le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE CINQUANTE CINQ

      Foulant de nouveau le sol sacré de la planète jumelle de la Terre, les éternels étaient accompagnés pour la circonstance par le vol sympathiquement folâtre des Pillywiggins dont quelques-uns, de temps en temps, paillonnaient joyeusement de l'un à l'autre. Autour d’eux la végétation était si dense, et luxuriante de sa propre nature généreuse aux couleurs ravissantes, bien pourvue d’arbres généreux qui les saluait de haut qu’elle ralentissait pourtant leur progression... Et puis les marcheurs purent bientôt bénéficier d'une opportunité pour se déplacer plus à l’aise. Il s'agissait d’un joli chemin. À l'inverse du sentier qu’ils avaient parcouru la veille, celui-là se montrait revêtu d'un confortable tapis de mousse mauve. Cela invitant même à flâner... Charles-Henry fit signe de le suivre néanmoins sans traîner. Il les informa qu'ils seraient bientôt arrivés au bord du lac...

« Au bord du lac » ne put s'empêcher de répéter mentalement Habygâ qui depuis qu'ils suivaient ce sentier, ressentait à la fois un sentiment de connaissance tranquille, et une forte impression de déjà-vu.

 

– Madame, je vous entends penser à voix haute, lui dit Charles-Henry, mais je tiens à préserver ma petite surprise... Pour les autres!

– Que complotez-vous tous les deux, interrogea Néphysthéo.

– Mais rien du tout mon chéri, lui répondit Habygâ tout en gratifiant Charles-Henry d'un sourire entendu.

 

Pourtant, Morganie elle aussi commençait à cogiter sur le lieu soi-disant surprenant qui les attendait. Endroit qu'ils découvriraient probablement au détour d'une très prochaine courbe du confortable sentier.

Ainsi, le spectacle qui s'offrit bientôt aux yeux de tous, ne put que conforter ce à quoi pensait la brune déesse:

 

– Alors ça, c'est la meilleure, s'exclama soudain l'ange dieu de lumière qui contrairement à elle s'en montrait ébahi !

 

Il faut admettre à sa décharge, et pour quelqu'un qui connaît en moindre que les autres la forêt qui se trouve en massif d’Ardenne, notamment pour l'avoir assez peu fréquentée en un temps déjà reculé, sinon que pour guerroyer, que le spectacle qui se découvrait à une centaine de mètres devant eux s'offrait en une image joliment canalisée par une végétation superbement arquée.

Un peu comme on regarde dans une lorgnette, elle leur était soudainement apparue à la manière d’une projection cinématographique. Laquelle leur révellait la copie contenue, mais conforme: de Castel Anatha!...

À n'en pas douter, cela avait de quoi surprendre même ceux qui s'y attendaient le mieux !

 

– Décidément, je me demande pourquoi nous avons quitté la Terre, si c'est pour trouver ici les mêmes choses, marmonna Néphysthéo.

 

Il venait de s'apercevoir que finalement, il était le seul à s'être fait savoureusement piéger. Alors, pour le consoler, sa douce compagne posa sur la joue de son Archange de lumière un doux baiser qu'elle sut rendre gentiment espiègle. Ce qui eut pour effet qu’en se souriant mutuellement, les deux amants se transportèrent ainsi sans plus faire un seul pas jusqu'au bout du chemin: comme des joyeux amoureux glissant sur un tapis magique en se tenant par la main.

 

*

 

      Hormis la décoration qui était différente, l'agencement du manoir rappelait de façon impressionnante celui de Castel Anatha. Mis à part qu'il n'y avait aucune porte dissimulée dans le mur du grand salon. Et encore moins de tapisserie qui fut représentative de Morganie. Chacun pourtant, qui connaissait bien le manoir de Gabryel, se serait cru retourné sur la Terre. Et puis leur hôte se montrait si diligent à offrir des friands et des boissons, que chacun se sentait vraiment heureux. Néphysthéo revivant même ce temps joyeux où il demandait la main de la déesse Habygâ.

 

– Tu penses comme moi mon chéri...

– Oui, je me languis de Castel, de son lac et de sa forêt. Le temps qui voit s'accomplir les actes des vivants de la Terre a posé tant de moments chaleureux dans ma mémoire, depuis que je t'aime, que beaucoup de ce que je vois ici m'invite à ralentir les rouages de notre destin qui va trop vite: il me semble fuir jusqu'à nos plus merveilleux instants.

– Alors mon amour, oublions demain au profit de ce soir de trêve, et nous ralentirons l’instant par la douce ivresse contenue dans la coupe de ce vin sublime que nous sert Charles-Henry.

