le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE DIX-NEUF

 

19

 

 

      Après qu’elle eut quitté le palais lunaire où elle avait dormit longtemps et qu’elle fut revenue sur la terre, Morganie s'était aperçue peu à peu, outre le fait d’avoir récupéré ses dons, qu’elle en avait acquis de nouveaux. Probablement par le soin bienveillant d'Anatha. Parmi ceux-là, il y en avait un qui lui permettait de voyager dans l’air mieux qu'un aigle, et sans avoir besoin d'ailes. Rien qu’en usant de forte pensée. Cela ressemblant étrangement à une faculté vampirique! Elle connaissait ces engeances, situées entre bien et mal, dont le surnaturel s'apparente à Osiris: ce père ténébreux d'Horus…. Cette fonction elle l’obtenait de toute évidence en songeant quelque peu à Isis. Pourtant ça n'était là qu'un nouveau stade de développement de son intelligence. Morganie qui n'ignorait en rien que pour beaucoup d’entre ces faux cousins noctambules obligés, il s'agissait avant tout d'individus aux dents de tigres sanguinolentes, et donc foncièrement assassines, se demandait pourquoi on l'avait ainsi pourvue. Ces êtres se révélant pour plus maléfiques que vraiment utiles... À moins peut-être de choisir leurs proies parmi les mauvais humains… et encore!

Certes, dans sa rage, elle avait maudit ceux qui avaient voulu sa perte, leur adressant une rancune tenace, mais de là à faire d'elle une diablesse! Elle se disait aussi que ces gens devaient avoir un lien avec le monde des lémures, et peut-être aussi avec des adeptes humains du culte des ombres issu de l’Égypte des Pharaons…

 

Mais mieux qu'eux, elle avait acquis aussi un immense savoir guerrier. Ignorant que tout cela ne fit que répondre à la demande expresse de Junyather. Cela présumant d'un service adéquat attendu... Lequel allait tôt ou tard, se démontrer. Et puis on lui avait inculqué l’art de traverser le temps en tous sens, en empruntant les « passages » qui s’offraient à elle. Mais c'était seulement possible quand Junyather en avait décidé ainsi… comme pour les Anges dieux subalternes, ainsi que les déesses et tous les anges ordinaires qui le servent. Cela était d'ailleurs une particularité hautement utile. Autant que celle qui leur permet de vivre sans vieillir durant plusieurs dizaines de siècles et même au-delà. Ainsi, comme toute la physiologie du corps demi-humain de Morganie, ses cellules pouvaient se renouveler indéfiniment sans subir la moindre oxydation ni aucune brisure de leur ADN qui soit durable.

 

– C'est pour te « garder » contre tout vieillissement terrestre. Lui avait confié la voix dans sa tête.

 

Et cela s’était avéré. Tandis que le monde des humains poursuivait le courant de sa fuite en avant immuable…

Mais Morganie avait conservé dans sa mémoire intacte, tout ce que ce monde barbare lui avait infligé. Cela avait fini par générer chez elle une rancœur dangereusement cruelle. Elle voulait agir contre ces quelques membres mauvais qui discréditaient un culte méritant. Ils avaient saccagé le sien! Alors elle avait abusé de ses pouvoirs pour venger ses plaies au corps et à l'âme. Oh! Certes, durant les siècles qui suivirent son propre temps de moyen âge, si elle n’avait donc su oublier le bûcher auquel elle avait miraculeusement échappé, elle gardait aussi le souvenir de la confrérie sacrée qu'elle avait un temps guidé. Mais, par la suite, n’en retrouvant aucun adepte qui est suffisamment vaillant, elle avait fini par les oublier. Peu à peu, de siècle en siècle, elle s’était résolue à se faire un rang comparable à celui d’une princesse humaine. Elle escomptait d’acquérir suffisamment de puissance pour tout reconstruire de ce qu'elle avait perdu. Cela se faisant tout de même par la grâce de pouvoirs qu’elle détournait de leur vraie raison. De fait, son comportement malsain avait fini par agacer le grand dieu qui les lui avait prêtés…

