le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE QUARANTE DEUX

 

42

 

 

      C'est en se manifestant paresseusement à l’est de Yäga, que l’étoile Gzénon s'évertuait à glisser un peu de sa lumière orange entre les lames bleues des persiennes, dont l'ajour étroit s'amusait du jeu avec elles. Lorsque soudain! Plus futé que les autres, un doux rai malicieux s'insinua si bien qu’il pénétra jusque dans la pièce. Alors, tout joyeux de son or délicieusement tiède, il entreprit de caresser le doux visage de la déesse Habygâ.

 

La belle, qui sommeillait encore à demi, terminait sa rêverie. Elle avait revécu ce doux moment de sa vie où, sur la planète bleue, les habitants du monde visible l'avaient tant chérie… La plupart n’avaient alors rien su de son difficile combat dans un monde qui est parallèle au leur. Sauf qu'alors certaines informations avaient migré vers «l'autre plan» celui auquel quelques médiums avaient eu accés en inspectant ses failles, et avaient fini par les apprendre. D'ailleurs, en ce temps là, certains journaux spécialisés de la planète en avaient fait leur profit. Et ce, par l'édition de quelques articles alarmants, et qu'ils n'avaient pas manqué d'échafauder à partir de vagues superstitions aux allures mystico-religieuses, dont bien des suppositions s'étaient révélées trop aléatoires pour légitimer l'étrange phénomène boréal que n'avait pas manqué de provoquer, au début de l'année précédente, l'arrivée de L'Hombre. Surtout lorsqu'il avait obscurci une bonne partie de la stratosphère… Et ils ne s'étaient pas davantage privés d'en rajouter une couche en publiant les témoignages de certains voyants qui s'étaient étonnés des voyages lumineux de la Sphère de Gabryel. Et puis il y avait eu ces apparitions d'une très belle femme blonde (elle) évoluant dans un faisceau de lumière verticale, et que certains ignorants, assurément athées, mettaient sur le compte de projections privées de rayons laser assorties d'hologrammes. Affirmant aux plus crédules, que cela ne pouvait être que de vagues mystifications proposées par des sectes peu recommandables. Mais il restait que la plupart de celles et ceux qui avaient eu l'occasion de voir la déesse savaient! Et de cela, ils s'en étaient trouvés complètement différents. Ils avaient été transcendés, comme transfigurés!

 

« Que s'est-il passé récemment dans la forêt des Ardennes » avaient titré certains quotidiens.

 

Tandis que d'autres écrivaient: « Faut-il y croire ? »

 

Ou encore celui-ci: « Contact Ovni ! »

 

Et même: « La Dame dans la Lumière blanche »

 

      Tout cela certes, relevait de plus ou moins de la fantaisie. Les imaginations les plus fertiles venaient surtout de ceux qui, bien que n'en sachant rien en vérité, voulaient faire croire le contraire pour paraître « dans le coup » ! Comme cela se disait populairement parlant. Mais il convenait d'avouer que ce qui était encore le plus fantastique, et le meilleur dans tout ça: c'était de pouvoir constater le changement radical des comportements civiques. Beaucoup semblaient devoir s'améliorer au fur et à mesure que la présence possible de plusieurs entités correspondant à leurs idées se justifiait spontanément. Cela se révélant notamment par les éclaircissements qu'apportaient de bonne foi, les religieux qui étaient à présent beaucoup mieux informés pour parler de la réalité de ces Anges-dieu serviteurs. Puisqu'il se pouvait même, à certains moments, d'en croiser jusque dans la rue sans le savoir… sinon qu'à voire une lumière furtive et ressentir beaucoup de plénitude.

Dieu existe » mentaient les moins renseignés qui en étaient encore à rechercher leur propre identité. Ils prétendaient même avoir rencontré ses envoyés. Fort heureusement, si beaucoup de gens bénévoles avaient aidé Gabryel dans sa tâche à propos de la Nouvelle-Organisation-Mondiale-d'Union-pour la-Paix sur-Terre (autrement nommée NOMUPT) c'est qu'ils y voyaient la promesse d'une nouvelle et grande valeur humanitaire qui serait génératrice d'une vraie politique caritative.

Il restait que malgré tout, la durée de tant de bonnes résolutions pouvait s'avérer empreinte d'aléatoire… Pourtant, çà et là, les gens de tous les âges s'accostaient plus aimablement. L'on voyait de plus en plus de visages souriants. Comme après un rude hiver qui aurait duré trop longtemps, tout semblait présager qu'il se préparait mieux qu'un simple printemps: une ère nouvelle, très civique d'encouragements, et porteuse de promesses agréables. Ainsi, les sages résolutions en côtoyaient qui se disaient novatrices par la qualité des idées qu'elles proposaient. Chacun se disait d'accord pour œuvrer en commun, et toutes générations équitablement confondues, à préparer un avenir au plus proche de la sérénité qui était recherchée. Alors on se plaisait même à dire que peut-être, ils allaient enfin passer par un meilleur chemin de vie…

 

Et puis la nouvelle était arrivée d'un coup:

 

« Le Château Fort accueille la Déité ! »

 

Ses murailles nous dominent de cent-cinq pieds.

Brillant havre refuge d'Evrard: pour qu'il sied

Au Comte De La Marck et en sa volonté…

Maintenant que Sa Majesté n'est édictée

Allez braves gens de la Petite Genève,

Car la Huguenote comblée proteste en rêve.

Réveillez la, festoyez gai: c'est festival;

Vibrez for, près le Château-Fort phénoménal.

