le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE QUARANTE CINQ

 

45

 

 

      Jouissant d’un temps aujourd’hui passé, mais qui avait vu l'affrontement sur notre planète entre un grand Ange-dieu de lumière et le fils renégat du Suprême Des Ténèbres*… Athaânas avait furtivement positionné l’Etoile-de-Glace de façon à ce que la lune la rendre indétectable depuis la planète Terre. Il avait bien reçu l'ultime message de L’Hombre l'invitant à le rejoindre. Mais il était arrivé trop tard. Il ne subsistait guère du dieu sombre qu’un vague reliquat de particules qui, néanmoins groupées, errait tel un vague corps fantomatique prêt à se diluer dans l’espace. Il les récupéra néanmoins en les faisant se joindre de manière très provisoire à ses propres particules vitales. Et puis, ne se sentant pas encore prêt à affronter seul les ennemis de feu son Maître, il avait pris la décision de ne pas s'attarder de ce côté-là du système solaire où plus rien ne l’intéressait, et il avait pris la direction de Yäga…

 

* (Voir tome I)

*

 

      Ignorant de ce fait, et bien qu'il eût d'abord convenu de se retrouver dans l'intimité que leur procurait le discret couvert du cabanon dans l’arbre, le couple dieu était quant à lui resté relativement troublé par la révélation d'Estarie. Comment se pouvait-il qu'un intrus puisse intercepter des âmes, sans que cela soit connu des anges de lumière, généralement plus aptes que quiconque pour débusquer ce type de chapardeur alors que tout est perçu, quoique de manière imprécise, par la fée gardienne? Certes, se souvenant du combat difficile qu'il avait fallu mener sur la terre pour y ramener un semblant d'équilibre – lequel fut aussitôt réduit à peau de chagrin par l'indécrottable machiavélisme des dirigeants humains – Habygâ reconnaissait en elle-même les limites d'action dont disposaient les anges-dieux de lumière quand leurs opposés de l'ombre s'égaraient volontairement ou non hors de leur territoire. Lequel fut pourtant attribué par le créateur de leur créateur, et appelé à fonctionner selon des règles bien établies lors d'un pacte qui fut signé en s'attribuant réciproquement des tâches certes opposées, mais complémentaires. Lesquelles avaient été jugées indispensable pour contrôler la grande expansion atomique. C'est ainsi que la conversation qui avait eu lieu entre Néphysthéo et sa compagne avait abouti au fait que si certaines questions cosmiques les concernant leur étaient familières, en revanche, celles posées par l'évolution scientifique et technologique humaine n'étaient pas franchement leur tasse de thé, et que peut-être, il leur faudrait pour cela consulter le Grand Junyather qui devait forcément disposer de connaissances supérieures. Lesquelles s'ajoutant à celles pratiques de Gabryel, seraient certainement aptes à les éclairer à ce sujet.

 

      En même temps que le jour déclinait, la déesse se faisait cette fois songeuse. Elle reconnaissait volontiers que cette période de constitution de la matière et de l'énergie qui lui donne animation et vie la dépassait en entendement. Par ailleurs, elle avait cogité si fort le problème d'Estarie – se disant qu'il pourrait être le résultat anarchique d'aléas forcément incontrôlables par tout l'univers à la fois – que Néphysthéo l'avait perçu à son tour, autant qu'un message télépathique:

 

– Je pensais justement à la même situation concernant les erreurs et autres aberrations qui sont possibles dans un espace

logiquement dépourvu du temps que décomptent les humains. Sans omettre évidemment qu'il puisse être sujet à possibles variations. Lesquelles peuvent se produire de manière hasardeuse, au sein de ses propres dimensions abstraites, lui avoua subitement l'ange-dieu.

– Je ne m'explique pas comment cela peut-être dans notre monde, enchaînait aussitôt la blonde déesse, faisant comme on prononce un recours. Je n'y vois pas logiquement la présence d'autres intelligences négatives qui ne seraient pas immédiatement repérées par mon grand-père. Pas plus d’ailleurs, que celles que je ne souhaite pas.

– Peut-être veux-tu parler de ce qui m'est arrivé?