 

Elle se souvenait néanmoins de la «première mission» c’était quand elle avait vu s’ouvrir devant elle un long tunnel parsemé de traits fuyants de particules de lumière… Consentante elle s’était avancée de quelque pas. Puis elle s'était laissé happer par le flux qui continuait de s’intensifier tout en la faisant évoluer au dessus des nuages. Alors elle avait pu voir une presqu’île en forme de botte. Elle s’était imaginée en oiseau de proie. Mais elle fut soudain propulsée comme une pierre vers le sol. Elle fondait à une vitesse vertigineuse vers cette terre… Le regard fasciné, elle pu deviner une ville…, Rome! Et dans cette ville vivait un certain Rodrigo Borgia élu pape sous le nom d’Alexandre VI. Mais qui aimait un peu trop les jolies femmes. D’autant qu’il était d’âge avancé, et que malgré ses yeux noirs et gourmands, sa bouche sensuelle et son front altier, faisait volontiers usage d’autres arguments que ceux de la jeunesse libertine pour assouvir ses désirs. La chasseresse en avait informé Junyather. S’attendant à devoir agir. Mais le haut dieu lui avait conseillé de ne pas intervenir dans le cours de l'histoire religieuse. Cela constituait pourtant l’une de ses cartes maîtresses dans le jeu de sa propre ambition vengeresse. Alors elle avait promis d’être discrète sans pour autant abandonner. D’ailleurs, sans le vouloir, le gibier s’était fait complice de la chasseresse… Ce faisant, Alexandre avait usé d’influence pour obtenir une représentation féminine pour le moins érotique. Un moine presque aussi dévoyé que lui l’avait obtenue d’un artiste qui avait plagié l'original. L'œuvre se trouvait donc à présent affichée parmi d'autres allégories, sur un mur, en ses appartements secrets. Cela représentait une ondine aux longs cheveux noirs. Elle avait l'apparence d'une humaine. Sa poitrine était à peine voilée d’une écharpe de soie rose, si fine et transparente, qu’un simple courant de pensée malicieuse aurait suffi à la soulever virtuellement, rendant alors le corps de la belle encore plus érotique. Et puis, il lui semblait même qu’elle fut capable de marcher sur l’eau, comme un Jésus…

 

C’est alors que régnait la très puissante famille des Borgia que Rodrigo, son plus illustre représentant, fort bien servi par son caractère impitoyable, sa rouerie et son immense fortune, avait fait une ascension remarquée dans la hiérarchie de l’église d'alors. Maniant au besoin le poison aussi sûrement que le poignard! Il affectionnait d’autant mieux le stupre de cette époque corrompue, où les débauches orgiaques le disputaient davantage à d’autres coucheries qu’à l’humilité.

Rodrigo accapara donc la tiare le douze août 1492, après avoir acheté à prix conséquent les cardinaux présents au conclave! Mais il ne renonça pas pour autant à sa vie de débauche, loin de là! Et ceci qui agaçait Gabryel à cette époque, fut vite devenu un leitmotiv pour Morganie. Laquelle lui proposa d’intervenir en son nom. Avec zèle, malgré les réticences de l'Ange dieu de lumière qui la connaissant mieux qu’elle-même, craignait quelque débordement.

Rodrigo empruntait souvent le passage secret qui lui permettait d’aller rejoindre sa belle du moment. D’ailleurs, l’endroit était idéal pour les rencontres discrètes, car, étant rattaché à la basilique Saint-Pierre par une chapelle également privée: cette demeure somptueuse offrait aussi un accès facile à la chapelle Sixtine. Et de là, aux appartements officiels où il redevenait Alexandre VI.