 

      Beaux Ménestrels, fiers Troubadours et vous Poètes Baladins de douves comblées: faites la fête! Pour mieux qu'une belle Princesse en Dame-Reine Voici Habygâ plus que Diane, suprême.

 

Ripaillez bon dans la joie: car c'est fiançailles

Avec Néphysthéo. Avant les épousailles.

Voyez s'avancer blonde Déesse et son dieu.

Féconde Gaïa: voici venir généreux

L'avènement d'un avenir prodigieux.

 

 

      En vérité, si les fiançailles d'un jeune Ange-dieu avec une Déesse allaient certainement avoir lieu aux yeux de tous. Si le repas se prévoyait à l'intérieur de la Galerie-des-Antiques, qui est la plus grande salle de réception du château, puisque pourvue d'une table qui peut accueillir près de deux-cents personnes, dont aucune n'était encore invitée: c'est que cela allait se pratiquer humainement. C’est-à-dire de manière informelle, pour laisser libre de croire ou non qu’ils était vraiment de la déité, mais tout de même en montrant la cérémonie sous un jour quelque peu féerique, afin d'offrir une belle part de rêve d'enfance éternelle, à qui le vivrait émotionnellement en plein cœur... à la fois réelle et abstraite. Cela pour ne déclencher aucune hystérie. Et en veillant que toute forme spirituelle qui n'apparaîtrait pas bienveillante de neutralité serait immédiatement remplacée par de la spontanéité populaire exempte d'artifices. Et quand le grand jour fut arrivé, la cour intérieure à laquelle on accède facilement par la Porte des princes, était déjà bien remplie lorsqu'Habygâ, qui s'était subrepticement mêlée à la foule, ôta sa grande capeline pour mieux apparaître, joliment nimbée de son aura dont on pouvait voir scintiller les particules irisées. Beaucoup s'étaient reculés pour lui ménager de l'espace. Et l'on s'était demandé par quelle magie elle devenait aussi brillante qu'une apparition. Car si l'on ne pensait pas à quelque phénomène surnaturel, il y eut cependant des murmures quand elle leur avait annoncé, d'une voix très pure, qu'elle souhaitait que chaque classe populaire puisse être représentée à sa table de façon équitable. Alors elle avait fait mentalement s'avancer des personnes qu'elle choisissait en fonction de leur aura qu'elle seule voyait très clairement, malgré que cette heure de la journée se montrait pour être déjà bien ensoleillée.

Elle avait commencé par inviter les plus humbles. Ce qui fit que beaucoup des plus nantis n'y eurent pas accès. Faute de suffisamment de places disponibles. Pourtant, comme subjugués par son charme, ils ne semblèrent pas lui en vouloir, mais au contraire, ils avaient décidé comme elle de se mêler au peuple. Convenant de faire la fête avec. En l'honneur de leur princesse de beauté. Et ils allèrent s'installer tous autour du château. Et même jusque dans la ville. Pour un gigantesque pique-nique. Où tout serait partagé sans que l'on ait à déplorer la moindre dérive.

L'on en était devenus plus sereins: nul ne remettant en question le bien-fondé de l'humanité. Et d'ailleurs, des journalistes, pour une fois, ont pu parler de ce qu'ils avaient vu sans pour autant avoir à orienter leur article pour en tirer le moindre bénéfice. Il s'était même avéré qu'ils furent nombreux à dire par toutes les radios et télévisions de la planète, qu'ils avaient vu se dérouler l'action étrange d'une réalité très inhabituelle. L'effet qu'avait voulu produire Habygâ avait réussi au-delà de tout. Et puis, lorsque la sphère était arrivée, avec à l'intérieur Athénéïse, Gabryel et Néphysthéo: ce fut carrément l'apothéose pour les uns, tandis que par d'autres il se supposait de voir là le résultat d'une technologie extraterrestre très avancée…

Reste que l'union de deux êtres qui s'aiment et se respectent intensément sera toujours porteuse et messagère d'infini espoir et de mieux-être…

À tel point qu’auparavant, la cité de Rimbaud les avait déjà accueillis, afin que l’heureux symbolisme poétique qui conçoit que de belles fiançailles font promission, fasse que le mariage d’un membre éminent de la NOMUPT, ait lieu dans un endroit qui se trouvait près du fleuve qui fut cher à icelui: situé face à la Maison-des-Ailleurs, cet autre appartement devenu musée, où séjourna en son temps devant une boucle de la Meuse, Madame Rimbaud et son fils, le turbulent Arthur…

Il s'agissait moins en vérité de faire l'apologie d'une très modeste colline, ou plutôt d'un tertre de cent-quatre-vingt-seize mètres d'altitude, où existait autrefois la cité de Castricum (ou Castrice qui disparut détruite par le feu) que de vivre en mieux, le fait que ce lieu transformé en grand parc public se nommait « Le Mont-Olympe » !