– Entre autres il est vrai, car je pense que seule une entité intelligente, investie d'une mission qui serait de contrôler la nôtre, peut avoir été munie volontairement ou tout à fait par hasard, de quelque capacité supérieure pouvant cependant se révéler nuisible à l'équilibre naturel, comme à celui jugé surnaturel, si agissant trop longtemps selon sa manière de faire et choisir. D'autant que si elle est différente de la nôtre, cela ne saurait être totalement imperceptible longtemps. Sinon que peut-être disposer à la fois d'une puissance répulsive et d'une autre attractive. L'ensemble permettant d'opérer alors à travers le champ magnétique sans le perturber? Ou alors, si c'est là quelque ersatz égaré d'un enté-monde, et devenu pareil à un électron libre, il faut peut-être s'attendre aussi à apprendre, que si le fait de prélever des âmes-électrons-libres lui devenait suffisant pour acquérir un tissu psychique sinon pareil au nôtre, au moins redoutablement efficace, il n'est pas à exclure qu'il s'en prenne par la suite à la connaissance des dieux, quitte pour y parvenir, à se rendre coupable d'actes barbares. Lesquels rappelleraient alors étrangement ceux que L'Hombre perpétra quand il tenta de s'emparer de la Terre pour poste avancé de son royaume...

– Alors, dans ce cas, la menace ne peut provenir que du côté noir de l’univers.

– Je n'oublie pas mon chéri, pour ce qui est de l'énergie capable de créer de la matière, qu'il en est aussi une autre en effet, qui bien que se raréfiant peut-être de ce côté-ci du cosmos, possède la forte puissance interstellaire qui est utile au maintien des objets dans l'espace. J'admets aussi que tout ce qui s'engouffre par les Trous noirs, peut très bien avoir été récupéré – même en l'état de retour à l'éther– par l'autre extrémité du « Grand Balancier ».

– Voudrais-tu parler de la matière sombre, ou de l'antimatière? Ou même encore, de sa présence possible ailleurs qu'ici, en plus grande quantité stabilisatrice, au sein d'un autre contexte qui nous serait difficile d'accès… Un anti monde?

– Je constate mon chéri que tu disposes bien comme je le pense, d'un très bon bagage en ce qui concerne la connaissance et le savoir généraliste. Pourtant tu me sembles ignorer encore de quoi est capable le Très-Haut dans sa Propre lumière.

– C'est que vois-tu, il s'est fait que L'Hombre ne m'a enseigné que ce qui l'a perdu lui-même.

– Fort bien mon mari! J'ai pu me rendre compte que tu as su combattre son arrogance, grâce probablement à ce qui fit que tu es resté un dieu d'amour et de lumière, malgré que ton ravisseur eut tenté, sans y parvenir vraiment, de te transformer en antéchrist.

– Mon esprit est peut-être resté faillible, car parfois mon tempérament est bouillant...

– Mais ton cœur est pur, car ta volonté exemplaire!

– Là mon amour, je crois que tu me chahutes un tantinet...

– Mais non... Mais n...

 

Habygâ ne put terminer sa phrase, car Néphysthéo venait de plaquer un tendre baiser sur ses lèvres gourmandes. Ainsi s'aimèrent longtemps les deux amants. Cela dura même jusqu'à ce que quelque chose ou quelqu'un s’annonce…

 

– Tu peux entrer, Charles-Henry, invita la déesse en remettant de l'ordre dans sa tenue.

 

La porte s'ouvrit sur un homme âgé, à l'allure bonhomme. Il était vêtu d'un habit vert, ressemblant à celui que portent sur la Terre, les membres de l'académie des Arts & lettres.

 

– Mais c'est...

– Le père de ce brave Henry, actuellement en poste de majordome à Castel Anatha, précisait aussitôt Habygâ. Elle le fit afin que Néphysthéo ne se fourvoie à nouveau par le fait d'une forte ressemblance physique pour les deux hommes.

– J'allais encore me tromper, avoua tout de même l'ange-dieu de lumière.

– Bonjour mes seigneurs dieux, fit Charles-Henry. Puis il referma avec soin la porte derrière lui, et d’enchaîner: voici que pour vous j'apporte une collation dans ce panier...

Alors ajoutant le geste à sa parole, Charles-Henry tendit à Néphysthéo un contenant en vannerie délicieusement rempli de victuailles.

– Un instant, je vous prie… l’interrompit soudain Habygâ : C’est étrange, mais il me semble…?