– Je suis un homme heureux, leur avoua l'ex-majordome: voici que je reçois beaucoup de ceux que j'aime, et cela me fait belle chaleur dans le cœur.

 

Cette répartie fit tellement plaisir à entendre, que d'un seul élan, Habygâ et Néphysthéo se levèrent en offrant l'un à l'autre sa coupe, et chacun se mit à faire de même.

L’on put voir aussi le groupe volontairement restreint de Pillywiggins ayant pris pour la circonstance l'apparence de petits hommes et de femmes mignonnettes, brandir tout de même plus de cents coupes improvisées par des calices floraux qu'ils portèrent au plus haut de leur stature maximum. Cela offrant à nos cinq héros de penser qu'ils se trouvaient d'être ainsi dans le centre d'un grand parterre, car joyeusement encerclés par un tumulte d'amour et de fête, dont la mouvante décoration multicolore valait bien l'ardeur qui se serait obtenue d'un spectacle pyrotechnique.

 

*

 

      Après que chacune et chacun se furent restaurés et désaltérés à souhait, la délégation des petits êtres avait pris congé de Charles-Henry. Ils s'étaient égaillés un peu partout dans le parc-domaine. C’était du reste l’endroit où vivait le plus souvent Japiary. Tandis qu'étant tout de même faits pour évoluer dans un contexte à l'échelle humaine, les autres invités avaient évidemment préféré rester entre les murs accueillants et protecteurs du Castel. Comme le feraient des anges chérubins se reposant un peu sur le moelleux des nuages, ils purent s'installer très confortablement assis dans les grands canapés blancs du petit salon. C'est là que l'on pouvait les voir occupés à siroter délicieusement une macération de nectars, tout en parlant de leurs actions qui étaient à venir.

 

– Dès demain, commença Charles-Henry, je vous conduirai là où il faut… Ainsi vous découvrirez un sanctuaire, qui du reste, n'est pas loin d'ici. Nous emporterons quelques-unes des roches sacrées que Junyather – lorsqu'il sut du Très-Haut la présence d'un site sur Yäga – me fit envoyer par le vortex en me précisant leur préciosité. M’assurant aussi qu'il conviendrait de ne les utiliser que lorsque sera venue une déesse grande prêtresse à la bonde chevelure. Il s'agit à n'en pas douter de vous: Dame Habygâ . Aussi, je vous présenterai en cette occasion quelques êtres d'ici qui d’humains comme moi sont devenus des éternels. Ceux-là ayant choisi de vivre leur éden en servant le culte de La Lumière des Justes, seront certainement ravis de reprendre du service.

– Cher grand ami de mon père, lui répondit Habygâ visiblement émue: je bénis la bonne providence qui vous a guidé jusqu'à notre lignée. D'autant que vous nous êtes encore d'une grande assistance! Si nous réussissons dans notre mission, c'est aussi à vous que nous le devrons.

– Assurément! Renchérissait Morganie. Mais il vaut par cela de ne pas perdre trop de temps! Votre proposition de nous rendre auprès de ces gens dont l'existence fut bien gardée, est pleine de sagesse. Ainsi, et grâce à cela, nous serons demain certainement bien secondés. Alors, une fois renseignés sur l'éventualité d'une prochaine bonne position des astres, nous procéderons au plus tôt de ce jour-là. Ceci afin de bénéficier de la juste réalisation qui s'obtient par conjoncture céleste offrant que l'alchimie sacrée soit menée comme il faut.

– De cela Madame ma marraine, la renseignait aussitôt Charles-Henry: vous pouvez vous en reposer l'esprit pour cette nuit qui s'avance, car sur Yäga, tous les jours sont porteurs de bonne convergence. Du moment que l'astre de lumière est à son zénith: tout devient possible.

– Et bien, émit à son tour Néphysthéo complètement bluffé: je me demande qui de nous ici présent peut se vanter d'être pourvu du meilleur de la connaissance...

– Alors là Monseigneur, vous apprendrez peut-être encore ainsi que sur Yäga, pour les habitants comme pour les visiteurs, quelle que soit la tâche sociale ou le rang, il se trouve que nous sommes tous considérables pour représenter des êtres libres et égaux en tout, et que c'est peut-être de cela que nul éloge ne nous fait le moindre besoin pour y vivre heureux à jamais.

– Ça mon chéri, tu l'as bien cherché, dit Habygâ à son dieu de mari…

Et puis elle afficha sur son beau visage, la prodigalité sucrée d'un sourire si apaisant qu'il n'avait probablement rien à envier de celui d'un ange chérubin.