D'autant que les forces vibratoires qui s'y ressentaient, permettaient que restent invisibles, mais bien présentes, quelques personnalités qui étaient néanmoins désireuses de rester du côté abstrait…

 

Le poète Lucien était ravi de se trouver parmi les membres les plus proches. Tous désignés comme lui pour animer la cérémonie qui, en égard des convictions de chacun, ne présentait rien de religieux. Cela étant prévu qu'ultérieurement, la consécration réelle se ferait justement au cœur des ailleurs. Et si ce n'était la présence de de discrets personnages, qui étaient venus justement de l'Olympe Céleste pour participer à ce moment d'exception: l'on pouvait s'attendre en revanche à rencontrer le Grand Ange dieu de lumière et les trois déesses, respectivement Dames de la Forêt, et qui s'étaient faites visibles comme lui dans notre dimension humaine. Il y aurait donc là Gabryel, et son épouse la douce Athénéïse, sa fille et Morganie. Et puis, l'on avait pu voir aussi ce brave Henry, qui avait fait sensation involontaire, en ayant revêtu un habit de fête qui pouvait se comparer à celui d'apparat, d'un officier de la garde Suisse.

Et puis, comme cela se voit encore pour d'autres noces, les futurs étaient arrivés en carrosse… sauf que celui-ci était très différent des classiques habituels, puisque se voyant composé de la sphère de lumière qui était posée sur le châssis d'un attelage ancien, harnaché pour la circonstance de la blanche Ezaïhelle, et que dirigeaient Gabryel et Athénéïse, respectivement assis aux places cochères.

Habygâ et Néphysthéo étaient ensuite descendus de l'étrange équipage. Et c'est accompagnés des badauds, que les quatre de la déité s'étaient dirigés à pied vers un endroit particulier du parc, et où l'on avait disposé quatre fauteuils capitonnés de velours blanc. Lesquels avaient été tournés de manière à regarder l'assistance. Alors ils s'étaient assis, tout en faisant de leur main, des signes amicaux qui ravissaient les gens.

 

– Sieur Néphysthéo, avait questionné le Magistrat, après leur avoir lu les textes officiels: voulez-vous prendre pour épouse Habygâ ici présente?... Si vous êtes d’accord, dites «Je le veux»

 

– Oh oui! Je le veux!

 

– Et vous Habygâ: voulez-vous prendre pour époux, le sieur Néphysthéo ici présent? Si vous êtes d’accord dites «Je le veux»

 

– Oui! Je le veux!

 

– En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par la loi républicaine, vous: Néphysthéo, et vous: Habygâ, je vous déclare unis par le mariage…

 

*

 

      La cérémonie du mariage spirituel, qui avait eu lieu dans l'intimité de l'autre dimension, n'avait rien fait paraître de son temps, bien qu'intervenant en même temps que l’autre! C'est ainsi que simultanément, mais du côté abstrait, les deux déesses et les deux Anges dieu avaient aussi devant eux Morganie qui officiait aidée de quatre prêtres… Le soleil ce jour là ne brillait plus qu’à l’habitude sur le monde visible, mais il était différent... Et c'est tout le monticule qui, au moment le plus sacramentel, avait été brièvement baigné par l'osmose d'une sur-lumière délicieusement diaprée …

 

– Dame Habygâ, Reine de la Forêt Noire, Princesse de la Lune, Grande Déesse dans l'ordre de la Lumière des Justes auprès du Haut-dieu Junyather: consens-tu à épouser le prétendant Néphysthéo?

 

– Oui, par mon père j'y consens!

 

– Et toi Néphysthéo, à présent devenu Ange-dieu de lumière au service des Justes dans l'assentiment du Haut Junyather: jures-tu de donner ta vie s'il le faut pour le bien d'Habygâ et celui de l'humanité tout entière?

 

– Oh oui! Je le jure devant toi, et pour l'amour d'Habygâ… Je le jure devant tous les êtres du juste amour, je le jure devant celui qui créa le souffle de l'Univers et forgea les premiers atomes ainsi que les particules qui illuminent la matière et les hommes. Et puis je demande en cette occasion qu'il me soit accordé pardon de mes fautes passées. Ainsi, j'abjure de tout ce qui n'est pas digne de l'ardente bonté!

 

– Alors, Habygâ et Néphysthéo, au nom de Junyather, et de tout ce qui fait union pour l'amour et la vie éternelle: voici que je vous fais épouse et époux!

 

*

 

      C'est en présence et avec les témoins, qu’au lieu-dit « Le Mont-Olympe », furent signés des deux manières, les registres et autres documents, tandis que le poète Lucien n'avait pu s'empêcher de lire quelques-uns de ses textes qu'il avait spécialement écrits pour saluer l'évènement.

Suite à cela, et le faisant en parallèle dans les deux dimensions, les mariés s'étaient embrassés. Après quoi, accompagnés d'Athénéïse et Gabryel, ils étaient redescendus jusqu'à la longue passerelle suspendue par de gros câbles d'acier et passant au-dessus du fleuve. Puis ils se sont installés dans la sphère. C'est ensuite que carrosse et cortège avaient remonté lentement l’avenue, jusqu'à s'arrêter sur la Grand-place. Ils en étaient encore à faire des signes d'amitié à tous les gens lorsque l'on put entendre un « Oh » de surprise générale. L’on s'était aperçu que l'attelage, muni de sa jument qui venait de faire apparaître ses ailes, s'écartait très lentement du sol. Parvenant en cela à s'élever doucement à la manière d'un ballon dirigeable, et jusqu'à toiser les toits environnant au-dessus desquels il fut réalisé un large cercle de navigation, afin de saluer une dernière fois la foule… Et puis la sphère avait augmenté sa taille, elle avait ensuite enveloppé en totalité attelage et jument… Et l'on avait pu voir enfin que soudain l'ensemble avait fusé en direction de la lune, qui pour la circonstance, semblait s'être rapprochée de la Terre.