– Je l’ai ressenti aussi, confirma Néphysthéo, il vient de se passer quelque chose d'indéfinissable… Mais c'est probablement de peu d'importance

– Vous avez raison, reconnut Charles-Henry…

 

      Il avait tant souhaité de continuer éternellement à servir des anges dieu de lumière que cela s'était réalisé! Aussi, lorsqu'il emprunta à son tour le vortex de lumière qui conduit de Gaïa à Yäga, son esprit n'eut pas à attendre longtemps dans le pays des âmes d’à côté. Il avait rapidement obtenu un poste répondant à sa compétence. D'autant qu'il était vacant! Pour mener à bien sa tâche, il avait même obtenu d'un corps éternel qui était assez semblable en apparence, au dernier qu'il avait eu sur la terre. À ceci près qu'il avait non seulement bénéficié d'une cure de rajeunissement physiologique amplement méritée, eut égard à son choix. Et donc, vu que celle-ci équivalait à un demi-siècle de vie terrestre (environ le quart de son dernier karma) il avait non seulement bénéficié de la vigueur correspondante, mais encore, il se trouvait à être beaucoup moins âgé que ne l'est son propre fils!

 

– Bah, ce n’est sans doute rien de particulier, pensa tout haut Charles-Henry pour se rassurer lui-même, Il arrive qu’un ou même plusieurs anges de lumière nous fassent l’honneur d’une brève visite sans même s'annoncer. Sachant probablement que la vôtre nous est autrement précieuse, alors ils ont dû s’éclipser pour ne pas troubler l'intimité de votre présence…

– Merci Charles-Henry, c’est heureux de te savoir en ce pays qui est à présent le tien, lui avait répondu l'ange dieu de lumière.

Puis, sans plus de façon, jugeant certainement qu'après tout, cet homme faisait partie de la famille d'Habygâ, il admit en lui-même qu’il méritait très certainement des égards très amicaux, d’où son tutoiement qui s’était fait spontanément. Néphysthéo s'était donc occupé à préparer le repas, tandis que la déesse invitait le majordome à s'asseoir à leur table, dans l'intention de bavarder un peu avec lui.

– Madame, je suis votre obligé et...

– Voyons Charles Henry, vous êtes comme il faut, l'ami de toujours. Ne serait-ce que par réponse à votre loyauté au cours de votre long et précieux service envers mon père. Oublions voulez-vous ici tout acte de protocole et faisons de la même manière que mes parents s'emploient à les assouplir sur la Terre.

– Madame, à vous entendre j'ai Plaisir à croire que mon fils qui les sert actuellement à ma place en est heureux, et peut-être autant que je le fus.

– Certes mon ami! J'affirme même que ce brave Henry éprouve grande joie et bonheur dans la réalisation de cette charge. Il ne voudrait en aucun cas l'abandonner à d'autres, sinon qu’à la déléguer très partiellement et en dirigeant avec égard, comme vous le faisiez.

– Alors, permettez que je sois fier de lui!

– Vous le pouvez! Ma mère, et ce depuis le premier jour où elle s'aventurait à Castel Anatha, a toujours trouvé en lui l'ami et le service qu'aucun autre que lui n'aurait su égaler. N'est-ce pas mon chéri?

– Je garde moi-même en effet, l'image avenante de son accueil, lorsque je me suis présenté pour la première fois en invité à Castel: je revois ce bon Henry qui m'a ouvert la lourde porte de vieux chêne. En m'accueillant de façon forte aimable, il a fait ce qu'il fallait pour calmer mon angoisse. Croyez-moi: je lui en serai pour toujours redevable d’une amitié des plus sincères.

 

Disant cela, Néphysthéo apportait un plateau d'argent sur lequel il avait préparé trois couverts. Trois assiettes de fine porcelaine décorée qui contenaient une salade composée. Puis, sans rien de cérémonie, il commença à les disposer sur la table.

 

– Monsieur, dit Charles Henry en se levant respectueusement de sa chaise, veuillez excuser ma négligence, car même ici, en l'absence de mes amis Elfes, c'est à moi qu'il appartient de faire ce travail.

– Voyons mon cher, en le faisant vous m'ôteriez ce plaisir.

– Eh bien, puisque c'est ainsi votre désir et que cela se voit... J'en conçois aisément pourquoi mon fils vous fit d'emblée si bon jugement, et vous pouvez croire en ce moment que cela me procure un très chaleureux sentiment !