 

Ce fut un soir où le regard et la pensée perverse de Rodrigo s’étaient tellement perdus dans la contemplation de l’ondine au corps quasiment nu, qu’il lui semblât à un certain moment que le sujet s’était ostensiblement avancé vers lui. Certes, il lui arrivait de se « contenter » de « curieuse manière » après une journée de travail, ou un soir de beuverie. Mais cette fois, la vision délirante était trop précise pour ne pas lui inspirer quelque mise en garde. Ce qu'il voyait avait moins de l’utopie que d’une ébauche de réalité. Alors, comme il croyait aux pouvoirs du diable plus qu’à ceux d’un Christ qu’il était pourtant censé représenter au nom des apôtres Pierre et Paul, il s’était levé de son fauteuil… Puis il avait saisi un long coupe-papier crucifix ressemblant à s’y méprendre à une lame effilée qui serait tout aussi capable qu’un poignard de percer un cœur. Qu’il fut pur ou démoniaque…

 

– Tout doux, Votre Sainteté! fit alors l’apparition tout en sortant de la toile: tudieu! Apprenez que je ne vous veux aucun mal… du moins pour le moment!

– Sacredieu! Sachez qu’un Borgia ne craint personne! Pas même Belzébuth! Mais me direz-vous ce que vous êtes ?

– Disons que je suis l’image dans l’image, l’esprit de l’être abstrait se personnifiant dans le sujet vu par l’artiste… Et qui, à vous regarder de plus près, peut vous assurer du fait que personne n’est véritablement ce qu’il veut faire paraître!

 

Bien que maniant volontiers lui-même l’insulte directe ou indirecte, Rodrigo ne supportait pas qu’elle s’adresse à lui en retour. Il avait soudain contourné le bureau qui le séparait de l’entité. Mais l’efficacité de son bras rageusement déployé avait été desservie par sa démarche devenue claudicante avec l’âge. Alors la pointe d’acier qu’il brandissait n'avait rencontré que du vide.

 

En homme qui se disait être le plus puissant du monde, Alexandre VI exhalait de sa superbe. Il aimait montrer à sa cour l’énorme rubis qui se voyait à son cou adipeux, et qui retenait les pans d’une étole cousue de fils d’or. Elle-même enchâssée de pierres précieuses, dont la richesse aurait suffi au demeurant pour soulager la misère d’autrui…

Morganie, qui le voyait faire par une «fenêtre du temps» n’en avait conçu que plus encore de mépris. Il faut dire qu’en bonne politicienne revancharde, elle s’était amusée à faire capoter bon nombre de ses magouilles. Non seulement celles trésorières, car elle avait su aussi annihiler ces temps derniers quelques-unes des cartes maîtresses de Rodrigo.

Ainsi, ceux que le pape avait pourtant couverts d’or s’étaient finalement ralliés à son pire ennemi: le Roi Charles VIII! Lequel menaçait d’assaillir le Vatican s’il n’obtenait pas le trône de Naples… Alors, tandis que des canons de défense étaient installés par les gardes suisses, des prélats allaient et venaient d’un autre côté, lourdement chargés de coffres dont ils prétendaient qu’il s’agissait de reliques qu’il convenait de mettre en lieu sûr… Morganie n’était pas dupe, et c’est bien ce jour-là qu’elle avait profité d’un moment de relâchement pour s’emparer d’un peu de l’immense trésor obtenu de diverses façons et manœuvres discutables. Elle avait donc enfourné deux grosses malles dans le tunnel hors du temps. De même que le grand tableau qui la représentait nue. Et pour faire bonne mesure de son impertinence, elle était retournée dans la pièce secrète, sans même attendre la nuit pour s’installer dans le fauteuil préféré de Rodrigo, car elle était bien décidée à rester là jusqu’à ce qu’il se manifeste par sa présence… mais cette fois sans succès.

