas ici dans un énième monde parallèle...

– Tu fais bien de le souligner ma Mie, car beaucoup de ce que nous visitions de Yäga, et à présent de sa lune, – du moins pour la partie dominante matérielle – nous parait ressembler à s'y méprendre à ce que nous connaissons assez bien de la Terre et de sa propre lune, notamment pour ce qui est du palais de l'ex-reine Anatha. Cela nous est suffisant en tout cas pour les superposer immanquablement dans notre perception mentale. Et il en est de même des deux continents qui s'aperçoivent distinctement depuis cet astre: car s'ils paraissent fort identiques au demeurant, ils représentent bien chacun un contour géographique qui est conforme à celui du vieux continent dont fait partie l'Europe unie.

 

Cela au moins faisant admettre, que la petite planète se révélait faite, dans cette configuration, à l'image de sa sœur abritant l'essentiel des sites de célébration dédiés au culte d'Athséria… Et toute similitude – au moins géographique – tout finissait par se confondre en une sorte de rémanence logique: cela prouvant s'il en fut utile, que l'explication scientifique terrienne, quand elle se faisait accusatrice d'une probable dysfonction cognitive du cortex cérébral chez des humains récepteurs de flashs intemporels, était pour le moins partiellement infondée.

 

Ainsi, le joli sentier de mousse rougeâtre aboutissait à un endroit qui se révélait identique à deux autres également présents sur la planète Yäga. À ceci près que s'ils existent respectivement sur chacun de ses deux continents de Yäga, on les trouve aussi sur son pendant de Gaïa. En l'occurrence, pour cette dernière: il s'agit de celui qui conduit à la Clairière- Du-Grand-Faye. Endroit sacré, où fut signé le tout dernier Pacte Des Fées. Il y avait même ici la source et la rivière! Mais ce qui frappait le regard, c'est que, à la différence de la grande forêt ardennaise où dominent les verts chlorophylliens: tout ici apparaissait nuancé de rouge! Même la lumière était pareillement pourpre. D'ailleurs, Habygâ et Néphysthéo n'étaient pas loin de penser que les habitants de ces lieux (et qu'ils avaient depuis longtemps détectés en chemin) l'étaient peut-être aussi...

 

Il y avait effectivement autour d'eux, de nombreux esprits qui se révélaient gentiment espiègles par leur jeu de cache-cache et qui, mis à part qu'ils masquaient leur corps minuscule sous le couvert de la végétation tout en leur faisant une escorte amicale, devaient logiquement eux aussi être faits et habillés à partir de la même monochromie. Alors, Habygâ et Néphysthéo s'arrêtèrent. Puis ils s'assirent sur un tronc disposé tel un banc public, décidant de simuler une halte de durée indéterminée, bien que scrutatrice.

Pourtant, bien que facilement perceptible, le Petit-Peuple s'obstinant manifestement à vouloir rester invisible, le couple dieu avait finalement quitté son banc improvisé. Puis il avait repris son cheminement. Jusqu'à ce qu'il fut arrivé devant ce qu'il voulait. Ainsi, leurs yeux purent admirer ce que leur pensée conjointe voyait déjà depuis un bon moment…

Entité surnaturelle à la beauté picturale: voici que solidement planté au centre de la clairière s'offrait à eux, ô superbe, "l'Arbre de Vie" proposant aux regards non cupides, tout ce que l'on peut penser de nourricier et d'utile à l'humain, tels que cela fut voulu et offert à eux en abondance, au début de leur existence, dans un endroit privilégié de la planète Terre…

Compte tenu des similitudes, et omme cela s’était produit en Forêt d'Ardenne dans la Clairière-du-Grand-Faye, Habygâ et Néphysthéo s'apprêtaient maintenant à voir vraisemblablement arriver la "Vielle Mère"! Et peut-être même apercevoir à ses côtés l'émergence de quelques fées pour suivantes?

 

Et cela fut vite avéré!

 

Car, non loin d'eux, il se passait effectivement quelque chose. Habygâ avait même souri en regardant Néphysthéo, qui pour en être lui aussi conscient, s'inquiétait de ces mouvements. Il y eut d'abord des bruits de succion. Cela venait de sous le couvert de la forêt productrice de brume rouge. La déesse avait comme lui détecté qu'une fée Arbre, mi sureau, mi saule-marsault, qui devait se trouver plantée entre roseaux et rivière… et s'employait probablement à extraire ses racines de la glaise rouge, et qu'elle était assistée en cela par deux Fé-anges rouges.