– Je l'admets... Mais je songe aussi qu'il faudra du temps sur la Terre, pour que les humains mortels apprennent à vivre en harmonie de la sorte!

– Qui peut présumer Monsieur, que cela ne se fera?

– Mon bon Charles-Henry, ta sagesse n'a d'égale que ton intuition, ajouta sommairement Habygâ dont l'esprit funambule s'avançait déjà sur le fil tenu où voyagent trop souvent d’autres pensées dont la réalisation reste sujette au maintien précieux d'un équilibre trop précaire...

– Ma tendre déesse aux cheveux précieux aurait-elle rêvé assez longtemps entre promissions et prémonition, pour avoir eu connaissance d'un peu de l'avenir que voudrait notre créateur?

– Tu sais comme moi mon chéri, que même écrit de longtemps, il peut il y avoir changement par intervention de l'aléa.

– J'ai épousé une adorable énigme!

– Toutes les femmes, tu le sais, qu'elles soient simplement de modestes humaines, ou déesse de très haute lignée, restent forcément liées de manière naturelle par la féminité hormonale. Tandis que l'homme ne se départira guère de sa virilité, que s'il est suffisamment amoureux de sa propre compagne.

– Alors ma chérie, crois-tu que je sois de ces derniers?

– Oui !

 

¤

 

      Charles-Henry l'avait clairement exprimé: le sanctuaire se trouvait un peu plus près du manoir que celui de la grande Forêt ardennaise ne se situe par apport au Castel-Anatha. De fait, Il avait suffi d'à peine vingt mesures de temps Yägatien pour y parvenir.

De moindres dimensions, le site était en revanche plus joli, voir plus sophistiqué que celui de la forêt d'Ardenne. Ceci se révélant, entre autres, par la beauté du marbre rose qui remplaçait avantageusement la pierre rugueuse des gradins, telle que généralement utilisée sur Gaïa. Parfaitement lustré, l’essentiel de la colonne était entièrement constitué de latérite rouge superbement veinée de blanc. Et si les runes qui se voyaient gravées à hauteur d'homme, avaient été soigneusement rehaussées d'or, c'était à l’évidence bien plus pour la fiabilité et la beauté de ce métal inoxydable abondant ici, que pour ce qu'en pensaient les gens cupides et avares de la Terre. Il faut dire que sur Yäga, la véritable valeur qui s'échangeait volontiers en mieux permanent, c'était celle des retrouvailles entre amours anciennes. Sans plus rien de tabou. Ainsi que d’autres amitiés qui avaient été réputées sincères. Cela perdurant la bonne entente qui s'établissait entre des êtres chers quand leurs âmes s'y retrouvaient.

La petite communauté d'adeptes issus de celle terrienne, disposait pour leur habitat des mêmes jolies maisons de bois que celle où logeaient Habygâ et Néphysthéo. À cette différence près qu'elles avaient été construites, pour l'essentiel, autour du sanctuaire. Cela se concevant par l'apparence d'un vaste cercle délimité par de très grands arbres d'âge et d'aspect noblement séculaires, dans lesquels elles s'intégraient harmonieusement.

Dès que s’aperçut de loin l'arrivée imminente du petit groupe, lequel était toujours accompagné des Dryades Pillywiggins: les premiers en informèrent aussitôt d'autres, et cela fit que très vite, chacun accourait joyeux et de partout!

 

– Pensez donc ! Disaient-ils à l'intention de leurs voisins: voici qu'il nous arrive deux grandes prêtresses, et qui plus est, ce sont des déesses!

– Elles sont accompagnées d'une fée régisseuse qui vient de l'autre bout du continent! Ajoutaient les seconds… Il y a même un Ange-dieu de lumière!...

– Et nous alors ?... S’indigna, mais fort gentiment tout de même Japiary!

 

Puis il prit sa plus grande taille naine à visage humain. Tandis que beaucoup d'autres des cinq-cents l’accompagnant faisaient comme lui. Agissant devant les regards interloqués de leurs hôtes futurs, qui bien que connaissant leur existence, ne s'attendaient aucunement à rencontrer en une seule fois autant de ces représentants du Petit Monde, habitant d'ordinaire assez loin d’eux, au cœur même de la forêt.

 

– Nous pensons comme vous, les informa le prince des Dryades, qui par son ouïe surdéveloppée, les avait entendus de très loin et leur avait à la fois oralement et mentalement répondu… Et vous serez bientôt renseignés sur la raison de notre accompagnement des trois de la déité, ainsi que des deux autres d’ici, qui sont comme vous, devenus des éternels au service du Très-Haut.