Alors, l'assistance présente avait applaudi en mêlant leurs cris joyeux à d'autres, déjà nostalgiques de ne plus voir les mariés. Et comme cela avait été fait lors des fiançailles vécues de même manière contemporaine. L'on s'était mis à jouer de la musique et à danser, chanter et même s'aimer… Tandis qu'à son habitude, le poète Lucien, participait aussi à animer la féerie de tout son courage et avec tout son cœur.

 

      Voilà à quoi pensait Habygâ; alors que sur la planète Yäga, c'est en mettant à profit la douce Lumière des Justes que la lune leur renvoyait, que les nymphes de l’aube s'étaient appliquées à disposer dans la nature de précieuses perles d’eau pure. Avec le petit jour, le phénomène naturel proposait aux yeux poétiques d'y voir un spectacle merveilleux! Cela scintillait de partout! L'on aurait pu penser de cette joyeuse féerie que des lucioles se seraient disséminées dans l’herbe, et jusque sur la pointe des feuilles lascives. Elles-mêmes habillant de leurs vertes couleurs chlorophylliennes, les membres-branches de l’arbre dans lequel avait été installée la maisonnette faite de rondins de bois que l'on avait soigneusement fendus debout avant de les assembler.

La journée s’annonçait superbe, et c'est depuis déjà un bon moment, qu'en admirateur du joli tableau digne d'un maître artiste, l'Ange dieu Néphysthéo se tenait debout près du lit nuptial. L'on pouvait voir, posé en équilibre sur son bras gauche, un plateau d’argent dans lequel il avait disposé deux tasses de fine porcelaine très blanche. Chacune contenant du thé au miel qui fleurait bon le jasmin.

 

– Que tu es beau lui dit son aimée en ouvrant grands les yeux…

 

      Néphysthéo s’était donc levé de bon matin pour préparer le petit déjeuner… profitant de l'occasion, depuis la terrasse aérienne, il avait salué le flamboyant lever de Gzénon. Lequel s'extirpant, mais sans hâte, de la cime empourprée d'un grand érable.

L'arbre s'admirait projeté comme un Faye magnifiquement bien campé devant la ligne d'horizon. Le spectacle qui s'offrait à l'Ange-dieu de lumière était si grandiose, qu'on aurait pu s'imaginer le plan ralenti qu'un cameraman projetterait en prodige, sur l'écran-écrin d'un ciel mauve circonstanciel, encore diamanté d'étoiles... et en bas duquel, un dieu orfèvre aurait serti une demi-girandole qu'il aurait su constituer par des photons présentant l’expression de leur premier rayonnement. Demi-cercle-objet, superbe, et qui grandissait imperceptiblement, allant jusqu’à devenir entier par le fait d'un langoureux mouvement ascendant, tout en s'ourlant d'or riche, sur un fond irisé virant au bleu azur.

 

– Que ce monde est beau, pensait tout haut l'Ange-dieu de lumière, alors qu'il lui tournait à présent le dos.

 

Mais c’était bien davantage, qu’il aimait à voir s’éveiller Habygâ…

 

Le mouvement étonné des paupières bordées de longs cils couleur paille, qu'elle faisait battre doucement comme se rejoignent les ailes des papillons, était un délice d'amour. Il adorait contempler ce dégagement intermittent de la vision calcédoine du charmant regard. Il le définissait alors plus précieux qu'un bien de joaillier.

Doucement, l'iris couleur d'émeraude s'habituait à ce retour de clarté généreuse qui rendait la déesse heureuse. Alors, une fois qu’elle fut bien éveillée et installée, son dieu de mari s'était approché du grand nid de leur amour. Et c'est d'une main précautionneuse, qu'il approchait d'elle, la blanche desserte roulante, sur laquelle il avait pris grand soin de déposer sans heurt, le plateau aux tasses fumantes. Et puis il contourna prestement le pied du lit pour se glisser entre les draps soyeux, montrant un plaisir non voilé d'être à nouveau installé au plus près de son aimée.

 

*

 

      Après le faste des dieux que Junyather avait souhaité prodigieux, ceci afin de pouvoir célébrer hyperboliquement leur union, les époux avaient choisi de vivre plus simplement leur lune de miel sur la planète sœur de Gaïa... Sachant bien qu'ici, toutes choses se révélaient presque identiques à celles de la Terre. À ceci près que si une bonne partie des êtres la peuplant ressemblaient physiologiquement à leurs frères de la Terre, bien que fonctionnellement et psychologiquement différents des humains, ils étaient aussi beaucoup moins nombreux. Il s’agissait en fait de ces êtres humains exceptionnels qui, durant de nombreuses vies, avaient su montrer un même charisme profond envers les autres, quel que fussent les souffrances, et les différents aléas regrettables qui ne manquent jamais de s'immiscer dans les destinées, et que tout être à pour devoir d'assumer. Ceux-là s’attachant notamment aussi à se comporter honnêtement, selon des concepts qu’ils savaient trouver justes, ils avaient donc spontanément servi de manière loyale une entité dieu qu’ils considéraient suprême, car de bonne foi, et se révélant, quelle qu'en fût leur éducation, pour être la plus proche de leurs idées en amour et en vérité. Comme aussi, par la force des connaissances ésotériques réputées saines, puisque jamais diabolisées, qu’ils avaient accumulées dans le subconscient de leur esprit… À moins que plus humblement, et en fonction de ce qu'ils retenaient comme plausible, d'idéologies obtenues par le truchement de justes pensées collectives. Lesquelles s'admettaient issues de l’instruction évolutive d’une ou plusieurs doctrines, qu’ils admettaient pour s'adresser par d’autres voies, au même Créateur suprême: quel que soit le nom qui lui fut donné sur la Terre. Cela faisant qu'après les dix karmas obligés, ces âmes-esprit avaient finalement acquis le droit sacré de présenter l'image de leur belle âme à la porte de ce jardin d’éden.