 

C'est ainsi que les "pieds" encore tout crottés, elle entrait dans la clairière, se métamorphosant petit à petit en une vieille femme toute vêtue de rouge. Elle marchait courbée... en s'aidant d'une canne rouge issue de ses propres rameaux...

 

– Bonjour, avaient dit simultanément Habygâ et Néphysthéo, tous deux visiblement décontractés.

– Vous m'êtes bienvenus, car je vous connais, leur avait répondu la Vielle-Mère.

– Décidément, avait enchaîné l'ange-dieu de lumière sur un ton quelque peu sucré: tout le monde ici semble nous connaître !

– C'est que, voyez-vous, ma cousine de la Terre vous a vus et entendus elle aussi grâce à des sens que nous avons en commun.

– Et c'est valable aussi pour nous et les êtres qui vous ont discrètement escortés, renchérirent les deux Anges-Fées, certains de leur importance en ces lieux magiques qu'ils pensaient savoir utiliser beaucoup mieux que ces dieux, certes fort sympathiques, mais se trouvant par ici loin de chez eux.

– Ainsi, cela explique pourquoi cet endroit voulu parallèle à la Terre qui fut créée par le Suprême, nous semble être un lieu si familier, convint à son tour la blonde déesse.

– C'est cela, ajouta une toute petite voix derrière elle, et qui la fit instinctivement se retourner.

– Topiary! Quel plaisir de te rencontrer ici où nous sommes venus en amis, quoique, investis d'une mission qui a rapport corollaire avec notre visite… Bien que je n'écarte pas le fait que peut-être, nous sommes malgré tout perçus comme étant des étrangers.

– Voyons Madame! Vous nous êtes, pour tous les deux, des personnalités intrinsèques, puisque nécessaires à garantir directement et indirectement notre sauvegarde!

– J’en conviens Topiary… j’en conviens…

– En fait, mon nom est Japiary. Je suis un proche cousin de Topiary, et si je lui ressemble, c’est que j’ai été créé pour servir votre famille comme lui. Avec pour seule différence que c'est à la fois en ce lieu lunaire sacré, et en d'autres de Yäga que vous nommez continents des dieux. Je m'efforcerai évidemment de réussir dans ma tâche, aussi bien que mon alter ego s'applique à l'obtenir de son mieux à votre intention. Sans oublier celle de vos parents agissant présentement sur la Terre.

– Venez, reprit la Vieille Mère sans s'occuper que quelqu'un ici fût ou non d’un quelconque rang supérieur: je vais vous conduire au parloir du Maître de Conception.

 

Et ce faisant, elle demanda à chacune et chacun de se donner la main. À tel point que le couple dieu eu presque le sentiment qu'elle les préparait pour danser une sorte de ronde enfantine! Mais lorsque cela fut obtenu comme elle l'avait voulu, elle prononça une phrase incompréhensible, et tous disparurent…

L'endroit où ils se trouvaient à présent était intimement ceinturé par de la végétation cellulaire. Sorte de tissu de chair, mais qui se comparait plus volontiers à la texture d'un fruit dont la couleur terre cuite serait veinée de rosâtre et entièrement couverte d'une mince peau de pêche. Cette structure étrange leur paraissait être aussi vivante et palpitante que celle qui tapisse l’intérieur d'un cœur humain... Cela les entourait de partout. Mais sans qu'il soit possible d'en connaître la distance par rapport à soi. L’on aurait pu s’imaginer, flottant en apesanteur mais debout, à l’intérieur d’une entité vivante et vibrante. Quoique cela restât théoriquement indiscernable, l’étrange réceptacle proposait donc un espace suffisamment dégagé pour les recevoir sans qu'ils s'en ressentent véritablement prisonniers.

 

– Où sommes-nous demanda Habygâ qui avait tout de même une idée de la réponse que ferait la Fée-Arbre.

– Là où vous imaginez que nous soyons, répondit cette dernière qui le lisait dans sa pensée.

– Ainsi, nous sommes dans le "ventre" de l'Arbre de Vie?

– C'est ainsi, mais à ceci près Madame, que nous ne sommes pas dans son corps virtuel, comme ce fut pour vous le cas lorsque ma cousine vous fit entrer avec vos parents dans celui du Grand Faye de la forêt ardennaise, mais plus exactement sous lui.