– Je vous en prie aussi, en toute amitié, lui assurait cette fois Habygâ: votre choix de vie éternelle vous honore autant que nous qui en sommes conscients par le rayonnement exemplaire qui émane de votre aura. Cela m'ayant renseignée sur la bonne intention qui vous anime, ainsi que j'ai perçu votre joie à l'idée de nous trouver ici. Et ceci, avant même que vous soyez arrivé au bas de l'escalier meunier qui mena vos pas depuis le sol à la terrasse de cette maisonnette.

– Vous pouvez donc croire sans réserve que le fait de vous avoir à notre table est déjà porteur de plaisir pour nous, continuait Néphysthéo. Et puis, nous aurons à vous parler de quelque chose que nous a confié Estarie. Cette Fée de lumière, dont j'ai obtenu d'Habygâ qui en a le lien par le sang, l’alliance certes fort lointaine pour moi, mais qui pourtant du point de vue des descendances familiales généalogiques s'accepte pour être assimilable de vous à moi. Alors, puisque cela nous réunit doublement en ce moment qui est particulier, soyons-en heureux, et partageons cela en cette belle soirée qui commence par le fait très louable que nous allons dîner modestement ensemble, avec le même plaisir.

 

Néphysthéo s'installa à son tour. Et après avoir servi le vin blanc liquoreux que le majordome élaborait lui-même: il porta un toast au souhait-plaisir de leur sympathique trio.

 

– Je ne vous connaissais pas ce talent de fin vigneron, dit l'Ange dieu de lumière, tout en reposant soigneusement sur la nappe blanche, son verre de cristal finement ciselé.

– Mais vous avez su pourtant deviner que je l'ai en effet élaboré de bout en bout, dit le majordome avec un sourire en guise d'acquiescement complice.

– Êtes-vous nombreux ici à avoir fait le choix de nous servir par-delà votre dernier karma, lui demanda Habygâ?

– Hélas Madame, bien qu'il soit comparable à l'autre continent, j'ignore pourquoi: mais il faut reconnaître que de celles méritantes qui sont en attente, il y a peu d'âmes qui soient désireuses d'assumer encore un emploi de service. Il est vrai que si d’autres que moi restent tenaillés par le souvenir d'avoir travaillé longtemps, et souvent trop durement du vivant de leurs enveloppes charnelles sur la Terre: ce peut-être dû au fait qu'ils furent trop souvent snobés par des nantis plus avides d'argent et de pouvoir, que sensibles à des doléances pourtant légitimes! De fait, il est normal de n'être pas enclin dans ce cas à servir encore, et ce pour l'éternité!

– Mon père s'emploie à mieux répartir les charges et les bénéfices sur la Terre. Mais hélas, il doit compter avec la situation actuelle. Laquelle est engendrée notamment, par le surendettement de certains des peuples non fédérés qui sont encore trop soumis à des systèmes, toujours si spéculateurs qu'ils en restent pernicieux. Cela menace sérieusement les prêteurs eux-mêmes, autant que les emprunteurs, astreints qu'ils sont encore à devoir créer du profit qui ne sait qu'enrichir de riches actionnaires financiers, plus gourmands en dividendes, qu’enclins à les partager. Reste cependant, par le fait que nous sommes toujours intriqués, qu'il est encore permis au Petit Peuple des forêts de la terre de passer de l'une à l'autre dimension. Certains savent même aboutir jusqu'ici en empruntant comme vous les vortex du monde parallèle. Et je crois savoir qu'ils ne s'en privent pas, car vu l'état devenu préoccupant de la nature sur la planète bleue, il leur est certainement de plus en plus pénible de conserver là-bas des oasis invisibles en bon état, tel celui de Castel Anatha, qu'un certain jeune poète Lucien vivant à présent son dernier Karma est promis à découvrir.

– Madame, puisque vous n’ignorez rien, vous savez que Gabryel, votre père, fut pour moi si bon que j'aurais Plaisir à le servir encore s'il lui venait l'envie de venir ici.

– L'on peut facilement imaginer, reprenait cette fois Néphysthéo, que ce n'était pas le cas de tous les vôtres, durant l'époque où vous viviez sur une terre que je présume pour avoir été beaucoup moins confortable, en regard de celle qui nous a vus émerger d'abord Habygâ, et puis moi.