C’est ainsi qu’il coutoyaient parfois des Anges-dieu qui disposaient comme eux d'un corps de chair, comparable en aspect et en physiologie basique à celui d'un être humain, mais avec cette particularité que les habitants de cet éden disposaient moins à leur guise de la surnature qui est commune aux êtres-dieux de Lumière.

Ainsi, s'ils ne subissaient plus comme nous l'oxydation cellulaire qui nous anéantit en moins d'un siècle d'existence, ils avaient cependant opté pour notre mode de vie. Bien que par le fait d’être principalement nourris par une énergie sacrée qui leur est constante, puisqu’obtenue de certaines particules de lumière proches des photons. cela leur assurant entre autres avantage celui précieux d'assumer au mieux leur immortalité. Ce comportement leur offrait le choix de se monter visibles ou non, et donc aussi d’évoluer parmi l’humanité entière sans se faire remarquer ni entrer dans le jeu des fanatismes terriens.

Comme nous, la déesse Habygâ et le dieu Ange Néphysthéo ressentaient les mêmes émotions. Compris celles amoureuses. Et pas seulement de façon spirituelle!… Ils vivaient quasiment au diapason de la race humaine. Ils avaient été conçus, il est vrai, par l’Entité Suprême. Avec pour but premier de lui servir d'intermédiaires vivants. Il leur fallait même veiller à préserver cette partie de leur constitution naturelle, car elle se révélait particulièrement fragile par rapport à leur seconde enveloppe (celle virtuelle). Toute attaque extérieure menaçant la première de destruction par blessures ou atteintes graves, était à parer ou à réparer immédiatement par les moyens dont le créateur les avait pourvus. Sans quoi, le risque était de perdre à jamais leur apparence humaine. Ce qui pouvait évidemment se produire lors d'un moment d'action très aléatoirement incontrôlé de leur karma.

Ce fut le cas très regrettable, pour le magnifique Ange dieu guerrier Erzeré. Il sauva cependant la vie de Gabryel en mourant pour lui au champ d'honneur des Anges-dieu de lumière.

 

*

 

– Qu’allons-nous faire ensemble, par un si beau jour, demanda soudain Néphysthéo à sa blonde déesse.

 

– Je te propose mon chéri de nous rendre dans le même endroit qu’hier.

 

– Si cela est ton souhait cher amour, c’est qu’alors en ce superbe lieu il se produirait peut-être quelque chose de particulier que je n'aurais su contempler assez. Ou bien, serait-il que tu voudrais le revoir, et autrement me le montrer.

 

– Exactement, lui concéda Habygâ en souriant: car, si cette crique est certes magnifique et que l’eau de cette mer dans laquelle nous avons nagé longtemps, était délicieusement tempérée, cependant, alors que nous nous sommes allongé l'un contre l'autre sur un sable qui se révéla aussi doux qu'un lit de mousse tiède, il se trouve que l’environnement qui rendait superbe le temps de notre repos avait quelque chose de particulier…

 

– je crois entendre la charmante parole d'Athénéïse: serais-tu comme elle une douce poétesse?

 

– Comme ma mère l'a vécu avant moi et qui sait peut-être le connaîtrais-je dans un autre temps pour l'avènement chéri d'un autre fruit d'amour, j'ai vu, tu le sais, le lever de mon premier jour toute baignée que j'étais pour baptême dans la lumière des justes éclairant une clairière qui se situait dans la grande forêt de l'Ardenne, et donc, j'ai appris très vite à savoir regarder et penser la nature autrement qu'en dame citadine.

 

– Oui ma chérie, et c'est peut-être aussi la forêt et son peuple, invisible à qui ne sait le chercher avec son cœur, qui a probablement su protéger comme il faut les premiers sentiments d'amour secret que nous avions l'un pour l'autre.

 

– Puisque tu sais aimer toi aussi la nature, tu apprendras à te confier de même à celle-ci, qui est à l’image de ce que fut celle de l'Ardenne, avant de subir la folie destructrice organisée par des humains foncièrement ignobles. Nous évoluons sur Yäga parmi des essences similaires à celles que connut la terre à son ère première. Alors, peut-être qu'aujourd'hui, tu te rendras mieux compte que cette crique, où je désire aller de nouveau, protège quelque chose de très confidentiel.

 

– Elle est certainement assez secrète, voire un peu trop intime, ne crois-tu pas ma chérie?

 

– C’est qu’alors tu ne les as vues ni perçues…

 

– De quoi veux-tu parler? Certes tout en se présentant parfois avec juvénilité, ce que je perçois me semble être un mélange essentiellement dominé par la végétation, puisque la faune est restée plus que discrète pour le moment. Ainsi je vis le tout comme un épanouissement pleinement apaisant, car présentant un contexte agréable qui se révélerait à la fois amical et sauvage, comme l’était encore, il y a peu, la Forêt d’Ardenne: telle que j'ai appris à la mieux connaître avec toi qui me l'as enseignée. Mais il se fait pourtant que je n’ai pas encore perçu ici, sur Yäga, les mêmes foisonnements vibratoires. Je n’y vois rien d'incarné, et encore moins de petit peuple ni même de Fées.