– Soit, nous pouvons bien l'admettre comme vous le décrivez dit Néphysthéo, mais je ne m'imagine guère occupé à parler à un dessous de ventre-pied: fut-ce celui d'un arbre-dieu!

Néphysthéo venait à peine de terminer sa phrase que fusa soudain, comme après un camouflet, l'image éblouissante d’un immense visage hologramme montrant des traits dont la beauté se ressentait intense qu’elle en était indéfinissable:

– Ta réaction est pertinente, dit alors une voix puissante... qui se faisant tout de même mesurée pour ne pas effrayer. Car vois-tu, reprenait le souffle: si ce tronc, comme cette tête, apparurent en tout premier sur la Terre, par le système résultant-consultant de la genèse en l'Univers qui se conçoit issu de moi, c'est qu’il est vivace à l’image de votre créateur, autant que je suis la représentation de moi-même… Cet arbre est donc esprit. Il est le premier des géniteurs d'âmes qui fut déplacé ici sur mon ordre. Et il s'y trouve pour que cela serve maintenant à un autre aboutissement dont le début se fera bientôt par ici...

 

Le silence qui s'ensuivit était manifestement respectueux de la grandeur de l'interlocuteur qui le brisa tout de même afin de poursuivre…

 

– L'évolution galactique de ces derniers milliards d'années-lumière, m'oblige à présent d'être en d'autres endroits que celui que vous nommez pour vôtre La Voie lactée. C'est en vous parlant d'elle que je vous le dis: il serait bon qu'un autre Fils de Lumière naisse dieu-Archange très puissant. Je voudrais cependant que celui-là se montre inconditionnellement fidèle pour ce qu'avec lui je partagerai. Ceci sera afin qu'en être photon très utile, il me complétera jusqu'en des ailleurs, et donc dans un espace qui sera beaucoup plus étendu que par ici dans cette galaxie dont la taille reste limitée. J'affectionne toujours celle-ci pour ses êtres humains et leur planète source, qui malgré bien des imperfections pour eux, et trop de destruction pour elle, reste encore mieux que toute autre planète qui est vide de ceux-là, et qui pourtant sont des milliards de mondes restant à peupler dans ce cosmos qui est issu de moi. Vous êtes en passe de connaître l'être que je vous ai décrit tout à l'heure. Sachez qu'il viendra à son tour de temps. Celui-là agira bientôt en proche, mais aussi plus tard pour moi au sein de Cassiopée. Il y fera gestion de son mieux. Comme pour ce qui déjà est géré en mon nom par Junyather. Il sera un peu de ce qui m'est constitutif comme de vous-même, et donc aussi vous tous. Il viendra pour consolider l’assise de notre tâche commune. Il vous fera envisager aussi de devoir vaincre de sombres adversités. Cela notamment, quand mes créatures humaines iront d'elles-mêmes coloniser plus loin que leur planète. Ainsi, je vous le dis: quand cela sera fait selon ma volonté pour le futur, je serai plus libre pour donner de ma lumière – s’entendant à la fois de nulle part et de partout – comme en omniprésence, et offrir mon amour dans beaucoup d'autres ailleurs qui seront en voie de peuplement. Ceci, je l'espère obtenir, par vocation des âmes qui nombreuses et bonnes, attendent ici sur Yäga… Mais auparavant, il convient que vous interveniez, toi Néphysthéo, et toi Habygâ dans l'épuration de son ciel. Car il est infecté. Après quoi, grandis par cette mission difficile, vous pourrez demander à l'Arbre de Vie de vous apporter son soutien comme il le fait pour toute chose voulue de moi. Ceci, en raison de la bientôt naissante intention qui me sera alors donnée en entier. Alors je vous le dis à présent pour tout résumer: un autre "fils de l’homme-dieu" sera! Et il me soutiendra sans faille, en œuvrant cette fois plus loin que jamais vous n'êtes allés avant lui!…

 

Tous s'étaient instinctivement agenouillés... Mais la "voix" qui peu à peu s’était empreinte d'une grande bonté les avait invités à se relever. Et puis elle s'était tue… tandis que l'image hologramme s'estompait jusqu'à disparaître... comme à regret.

 

– Était-ce bien, comme je le pense, que nous aurions entendu celui que vous nommez le Maître de conception? demanda Habygâ à la Vieille Mère.