 

Étant aussi discret que privé: l’endroit n’était pas gardé. Outre l’accès qui en était particulier, il offrait aussi l’avantage de murailles naturelles que nulle arme connue à l’époque n’aurait su percer… si ce n’était néanmoins ce « passage » dont disposait Morganie par la grâce de Junyather qui n’était pas sans savoir que tôt ou tard il lui faudrait le fermer pour interdire à la Dame parée de bleu de trop s’immiscer dans des affaires, qui après tout, concernaient le destin et l’histoire. Et non l’assouvissement d’une vengeance personnelle. Même, s’il l’admettait pour être légitime…

Morganie s’était donc à nouveau introduite à la faveur d’une autre nuit. Celle-là faite d’orgie, au cours de laquelle le souverain avait tant consommé de vin épicé qu’il se trouvait vautré tout habillé sur son lit, dans un état carrément semi-comateux! Alors elle l’avait aspergé d’eau froide afin de le dégriser, et copieusement invectivé:

 

– Regarde-moi Rodrigo Borgia, alias Alexandre VI, souverain pontife d’une religion par toi bafouée, regarde bien cette lame que je lève! Car je suis ici pour te tuer. Regarde, car tu ne vaux pas mieux que ceux d’avant toi qui ont voulu m’immoler par la flamme!

– Range ta haine et rengaine ton arme, lui avait soudain intimé Junyather!

Il venait de s'introduire par la voie de sa conscience:

– je t’ai fait divine chasseresse pour servir une lignée d’importance dans la très haute lumière, et non pour te souiller en perpétrant un crime inutile; il ne t’appartient pas de te substituer à Gabryel pour faire justice sur cette planète, et surtout pas sans obtenir mon consentement préalable. À l’inverse de toi, ce représentant-là n’est pas au nombre des immortels de lumière, alors je te le dis car son destin est fixé: le dix-huit août de l’an de grâce mille-cinq-cent-trois, il mourra du poison que son fils, César Borgia aura fabriqué pour lui…

 

Alors elle n’avait pas insisté. Elle avait fait le chemin inverse, et Junyather referma le tunnel du temps derrière elle. Pourtant, cette précaution s’avéra insuffisante à calmer le tempérament de lionne de Morganie. Les agissements de ceux de ces hommes qu'elle savait corrompus continuaient de l’exaspérer. Ainsi, elle avait appris par causalité qu’elle pouvait aussi utiliser d’autres voies.

En l’occurrence, celles généralement réservées aux créatures de Satan…

 

C’est avec l’aide vibratoire d’un drôle de cristal bleu tombé du ciel qu'elle était alors capable de déclencher des bulles de temps aléatoire. Et elle savait les placer et les déplacer dans le ventre de Gaïa, comme on le fait des pièces d’échiquier, et que mentalement elle pénétrait à loisir, sous forme d’avatar… Oh, elle faisait cela davantage par goût de l’aventure et de l’expérimentation personnelle, que dans l’idée d’utiliser un stratagème. Lequel se révélant somme toute à la portée d’un humain initié. Mais en s’amusant tout de même à voyager virtuellement dans des ailleurs qui n’étaient pas tous recommandables.

 

Ceci produisit qu’elle se retrouva, sans le vouloir vraiment, dans un couloir souterrain qui conduisait à la nécropole de la papauté!

Elle découvrit en ce lieu une trappe ouvrant un accès par le plancher d’un confessionnal de la basilique Saint-Pierre de Rome. S’apercevant que le pape, présent à ce moment, avait tourné machinalement la tête dans sa direction, elle s’était vivement effacée. Ne voyant alors que quelque chose de furtif, qu’il prit peut-être pour un cardinal s’efforçant de disparaître derrière un pilier en baissant le front, et sachant qu’à l’habitude, ils se donnaient discrètement l’absolution les uns les autres… Conciliant, Rodrigo s’était dit qu’après tout, comme pour eux, tous les crimes de la chrétienté d'alors pouvaient bien faire chemise sous la soutane! Et il avait raison! Car il n’en était guère alors, qui soient suffisamment généreux pour racheter les autres. Sinon qu’à se comporter en être dangereux, en pensant, par le sang, de pouvoir ramener leur religion à des valeurs moralisatrices, plus proches des temps premiers. Quitte à brûler cette fois tous les humains jusqu’à finir par eux-mêmes…

 

« Nul ne peut espérer de fous qui soient mieux que des pervers! » avait songé Rodrigo qui se détendit en marchant lentement vers la nef, mais pas au point de le rester, quand finalement, c’est avec l’avatar d’une guerrière vêtue de cuir noir qu’il s’était trouvé nez à nez!