 

– C’est peut-être qu’ici le monde est à la fois l'icône et la différence en presque tout de l'image que tu te fais de la Terre.

 

– J’aime l’ambiguïté de tes phrases paraboles…

 

– Mon chéri, beaucoup des êtres visibles que tu ne vois pas vivre ici et qui sont présents ailleurs, sont pourtant issus des êtres invisibles comme aussi de ceux visibles et réciproquement…

 

– De mieux en mieux!

 

¤

 

      Cependant que sur la Terre, un jeune homme, fidèle à la thèse des karmas, désirait fermement connaître l’histoire de son précédent "Moi"… Alors il avait souhaité de pouvoir régresser dans le sien dernier. Il voulait tenter de comprendre pourquoi chaque lieu que ses yeux voyait pour la première fois lui semblait pourtant familier! Ces réminiscences de « déjà vu » qu’il ne s'expliquait pas mentalement devenant trop incontrôlables à son goût pour qu'il en restât là. En fait, il percevait de ces endroits moribonds une si florissante image, qu'il en venait à douter de sa technique méditative profonde. Alors, il était allé trouver sa mère. Et s’il lui avait posé cette question, c’est que certains de ses flashs répétitifs commençaient à le tourmenter sérieusement...

Le fait est que pouvoir régresser vers l'enfance, puis la petite enfance, voire atteindre la vie fœtale, et même aller jusqu'à se réincorporer dans le contexte d'une ou plusieurs vies antérieures, n'est pas à la portée du premier venu. Mais ce Lucien là l'ayant appris de sa mère, savait parfaitement procéder au rapprochement utile de la conscience astrale, tant inférieure que supérieure. Il opérait en partant du conscient humain quotidien, puis passant par l'inconscient, il le faisait s'élargir, afin d'imbriquer les niveaux qui sont utiles pour obtenir l'unification de la force mentale avec celle de l’esprit lorsqu’il est connecté à la banque génétique des codes qui sont présents dans son ADN: il devenait possible au jeune poète de voyager dans le passé antérieur de ses ailleurs.

Bien que se refusant d'en faire une activité lucrative, Ashneene aimait recevoir ses clients dans le confort feutré d'un minuscule boudoir. Il s’y diffusait une douce musique qu'elle choisissait différente en l'adaptant au tempérament des patients. Cela semblait venir de nulle part, mais certains sons cristallins étaient destinés à activer ou désactiver ces points d'énergie que par tradition orientale on nomme chakras. Tandis qu’une rythmique précise s'adressait généralement à celle du corps humain qui s’y accordait. L’ensemble aidant à produire le calme profond qui se ressent par l'obtention totale de la paix intérieure...

À l'inverse de son précédent karma, le nouveau Lucien avait donc appris à mieux contrôler ses sensibilités. Ainsi, lorsqu'il entrait dans la spirale de la peur solitaire, il combattait aussitôt son agressivité jusqu'à rapidement trouver le siège du mal-être et de la dépression. Puis il parvenait ainsi à le renverser pour s'éviter tout malaise qui pourrait être néfaste. Certes pour en arriver là, il faut savoir se départir de certains éléments de causalité, telles les drogues classiques que représentent l'alcool, la cigarette et autant d'autres, plus souvent liées à des systèmes de pensée matérialiste qu'ascétiques. Ceci pour voyager plus librement, au-delà des cinq sens, et mieux connaître une personnalité qui nous est propre. s’admettant qu’en rassemblant nos facultés innées, nous obtenons les ouvertures créatrices d’un sixième et que celui-là nous permet de côtoyer, sinon qu'à pénétrer d'autres dimensions...

Lucien se trouvait maintenant confortablement allongé sur les coussins moelleux d'une méridienne de velours bleu-nuit, dûment assorti au décor feutré de la pièce. Sa mère l'avait auparavant invité à se relaxer. Alors, pour commencer, il avait procédé à l’auto assoupissement physique de son être, afin que son esprit parvienne à s'en dissocier, ceci pour mieux avoir l'accès qu'il voulait à d'autres vérités… d'autres réalités...

 

– Nous voilà prêts à commencer, avait dit Ashneene d’une voix suffisamment appliquée pour être spatialement audible: sous le rideau de tes paupières doivent s'afficher les géométries du calme... de la paix... tes membres sont relaxés... ils s'endorment… ton corps tout entier s'endort... ta conscience s’élargit… ton âme se libère... elle flotte au-dessus de toi... ton aura la rejoint pour la garder des ondes négatives... vois-tu sa lumière bleue? l'entité qui gère ton inconscient la rejoint à son tour... elle la pénètre... parfait: te voici spirituellement protégé pour entrer dans l'autre dimension... celle où l'esprit quitte le cénacle humain pour voyager dans l'abondance du flux particulier de l'élargissement cérébral...

 

Et le poète adolescent allait probablement se souvenir longtemps de ce qu'il allait vivre à ce moment, car ce serait important pour garantir son avenir contre bien des aléas!

Ashneene venait de réduire le son ambiant. Elle voulait à présent s’assurer que rien ne viendrait interférer dans ce voyage qui devait conduire son fils vers un stade inférieur de notre plan: elle allait lui faire entreprendre une aventure qui pouvait se révéler aléatoire pour l’esprit du jeune poète endormi.