– Comme chacun le sait pour le croire, s’il est omniprésent dans tout l'univers, notre Très-Haut ne saurait se définir… alors ce qu'il vous a permis de voir n'est probablement qu'une image symbolique qu'il aura fait vivre en utilisant un peu de son énergie… et quelques particules de lui, peut-être?… dont il aurait consenti qu'elles se soient spontanément assemblées, selon sa volonté, afin qu'il puisse vous les offrir en bouquet pour agrément de ses paroles.

– Il me semble en effet l'avoir aperçu ailleurs tout autrement que dans cette image… C'était alors que pour la première fois je le savais s'adressant à Junyather, leur précisa Néphysthéo.

– Dans ce mot «aperçu» que vous prononcez il y a «perçu»… et c'est donc qu'il possède d'autres moyens de communication. Si celui qui fut utilisé tout à l'heure a montré de lui un visage partiellement humain, c'est Pour faire cependant concordance avec le nôtre. Ainsi, ce que vous avez vu autrefois lorsque Gabryel vous conduisit jusqu'à son père, n’est que l'apparence nébuleuse qu'il prend, tout en la réduisant pour donner l'impression qu'il parle d'égal à presque égal. Mais là encore, ce n'était que partie infime de lui, et qui correspondait en taille à celle de son interlocuteur, pour ne rien laisser paraître de sa propre supériorité.

– Alors, si l’on tient compte de certains critères comparatifs, nous pouvons penser que chacune des images hologrammes qu’il consent à nous montrer, correspond en statut à celui qui nous est attribué...

– Pas forcément, car ce que vous avez vu à l'instant est l'image qui se produit pour permettre et répondre à la fonction de Maître de Conception. Cela s'annonçant seulement pour des occasions d'exception. Elle est toujours la même en taille et en énergie. Il l'utilise quand il lui convient de s'adresser ici autant à de hauts personnages qu'à de moindres... s'admettant que ces derniers comptent pour être aussi vénérables et valeureux que les premiers. En leur action de bonne coordination parmi les Justes qui sont missionnaires dans l'éclat de sa Lumière, tous les êtres issus de l’Entité suprême sont ici réputés égaux au moment de rencontrer l’Esprit dans sa réalité la moins abstraite. Mais, sachant que jamais il n'est venu ici sans qu'il y soit longuement prié et demandé, alors, cela peut signifier que vous êtes, ou deviendrez peut-être, des élus qui seront privilégiés dans un sens comme dans d'autres. Habituellement pour des choses plus courantes, il peut se faire aussi que certaines autres qui sont d’importance, nécessitent son approbation, mais il faut bien admettre que nous ne recevons guère dans ce cas, que le son virtuel de sa voix télépathique.

– Veuillez excuser mon époux Madame, car s'il vous questionne c'est qu'il ne sait pas. Ou bien alors, c’est parce qu'il souhaite obtenir plus de preuves tangibles de l’existence de son créateur. Et ceci peut-être, dans la perspective de les retransmettre ensuite aux humains en temps utile...

– Sa réaction est légitime Dame Habygâ, lui concéda poliment la Vielle Mère.

– À présent, nous devons vous quitter, lui annonça fort émue la déesse en guise d'acquiècement-réponse.

Elle avait compris que bien qu'il ait pu paraître ambigu à Néphysthéo, le message du Suprême s'adressait plus particulièrement à elle. Et que c'est justement pour l'entendre, qu'elle avait suivi jusqu’ici le chemin pèlerin qu'une autre voix lui avait décrit bien avant qu'elle ne décidât de l'emprunter. Celle-ci, qui était intérieure, car parlant souvent à sa conscience intuitive, lui conseillant alors vivement de le faire.

 

*

 

      Après qu'il fut revenu à Edéna, le couple dieu avait souhaité rencontrer à nouveau la Fée gouverneur du pays d'Éden. Ils désiraient l'entretenir en premier de ce qu'ils envisageaient de faire. Leur but étant d'intervenir efficacement au sujet des âmes qui disparaissaient avant d'arriver au pays, La déesse confia à sa "jeune" aïeule, l'idée qu'elle s'était construite à partir de son enseignement et de celui conjugué par Néphysthéo:

 