– En effet, confirmait Habygâ, qui s'amusait à l'entendre s'égosiller comme un coquelet. Cela venant évidemment du fait que la taille tout de même restreinte du lutin limitait sa capacité pulmonaire… Et puis j'aimerais parler en premier à Jean-Marcel...

– Ainsi Madame, vous avez souvenance de mon humble personne, répondit l'être qui s'avança timidement de quelques pas qu'il fit en direction la déesse blonde.

– Je sais même que tu n'es pas ici le seul des anciens de ma garde qui sont tombés au champ d'honneur, pour me défendre.

– Certainement Madame, nous sommes en effet quelques-uns qui avons obtenu récompense éternelle par le Grand Junyather. Il a fait cela en remerciement d'actes passés qu'il a jugés braves, voyant que nous perdions la vie à vos côtés. Nous étions alors formés au service de Dame Morganie, et aussi de votre père, le Grand Ange-dieu Gabryel, Haut Régisseur sur la planète Terre.

– Ce qui a été décidé au nom du Très-Haut de lumière, fut à la fois juste et considérable de bonnes raisons. Nous ne saurions le remettre en cause, approuva Néphysthéo. Et d’ailleurs il se fait que nous avons encore besoin de volontaires courageux. Cela pour nous appuyer dans l'accomplissement d'une autre tâche qu'il nous a confiée ici, et dont l'action a pour but de chasser une entité malsaine. Ceci, afin que soient à nouveau assurés la sérénité et la sécurité pour tous les récompensés de Yäga. Mais auparavant, je propose que nous entendions ces raisons précisées par la voix sacrée de mon épouse: la Grande Déesse Habygâ.

 

Après leur avoir expliqué en détail le pourquoi de leur venue, Habygâ demanda qui serait d'accord pour la servir à nouveau. Précisant que d'une part, ce serait en créant une section armée qui serait sous le commandement de Morganie. Et que d'autre part, il convenait de former des officiants pour permettre la réalisation du cérémonial, tant spirituel que technique qu'est l'acte alchimique d'Athséria.

Il s'ensuivit qu'une bonne trentaine d'ex-Athsérians se rangèrent du côté de la déesse guerrière. Cela étant jugé suffisant pour le moment, Habygâ les invita pour une première concertation. Il convenait d'élire des prêtres instructeurs, et aussi des opérateurs parmi les volontaires. Après quoi, il fut procédé au recrutement des membres serveurs qui à leur tour proposèrent des assistants. Et puis Habygâ invita les autres afin d'occuper en temps voulu les gradins du sanctuaire afin d’y recevoir la bénédiction. Ce par quoi il s'ensuivit un tel mouvement d'enthousiasme et de solidarité fraternelle que probablement convaincus après coup de la nécessité qu'il fallait s’attendre aussi à grossir le rang de futurs combattants, d’autres encore se présentèrent. Lesquels reçurent chacun un brassard provisoire. Sachant qu'il serait changé plus tard, selon l'arme, et le choix des chefs d'arme.

Quand fut remis le dernier brassard, et avant de prendre sa place entre la colonne et les gradins, Morganie proposa à son peloton de rejoindre cette fois Habygâ. Elle souhaitait les voir s'installer en garde d'honneur, au bas du promontoire sur lequel elle allait officier: placée face à la colonne et aux gradins. Alors ils s'exécutèrent. Ravis de pouvoir reprendre du service en cela. Avec pour les diriger non pas une, mais deux grandes Prêtresses. Qui plus est, ils n’ignoraient pas qu’elles étaient dévolues par le Très-Haut. Sachant bien que cela les positionnait en adéquation méritoire. Ils se savaient donc à présent volontaires pour assurer l’accomplissement d'actes futurs qui, ils n'en doutaient point: seraient certainement décisifs. Ceux-là il est vrai, consisteraient à aider les dieux pour mener avec eux, un très sacralisant ordre de mission qui leur était venu de très haut.

Ainsi chacun pouvait penser qu'il se trouvait à n'en pas douter, dans le pays même qui serait bientôt garant pour glorifier la Lumière des dieux justes et bons par tout l'univers. Ils le ressentaient sans avoir à expliquer cette conviction, sinon que de cela admis, la cérémonie qui allait avoir lieu avec eux qui s’en trouveraient bénis par leurs frères sur le site, devrait être hautement réussie, puisque d'importance. Étant donné que de surcroît, l'astre de feu accéderait bientôt à son plus beau zénith.

 

 

 

 



11/03/2021
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