À présent que Lucien était prêt, tous les neurones dont disposait son corps s'étaient interconnectés de manière très différente. Seules ses fonctions vitales restaient assurées par automatisme naturel. S'adressant directement à son ADN, allait bientôt acquérir le pouvoir d'interpénétrer ses banques de données mémorielles. Mais il se trouvait qu’un dégoût soudain, émanant d'une vision pensée s'interposait et l'en détournait. Alors il se prit à parler malgré-lui:

 

– Je côtoie une rivière noire… son flot est occupé à charrier des gens qui se noient et disparaissent dans la vase de leur propre sang coagulé et pourrissant...

 

– C'est le Styx, rends-toi directement vers sa source ! Lui intima Ashneene… Car celle-ci te conduira...

 

– Ma mère, je vois un être nauséabond… À présent, voici qu'il vient au-devant de moi...

 

– Comment est-il ?

 

– Je ne saurais dire... il... me salue... attends, il s'approche... Non!!!

 

– Reviens !

 

Impassible à ce qui s'était produit, le décor velouté du petit salon se trouvait à présent éclaboussé par la lumière artificielle qui avait jailli au moment où la main fébrile de la voyante avait actionné l'interrupteur-contacteur.

 

– Mère, que s'est-il passé… pourquoi, m’as-tu rappelé, demanda Lucien incrédule, s'adressant de vive voix à Ashneene.

 

– Il s'est produit mon fils, que le guide que tu as pu voir à la source du Styx n'aurait pas dû se trouver là où tu l'aperçus car il se terre généralement dans les entrailles de Gaïa, par-dessous les racines des Arbres Faye...

 

– Il m'a semblé voir une chimère avenante. De fait, je me sentais assez tranquille

 

– Je crains qu'il ne s'agisse d'autre chose...

 

– Serait-ce un démon farce?

 

– Plus que ça mon fils... Plus que ça. Et j'ignore si ses intentions sont bonnes ou belliqueuses. C'est pourquoi je t'ai fait revenir.

 

– Mère, tu ne m'aurais tout de même pas envoyé au diable?

 

– Hélas mon fils, régresser jusqu’à visiter des vies antérieures n'est pas sans danger, et tu le sais. Pourtant s'il s'est fait que tu as vu Satan, c'est que cela s'est auparavant produit au cours de l'un de tes karmas précédents. Ainsi, il nous faut être prudents, et avant d'entamer d'autres séances, je vais te proposer d'aller voir ton père; peut-être pourrait-il de son côté obtenir la réponse qu'il nous faut...

 

¤

 

      Habygâ paraissait quant à elle s'amuser de l'ingénuité que lui montrait l'Ange-dieu Néphysthéo. Certes, se trouvant mieux initiée que lui des choses féeriques, elle pouvait admettre de son charmant compagnon, bien qu'il fut mieux pourvu qu'elle des connaissances scientifiques, qu'il n'en était pas moins à la traîne pour d'autres, quelque peu ésotériques par le fait secret de leur transmission différente de celles admises des savants de la terre.

 

– Il y a bien des êtres animés sur Yäga, lui dit-elle, et ceux-là sont comparables à d'autres… que l’on sait trouver sur Gaïa… sinon que leur aspect peut se montrer fort différent selon le continent où on les trouve. C'est ainsi que certains sont en fait des âmes-esprit qui ont été pourvues d'une nouvelle enveloppe. D'autres en revanche sont dépourvues de corps, étant donné que beaucoup d'entre elles sont en attente d’un autre Karma. Tandis que d'autres encore, les ayant tous vécus selon ce qu'il en était entendu par le Suprême de Lumière, méritent d'en être récompensés. Tu verras aussi que, en dehors d’ici qui est le continent appartenant aux dieux de lumière, il en existe un second. Il est habité d'êtres se montrant comme nous sous un aspect humain. Ceux-là ont été qualifiés êtres exceptionnels par leur comportement qui fut profondément charismatique, et donc exemplaire. Ils s’y trouvent ainsi que d'autres qui ont été récompensés pour n'avoir jamais failli d'un karma douloureux à l'autre. Ils ont été pour cela proposés pour l'acquisition d'un corps éternel pareil au nôtre.

 

– Ça je l’ai perçu, dit Néphysthéo en arborant un sourire vaguement triomphant, et puis il l'embrassa fougueusement.

 

La veille, en effet, réalisant leur souhait conjoint, les deux amants s’étaient téléportés jusqu’à une plage discrète. Ils s’étaient installés sur un lit de sable si doux et si blanc qu’il en paraissait presque précieux. Devant eux, une mer calme se confondait dans son étendue lointaine avec l’horizon liquéfié d’un ciel bleu vert sans nuages. Alors, ils avaient plongé dans cette eau belle et voluptueuse comme l’amour qui se voit dans leurs yeux couleur de l'océan quand le soleil s'y abreuve...

Et comme le font ces entités langoureusement posées au fond des mers, saluant des étoiles pareilles à celles que portent dans leurs longs cheveux les sirènes, ils avaient imité celles d’Andersen… Et puis, après qu’ils eurent bien nagé, ils avaient regagné la rive et s’étaient assis côte à côte, dans un peu de l’eau gentiment ourlée d'une écume neigeuse, qui se trouvait précieusement brassée par une onde salée s'étalant de tout son long en un va-et-vient suggestif sur le sable mouillant et circonstanciel.