– Chère Èrmandine, lui dit ainsi la déesse Habygâ, nous subodorons, à peu de choses près, de quoi pourrait être constitué le noyau intelligent de cette entité pirate que tu redoutes. Nous avons de bonnes raisons de croire par ce raisonnement, qu'elle en cacherait certainement une autre dont la véritable activité est encore à venir. Nous pensons à quelque entité qui serait venue du royaume des Ténèbres. Il se peut même que cela se soit muni de quelques particules intelligentes supplémentaires… Lesquelles auraient pu subsister de L'Hombre malgré sa destruction que nous pensions totale. Nous ignorons encore si "l’entier" qui s’obtiendrait de cela serait ou non détenteur de beaucoup d’énergie noire impalpable et invisible, ou peut-être d'autres supplémentaires obtenues de divers larcins. Il se peut d'être fait de possibles combinaisons gazeuses, sinon liquides… autant de vivacités envisageables qui seraient venues de l'espace pourraient s'avérer difficiles à contrôler... Nous pensons aussi que très probablement, cela se serait installé quelque part: entre la trajectoire orbitale de la lune d'ici et l'atmosphère de Yäga… À moins que plus en dessous? Le fait est que pour le moment, cela se révèle invisible à l'œil. Du moins, tel qu'il est humainement constitué de ce côté-ci de la Voie lactée. Et donc inobservable pour tout regard qui est direct. Étrangement, cela semble échapper aussi au système visuel des anges-dieux de lumière. Fonction qui est pourtant à la fois virtuelle, naturelle, et surnaturelle. En revanche, nous devons préciser que probablement, mais pour un temps que nous devrons abstraire afin de le dépasser, cela qui nous semble indétectable par les moyens ordinaires de notre perception extrasensorielle, finira bien par commettre une erreur, voire se montrer si nous la forçons. Si personne de nous, sinon que l’Éternel, ne l'a encore jamais vue, alors, c'est peut-être que, tant que nous ne saurons pas de quoi sont fait l'énergie et la matière basiques qui l'animent à partir de son noyau caché, nous devrons nous inquiéter aussi de découvrir le niveau de son intelligence. Attendu que probablement, elle serait à la fois distincte, mais rapportable là où il faut et au moment opportun: nous devons la craindre dans ce qui la rend capable d'action organisée...

– j'ai peut-être une idée à vous soumettre, dit soudain Néphysthéo qui, il faut bien l’avouer, leur paraissait fondamentalement absent – presque hors du coup – car manifestement très occupé à réfléchir intensément… Si cette entité… reprit-il après une nouvelle inspiration, ou ce qui l'habite de temps à autre est capable de détourner des âmes à son profit: elle devrait bientôt finir par se révéler si elle en obtient plus de puissance. À mon avis, ce pourrait être quelque chimère rendue évolutive par une énergie négative…

– Tu veux dire qu'elle pourrait être habitée par quelque chose qui ne peut être directement modifié que par le Très-Haut des Ténèbres, et donc vaguement assimilable à l'image de Belzéé... Un autre Archange déchu! S'exclama Habygâ! (Elle se montrait surprise d'entendre son mari émettre une idée, que dans l'immédiat, elle jugeait du reste assez farfelue. Surtout venant de lui qui est généralement plus scientifique qu'elle…) Mais dans ce cas, se ravisait-t-elle aussitôt, car le sachant mieux renseigné à ce sujet: nous devrions au moins la percevoir par sa vibration naturelle! Or il me semble que présentement c'est loin d'être le cas! Du moins tel que l'énigme se présente à nous...

– Certes, je comprends ton étonnement intercédait Èrmandine, mais il me semble bien que ton mari ait aussi parlé de quelque objet vivant, provenant, ou se composant pour partie de combinaisons cosmiques. Ce qu'il nous faudra pour le moins vérifier avant de l'attaquer. Ce pourrait être effectivement dépendant ou en rapport avec quelque chose de suffisamment intelligent et qui, à l'instar d'un Belzéé, mais sans être vraiment lui, saurait absorber ou annihiler carrément vos ondes mentales lorsqu'elles s'approcheraient trop à son goût de l'objet qu'il ou elle protège tout en l'utilisant...

– Empêcher cela qui nous renseignerait comme l'écho d'un radar, me parait témoigner d'une bonne tactique...

– À quoi pensez-vous Èrmandine!

– Je pense, mon cher Ange dieu, que ce serait capable de se nourrir de matière et, ou, de lumière, et que sais-je encore… d'autres choses probablement… qui lui sont utiles pour obtenir ou compléter l'essentiel de son énergie motrice...