– Monsieur, si toute époque antérieure par tranches de siècle, peut être perçue par certains comme antédiluvienne comparée à la suivante, le fait de n'imaginer rien d'autres choses à venir que celles de la veille ou du lendemain, est certainement ce qui fait penser que si le progrès technologique a du bon, il n'empêche que des modes de vie restés attachés à des cultures plutôt ancestrales que futures, semblent montrer de l'engouement au point que des gens d'aujourd'hui finissent par y revenir. Beaucoup fuyant dès la retraite, le stress d'une vie moderne urbaine parquée, et de plus en plus artificielle, et qui finalement n'est pas forcément enviable.

– Comme je vous donne bien raison mon bon Charles-Henry, laissa échapper une Habygâ dont la vérité était plus rurale que citadine. Et puis, reprit-elle, il faut admettre qu'apparemment, si j'en crois du moins ce que j'ai vu par bribes au cours de l'un de mes voyages dans l'avenir de la planète Terre, que, après une brève amélioration obtenue par la renaissance du culte d'Athséria, et la création par mon père d'un haut comité destiné à obtenir une meilleure répartition des produits et valeurs: trop des peuples de la Terre, gouvernés par des dictateurs qui fragilisent ou fragiliseront l'œuvre de mes parents, restent enchaînés par des maillons forgés d'absolutisme pervers… Et cela ne semble pas prêt de s'arranger, car tant s'en faut! Il n'y a que de questionner les classes les moins nanties pour se rendre à cette évidence! Il semblerait même que c'est carrément vers le marasme complet que les humains se dirigent !

– Hum… Cela expliquerait peut-être, ne serait-ce qu'en partie, cette sorte d’engouement impatient que montrent la plupart de ces âmes qui sont en attente d'un corps final. En fait ça confirmerait leur choix qui est incontestable, d'aller vivre leur éternité dans l'autre continent de Yäga.

– Et aussi la faiblesse d’esprit dont se rendent coupables certaines d'entre elles, en cédant notamment aux avances d'une entité pour le moins momentanément incontrôlée, renchérit néanmoins Néphysthéo.

– Justement! S'exclama soudain Charles-Henry. Je souhaiterais autant que vous, je pense, que nous puissions nous entretenir à propos de cette situation que m'a aussi apprise Estarie. Car voyez-vous, j'ai vu quelque chose d'étrange et d'inhabituel se produire lorsqu'une nuit… Pour admirer comme autrefois les étoiles… J'avais fait ce qu'il convient pour me trouver en état de conscience élargie… Mais ce qui se produisit alors avait frappé mon esprit.

– Vous abondez directement dans notre sens cher ami, car voyez-vous, il se trouve que c'est justement un sujet que nous souhaitions aborder avec vous qui étiez ici avant nous.

– Tout d'abord, je précise que j'avais obtenu l'état de lévitation sans aura visible. Je le fais ici de cette manière qui m'est autorisée afin de ne pas être remarqué – cela du reste, ne regardant personne d'autre que moi – c'est alors que mon être parvenait à beaucoup plus d’élévation que sur la terre, qu'il m'a semblé percevoir un énorme objet furtif. Il se déplaçait presque imperceptiblement entre moi et les astres. Cela étant probablement enclin à vouloir se confondre volontairement dans le noir, afin de rester certainement invisible d'en bas. Et puis c'est là que j'ai vu aussi quelques traines lumineuses d'esprits, vraisemblablement venus de la Terre par le tunnel céleste afin d'accéder, comme il se doit, au Pays des Âmes... Cela me direz-vous n'est rien d'autre que fait banal, puisque représentant le transfert habituel. Et j'en conviendrais aisément avec vous sur le champ. Si ce n'est que juste au moment précis, où il se fit que les âmes débouchaient de leur vortex pour entrer dans l'espace atmosphérique du continent des dieux, j'ai observé qu'un fin nuage de particules étranges, ayant probablement profité du groupe d'esprits pour voyager sans se faire repérer des dieux, s'est dissocié au dernier moment et a disparu à l'endroit précis où je présumais que se trouvait encore l'objet furtif qui cette fois échappait à ma vision...

– C’est curieux, admit spontanément Néphysthéo. Ce que vous me décrivez me rend songeur... Mais, il faut reconnaître que nous devons nous défier de toute conclusion hâtive. Si vous le voulez bien, dînons plutôt, et profitons au mieux de cette soirée qui s’annonce conviviale.