Mise à fleur de peau, leur sensibilité savourait alors à profit la délicieuse caresse des vertes vagues. Elles dévoilaient par intermittence, leurs pieds et leurs jambes offertes au bain délicatement moussant, dont le mouvement langoureux semblait réglé comme le spectacle sempiternel d’une manifestation de pyrotechnie aquatique. La température était idéale, et jusque dans l’air ambiant. Il semblait que pas un souffle de vent contraire n’effleurait les aiguilles des pins parasols qu'apparemment, aucun oiseau n'habitait… On aurait pu alors penser que Néphysthéo et Habygâ étaient les seuls êtres de chair à peupler ce monde paradisiaque qui leur faisait voir le jardin d'éden, disparu de longtemps sur la Terre.

En fait, il s’agissait bien là d'un monde au décor très proche de cela qui fut dit pour avoir existé avant l'émergence humaine! D'aucuns le disant autrefois situé entre, ou bien alors très près du confluant de deux fleuves… Tel l'Euphrate lorsqu'il se mêlait: certain d'ajouter sa force tranquille à celle du Tigre, pour former le Chatt al-Arab...

Certes, il faut avouer que ce qu'ils avancent encore existe bien, mais sur une autre planète que la leur… en l'occurrence une sœur de Gaïa. Une autre planète bleue, plus petite. Qui orbite comme elle, en suivant une ellipse comparable en distance, autour d'un soleil sosie serti comme un gigantesque diamant jaune enflammé de pourpre. Le tout se concrétisant à souhait dans un monde écrin quasiment parallèle au nôtre. Mais seulement visible lorsqu'on sait pénétrer dans une dimension qui est différente des trois qui sont aujourd'hui connues des humains...

Le fait est que des êtres intelligents et nombreux peuplaient Yäga. Si Néphysthéo l’ignorait de visu, pour en avoir probablement été mentalement et physiquement écarté par eux, par prudence, il se trouvait qu'Habygâ en revanche ne l'était pas, car elle les connaissait depuis longtemps. Que ce soit ceux du continent réservé au repos des dieux, comme ceux de l'autre, qui est de forme identique.

Certains n'étaient effectivement visibles ou perceptibles que lorsqu'ils l'acceptaient, ou encore, quand des êtres-dieu autorisés le leur demandaient. Ils étaient pourtant bel et bien vivants et présents. Mais pas tout à fait constitués exclusivement de la même façon qui se conçoit généralement pour être obtenue par embryons cellulaires sur la Terre, pour ce qu'ils sont de la faune, ou sous forme de graines pour la flore. Ils étaient davantage faits comme à l'image angélique plutôt que l’inverse. Issus d'un peu plus de cette matière étrange qui est gorgée d'énergie et de lumière magnétique émanée du Très-Haut, et qui constitue l’âme. Le reste venant tout de même de la matière ordinaire.

Ainsi, le peuple des Elfes, comme celui des Dryades Pillywiggins, et bien d'autres encore qui se trouvent à vivre sur Terre, avait aussi sa place sur Yäga: puisqu'ils savaient passer d'une dimension naturelle à l'autre parallèle. Ils faisaient aussi cela quand des Anges-dieu avaient besoin de leurs services, d'un côté ou de l'autre des deux mondes. Et puis beaucoup, et notamment des fées, qui avaient souhaité de rester libres, erraient à volonté dans le vent. Puisqu'elles habitaient les nues des Poètes! Et qu'il y avait aussi...

(Mais chut! Car chaque histoire doit s'écrire dans son propre temps)...

Sauf qu'il se fait aussi à l'évidence, de devoir préciser tout de même que le dernier des dix corps de certains habitants ex-humains du continent des dieux (et par extension de ceux qui sont sur le continent d'Éden) se devait d'avoir auparavant totalement disparu, et donc, d'être définitivement retourné à la terre par n'importe quel moyen. Cela devait s'obtenir avant que l'âme ne soit libre de rejoindre son Créateur, et donc que le souvenir du mortel fût suffisamment estompé et qu’alors leur descendance les libère du même coup. Ainsi, c'est seulement lorsque les défunts sont totalement déconnectés de tout lien terrien matériel, autant que spirituel, que leur essence est admise à passer de « l'autre côté du miroir ». C'est donc qu'ils pourront entrer dans le pays-de-l'après, sans que soit méprisé par personne le choix définitif du mortel concerné...

 

 

 

 

 

Toi qui sais l'abondante générosité,

Me diras-tu si l'âme est prodigalité?

Sans autre nature dans son presque défi,

Quel monde écervelé a-t-on donc à l'esprit?

Certes il y a des actions différentes:

À l'inverse de celles trop agonisantes…

En Terre bleue des linceuls et quand tout se meurt

Passe un temps coloré, le geste doux semeur…

Mais toi ! Oui toi, Dame-faux: fais-tu choix d'épis?

Ignare es-tu? Au point de couper net l'épris!

Que deviendra son âme une fois délivrée?

Plutôt que bon grain, contre ta faim: vois l'ivraie !

Sur la Terre délabrée vivent des enfants.

Ils regardent la lune égarée en rêvant.

Savez-vous que leurs âmes aiment leur esprit?

Si vous acquiescez, alors ce peut-être écrit!

Au bastion des ailleurs de Rimbaud l'aïeul,

Se « pleurs » un poète couché dans les glaïeuls.

L'exubérance inhumaine a séché l'eau pure,

Quand luxuriance valait plus que luxure.

Alors, si trop lointain ne musarde plus l'hier,

Ma mie, demain plus de lézardes sous le lierre.

Rien que nature morte, plus que murs de pierres,

Sinon que des tombeaux: qui dorment sans prières.

 

 

 



23/09/2020
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