 

– Comment oses-tu démone!

– Te prendrais-tu pour un dieu, à présent Rodrigo?

– Je suis en tout cas oint et baptisé autrement que toi!

– Qu’étaient donc, selon toi, les premiers croyants avant de leur prodiguer le sacrement du baptême?

– Des païens… des adorateurs d’idoles, des…

– Foin que tous ceux-là que tu catégorises un peu trop aisément! Je peux te dire que ma propre religion existait alors en eux, et que le Très-Haut s’en accommodait déjà! Ignorerais-tu aussi que le monothéisme de Yahvé est né du choix final d'une idole unique: une représentation vue d’artiste, laquelle s'adressant à un Très-Haut que les humains ont fini par sacraliser? Et puis, me diras-tu comment reconnaître les anges, sans admettre que, comme sur la terre, le Ciel, dans sa vastitude, a besoin lui aussi d’être hiérarchisé pour être crédible… Sache donc pauvre fou que je suis de ceux-là d’en haut qui te regardent! Et que ton action sera perdue d’avance si tu continues de châtier à tous va des innocents: Brûlant la chair en pays de France… et même, faisant couler le sang jusqu’en terre musulmane… Certes, tu ne verras pas le fiasco de ta doctrine, sinon que peut-être dans un ultime karma aussi inutile que celui-là. Mais je peux déjà te prédire que si tu persiste ainsi, alors ta religion s’éteindra bien avant que notre étoile n'en pâlisse de honte de t'avoir fait!...

 

¤

 

      Le monde, qui se dit évolué, n’y voit pas plus clair qu’hier dans l’angoisse d’une âme repentie. Ni même dans le venin craché d’une serpente adulée. Les riches se moqueront toujours des pauvres. Sans se douter que la Camarde pourtant les reconnaîtra sous leurs artifices bourgeois-gentilhomme. Les forts comme les faibles porteront tous la responsabilité de leur propre ensevelissement. Puisque même une fée-déesse telle que Morganie ne saurait y échapper! Cela eut lieu en un temps où la Révolution ensanglantait Paris, alors que la chasseresse avait le plus blâmé, mais cette fois à tort, la vaillance de certains religieux. Employant contre eux l’arme d’un mépris très obscurcis. De cela ils étaient nombreux à se plaindre d'elle. Et leurs prières ayant tant ému Junyather, ce dernier avait sommé Morganie de quitter le siècle des sans-culottes. Il lui avait même précisé qu'elle n'avait rien à y faire qui ne soit déjà écrit. Devant tant d'obstination, il avait conclu d'une psychose bien légitime, mais il ne l'avait pas sauvé des flammes pour la voir agir à sa guise. Alors, il l'envoya dormir presque trois-cents ans durant, dans une de ces cryptes qui sont secrètement enterrées en pleine forêt:

 

– Morganie! Avait dit la voix de tonnerre: ta haine de ceux qui ont tenté de te détruire te ferait-elle perdre la raison? Aurais-tu oublié le sens spirituel du mot Amour. Ignorerais-tu le pardon qui s'y consent? Ton karma dit que tu devras défendre des êtres qui cherchent la lumière, non l'inverse! Tes actions m'ont fait du courroux! Je t'en ai avertie, mais tu ne m'as pas entendu. Alors pour te punir, j’ai décidé que tu devras dormir là où se cachent tes pareils. Je t'envoie dans ces demeures occultes qui sont bâties sous la terre. Parmi les souterrains des « ailleurs ». Et ta stèle restera scellée aussi longtemps que j’en aurai décidé...

 

Alors il y eut un grand fracas. Puis elle avait été paralysée, comme pétrifiée. À ce moment, le sol s'était soudain mis à frémir sous ses pieds. Et le ventre de Gaïa s’était ouvert. Morganie avait eu le sentiment de s’enfoncer dans un gouffre. Et puis tout s’était arrêté… mais pas avant que les six dalles froides d’une sorte de chambre funéraire se furent ajustées autour d’elle...