 

 

      La suite du repas s'était déroulée de façon excellente. Charles-Henry affichait une si bonne humeur que, plutôt que de le questionner longuement au sujet de ce qu'il avait pu voir ou percevoir dans le ciel, l'on dialogua plus volontiers à propos de son rôle sur le continent des dieux, et aussi de celui des Elfes, ces « bons apôtres », dont certains étaient venus directement de la Forêt ardennaise afin d'accompagner et servir Estarie et sa fille.

Du reste, ils rendaient de grands services un peu partout sur Yäga. Ils agissaient pour, et en compagnie des quelques immortelles Fées et autres Fès, évoluant volontiers ici parmi les arbres Faye*. Toutes et tous, avaient fait un vœu rappelant, ou concordant, avec celui de Charles-Henry qui est de rester proches de la déité de lumière. Autant pour la servir dans son ensemble, que pour le plaisir d'être des sympathisants.

Et puis il fut aussi question de la Pouponnière des corps immortels. Endroit sacré qui se trouvait sur l'unique Lune de Yäga et qu'il convenait au couple de visiter.

Plus tard, lorsque Charles Henry voulut prendre congé de ses hôtes, Habygâ insista pour qu'il dormît dans le petit studio attenant. Prétextant quelque risque en possible relation avec ses propres révélations qu'il fit tout-à l'heure, elle insista jusqu'à le lui faire admettre. Elle ajouta que l'a nuit était trop avancée pour le laisser repartir seul. Était-ce là encore un simple renseignement qui lui parvenait de manière intuitive, ou bien 

quelque autre de ces facultés qu'ont les déesses de connaître mieux que les dieux, certains faits qui leur échappent? Toujours est-il que!…

Car un certain ange-Gris, qui somme toute, pouvait aussi bien rôder depuis un moment dans les parages de Yäga, n'ignorait probablement pas que sans nourriture de tout le voyage, ce qu'il détenait et qui pouvait tôt ou tard lui donner de la puissance, ne pourrait cependant survivre longtemps une fois qu'il serait libéré de la cryogénie. Il avait donc réquisitionné un arbre Faye qu'il pensait édénique. Celui qu'il avait choisi était si gigantesque qu'Il ferait parfaitement l'affaire. Il lui servirait à la fois d’attache et de fournisseur d’énergie… Néanmoins, il se posait beaucoup de questions. Athaânas, puisqu'il s'agissait bien de lui, ignorait notamment où, et sous quelle forme il pouvait espérer reconstituer son maître, feu le grand dieu sombre. Il se disait que ce qu'il en restait aurait grand besoin d'âmes complices pour seulement le régénérer avant d'intégrer son propre corps. L’ange gris reconnaissait ainsi que la vie intelligente résulte d'un phénomène issu de la matière et de l’eau lorsqu’elles se combinent, jusqu’à s’obtenir en cellules souches suffisamment énergiques. Alors, ce dieu sombre qui était à présent dépourvu de corps quel qu'il soit, il le pensait encore néanmoins capable d'esprit glacial. Mais il ignorait s'il fut ou non en situation d’attente d’une éventuelle réincarnation. À moins que ce ne fut lui, Athaânas qui serait désigné pour l'héberger dans sa propre chair… Permissivité délicate, et que seul leur créateur commun: Grand dieu des Ténèbres était à même de lui fournir. Il était imaginable aussi que la noirceur de cet esprit-là saurait malgré tout, sinon qu'à se reconstituer lui-même dans une enveloppe qui serait à l'instar de celle que son père avait su lui fournir, au moins en accepter une autre, même vulgaire, qu’il investirait à la première occasion en la volant au Très-Haut dieu de lumière! Et c'est donc aussi en suivant cette idée que l'Ange Gris avait entrepris ses premiers détournements d'âmes… de même que La «Chose» qui était furtivement installée tout là-haut dans le ciel de Yäga s’était secrètement étirée en direction du sol…

 

Essentiellement constitué d’eau, elle aurait pu se comparer à une gigantesque Paramécie... L’ange gris s’était appliqué à la préserver des regards en la cachant du mieux qu'il put dans le sein pétrifié d’un immense nuage de glace nourricière.

 

*(En litterature merveilleuse, un Arbre Fay est un arbre Fée ou Fé)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



14/11/2020
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