– Bon sang ! Mais c'est qu'elle à raison, s'exclama soudain Néphysthéo! Et c'est d'ailleurs, dans ce sens, que cheminait ma pensée analytique sans que je m'en rende compte plus sciemment!... J’avoue de surcroît que ma recherche, par trop imprécise, s'engluait doucement à trouver de vagues bribes de réponses ayant rapport ou logique assimilables aux confins de l'univers, probablement explicites, mais imprévisibles. Pourtant je crois, mais en imaginant que l'objet ressemblerait en grande partie à quelque chose de voyageant ou l’ayant fait, qu'elle serait constituée de matière si banale, qu’elle passerait inaperçue parmi d’autres qui lui sont similaires. Je pense aussi que cela pourrait être semi-vivant. De fait un tel être-objet, pourrait bien avoir été enfanté d'un aléa qui aurait eu lieu dans l’abstrait de l'anti monde. Il aurait donc très bien pu échapper à toute vigilance, y compris celle du Suprême des ténèbres... En faisant la part belle de cet autre raisonnement, il me semble que l'on aboutit aussi à ce que nous en dit en effet Èrmandine…

– Bigre, comme tu y vas mon chéri. Franchement mon mari: s'il s'agissait bien de ce que tu penses, il faut savoir que nous n'en viendrons jamais à bout à nous deux! Puisqu’ayant alors affaire à des pouvoirs différents des nôtres. Et peut-être même qu'il ou elle, ou encore « eux » pourraient nous absorber aussi, comme c'est probablement le cas avec les âmes interceptées! L'on peut donc présumer que la "chose" a prévu de les séquestrer pour s'en nourrir ou se créer une autre personnalité.

– Tu as raison ma mie, et je te propose à nouveau d'appeler ici Morganie. Elle saura non seulement nous conseiller, mais aussi nous appuyer. Sa grande faculté de mouvement physique, lorsqu’elle sera ajoutée à sa grande connaissance du côté sombre des ombres, nous fera disposer d’autant d’armes certainement redoutables, en même temps qu'un grand secours tactique.

– Je suis d'accord avec vous mes enfants. Alors, je vous propose de l'attendre ici, car je compte bien me joindre à vous pour mener cette action à venir.

– Fort bien chère Dame Èrmandine, confirma l'Ange-dieu de lumière: j’accepte. À la condition toutefois, de nous faire la promesse de ne pas vous exposer directement, mais de participer plus précisément en tant que gouverneur. Car finalement, peut-être aurons-nous besoin à la fois d'aide passive et active. Un recrutement par bénévolat pourrait aussi s'envisager parmi les gens d'ici. J’ai aussi en tête, quelques idées d'action dont certaines, pour être réalisables, nécessiteront de faire usage de la Grande Convergence de Lumière.

– Tu veux peut-être parler de l'acte sacré d'Athséria, s'enquiert aussitôt Habygâ.

– C’est exactement cela ma chérie, mais avec un petit aménagement...

 

En fait, Èrmandine était si hautement ravie par la pensée qu'elle allait bientôt revoir sa sœur, que cela se voyait dans son regard devenu plus pétillant et passionné qu'à l'habitude. Pensez donc! Après tant de siècles passés sans pouvoir communiquer, ni même la voir autrement qu'à travers ses souvenirs d'enfance: cela lui avait paru durer l'éternité! D'autant que les instants sibyllins mais trop fugaces de sa prime jeunesse, avaient été suivis d'une trop courte adolescence, et d'un début de vie d’adulte libre, qui avait été trop vite arrêtée sur la terre… Alors même que toutes deux commençaient très tôt leur activité de grande prêtresse... De fait, la Dame-Fée-gouverneur les ayant invités comme familiers en son palais d'Edéna, personne n'avait souhaité prolonger la soirée une fois qu'il fut terminé de dîner. Elle avait conduit elle-même l'Ange dieu et la déesse jusqu'à leur chambre. Puis elle s'était retirée dans la sienne. Pourtant Èrmandine ne s'endormit pas tout de suite. Elle songea longtemps à sa sœur jumelle. Cela eut pour résultat qu'elle n'avait trouvé de sommeil qui se révéla vraiment réparateur physiologiquement et psychologiquement, qu'au petit matin.

 



21/12/2020
17 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 13 autres membres