Pourtant, malgré l'état cataleptique qu'avait pris son corps, Morganie se savait vivante et encore considérée. Lorsque son esprit s'éveillait, elle entendait la voix d’Anatha… c'était à la pleine lune qu'elle la percevait le mieux. Elle semblait vouloir lui indiquer le chemin des nuages conduisant vers sa chambre du palais. Morganie se rappela s'y être alors perdue. Elle percevait cependant une autre image: celle de la porte de topaze, qu’elle avait franchie seule. Et qui ouvrait, selon Anatha, sur la voie hors du temps. Menant par la force pensée à une projection parallèle de la planète Jupiter. Elle se remémorait aussi que lors d’un rêve séculaire, elle avait su pénétrer mentalement l’immensité gazeuse de la planète jovienne. Sans rien sentir des orages et du vent cyclonique. Elle s'était alors échappée hors de son corps. Elle s’était trouvée devant la vision d’un trône, porté par des nuages inquiétants, et où siégeait une entité dont elle ne garda pour souvenir aucun de ses traits. Si ce n’est qu’ils lui avaient paru aussi redoutables que peuvent l’être ceux d’un dieu des dieux:

 

– Mortelle! Lui avait précisé la voix d’alors, tu es de descendance mystique, mais la Reine des fées t'a refusé l'immortalité. Pourtant c'est parce que, mieux que par tes gènes tu es différente, qu'aussi par d’autres origines mythiques, tu vivras par ma volonté beaucoup plus longtemps que les humains. Sache cependant que cela ne sera que pour le temps que je déciderai. Et à la condition de mener à bien ta mission qui sera de protéger quand il faudra, et avec le soutien du peuple féerique de la forêt, non seulement l'épouse très prochaine, mais aussi la lignée de l’un de mes fils. Gabryel t’a sauvée sur mon ordre, tu m’es donc, comme devant lui, redevable de ta vie présente et à venir…

 

Accablée par tant de puissance qui l’avait su emprisonner, Morganie se demandait à présent comment une si faible personne que la sienne pourrait bien être utile à un maître dieu. Lequel pour le moment semblait mieux décidé à l'anéantir qu'à lui donner de la vigueur! Mais étant tout de même une fée Dame bleue qui s’ignorait encore, elle apprendrait d'elle-même à assujettir au mieux d'autres forces, guerrières celles-là, qu’elle avait acquises par un lien ancestral. Une lointaine aïeule. Née de l'union charnelle d'une Fée Ondine, avec l’un des fameux huit guerriers porteurs d’une des armures mythiques, celles-là qui furent jadis trouvées dans huit troncs d'Arbres Faye afin d'armer les compagnons de la déesse Ardvina et pour aider à la défendre… Notamment contre les attaques des hordes envoyées contre elle par sa sœur Artémise… Avant que la Diane Ardennaise ne vienne à disparaître quelque temps plus tard… Elle aussi...

Alors que nul ne sut comment, ni pourquoi…

À moins que?...

Mais Morganie avait failli dans son karma. Elle avait commis le péché d’orgueil... Et elle en était punie…. Et avec elle un tiers d'esprit issu de la déesse Ardvina qu'à présent elle partagerait. Ignorant que s'il en avait été décidé en très haut lieu, c'était afin que l'œuvre de la divine celtique perdure durant les dizaines de siècles suivants...

Comme la Diane ardennaise qui avait été vivante par la volonté de Junyather, la brune Morganie avait disparu à son tour de la surface de la Terre… Pour un temps... Après quoi, l'on espére qu'elle se trouvera finalement ressuscitée... en raison de ses liens génétiques avec Ardvina... pour servir un Très-Haut souhaitant alors l'union de trois Dames. L’une s’affirmant pour la sauvegarde notoire de deux autres qui lui seront propres, avait-il été précisé à Gabryel. Et Junyather d'ajouter:

 

– Pour que s'obtienne, par l'action simultanée des trois, une unité déterminée et fort puissante...

 

 



25/03/2020
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