le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE VINGT-HUIT

 

28

 

 

 

J’aimerais embrasser son visage d’errance:

Mais l'ingrate à des dons de fugace apparence…

Quand s’enfuit au matin une image fugace:

Sa rencontre de nuit me chamboule et m’agace.

La peur dépose un voile noir sur nos fronts moites.

Mais l’éveil éconduira tôt la scélérate!…

Les sentiments qui nous rejettent trop souvent,

Sont fautes de nous qu’il nous faut souffrir vraiment;

L'émergence du début vaut-elle demain?

Quand la fin qui s'ensuit n'a plus rien de l'humain…

Si tout reste froid: que voulez- vous que l’on cueille!

L’esprit du linceul s'égare s'il perd son deuil.

Comment vivre effectif sans songe collectif;

Sans temps paradoxal c’est mensonge fictif…

On accepte pour échec l’aléa de vie:

Se disant à quoi bon puisque tout se périt…

Alors que ça reste l’affaire à découvrir:

En nous : verrions-nous le lot sans rien concourir?

S’il en est qui font acte d’amour à nos yeux,

D’autres sont vulnérables autant qu'à nos dieux.

Notre ciel étoilé est voûté pour la vie :

Quel que soit le chemin, avançons dans la nuit…

Notre bonheur est mythe en nos raisons mystiques?

Sa doctrine est idée oraison qu’elle explique…

L’acte souscrit suspicieux persiste en signe

Dévoyé qui voile ou viole entre mes lignes.

Tandis qu'enrubanné gît mon roman gris-noir,

Son marque-page floue l'air qui ment au grimoire…

N'effaçant pour autant ce repère alangui :

Mes mots ennemis s'embrasseront sous le gui!

Ils feront ruban signet d’amour entre sages,

Au livre des dieux pages et entre deux âges…

Que l'humain initié mentira encore…

Pour conjurer l'image d'un Coquin de sort!

 

 

      Par le biais des Runes qui ont été gravées sur la colonne sacrée du sanctuaire d'Athséria, il est visible que tout paradoxe, s’il est mal maîtrisé, influe sur la balance universelle et que, autant que lumière et noirceur peuvent s’admettre pour antagonisme utile, l’amour et la haine, comme la vie et la mort, sont de ces choses qui se révèlent pareillement incontournables, puisque faisant partie d’une même logique humaine. Et s’il y a eu un commencement incluant ladite humanité, il peut aussi y être mis fin par son recommencement... La création se poursuivant alors en alternance de ce qui se fait et se défait...

À moins que par l’alliance des extrêmes, l’évolution n’aboutisse à une logique sans faille s’installant harmonieusement autour d’un centre parfait...

Quant au magnétisme mnésique, s’il est électriquement relié aux forces gravitationnelles qui régissent l'univers en son entier, on peut imaginer que c’est une puissance mystérieuse qui le sert et nous avec. De là à penser que cela permettrait aussi l'interconnexion des hommes et des dieux par le biais des cultes qu'ils ont ou non choisi... Et que si l'idée se révèle vraiment constructive de ce qu'attendent les dites entités, ce pourrait être pour nous: humains, la preuve que pareillement à ce qui se présume dans l'univers, il existe plusieurs dimensions y répondant différemment. Puisque s'adressant certes autrement, mais finalement, au même esprit créateur et donc au nôtre par le biais de cette interconnexion triangulée…

 

Ceci pour expliquer que le fait de parvenir au Nirvana d'Athséria (sans absorber le moindre substitut chimique!) implique de savoir user au mieux de cette connectivité innée... et encore faut-il pour cela obtenir un ensemble suffisant de conditions naturelles favorables. Pourtant, il émanait un tel magnétisme d’Habygâ que ce qui était rareté avant elle devenait coutumier à chaque fois qu’elle officiait.

Tout en elle était rayonnement à la fois émetteur et récepteur! La force connective qu’elle obtenait de l’acte était de plus en plus grande. Cela aboutissant à lui permettre des voyages virtuels qui l’entraînaient bien au-delà même de notre système solaire. D'ailleurs, il s'avérait presque toujours, dans ces moments de très grande communion, que tous ceux qui l’entouraient ne pouvaient plus être atteints de longtemps par rien de mauvais. Et que c’était la preuve que l’alchimie d'Athséria était chose pleinement réussie, autant matériellement que spirituellement.

 

      C’est ainsi que ce soir-là, dans la grand-salle du manoir, Habygâ venait de résumer à sa façon la synthèse de l’acte d'Athséria devant le petit comité familial qui, une fois le repas terminé, continuait de s'entretenir, confortablement installé non loin de l'ardente cheminée qui diffusait sa douce chaleur rassurante, en même temps que le spectacle attachant d'une lumière dansante… Mais c'est alors que sa mère, la douce Athénéïse se souvint d’Excaliatura. Elle l'avait rangée dans un coffre précieux qu'elle avait soigneusement verrouillé. Et puisqu'elle en avait confié la clé à Henry, elle manda le majordome, afin qu’il apportât directement l'étrange objet à Gabryel. Lequel s'exclama aussitôt qu'il l'eut sous les yeux:

 

– Ça alors!... Je connais bien cette arme! Et pour cause, puisque c’est mon père qui a demandé qu'elle soit forgée pour moi par le dieu Vulcain... Hélas, je ne suis qu’un piètre guerrier et je serais bien en peine de la rendre glorieuse! D'ailleurs, c'est pour la soustraire à tous les risques et autres regards de convoitise sacrilège que je l'avais cachée, bien enfouie sous la vase, à l’endroit le plus profond du lac, dans une cavité secrète… et faite garder de surcroît en permanence par une Ondine. Ceci fut décidé avec mon père, afin d'éviter que cette arme aux pouvoirs célestes ne tombât jamais par quelque malheureuse éventualité entre des mains ennemies.

 

Tout en parlant, Gabryel s'était levé, permettant ainsi à son majordome de déposer l'arme céleste sur ses deux mains ouvertes en coussin, puis, dignement, il l'offrit solennellement au dieu guerrier:

 

– Tenez Erzeré: prenez ceci, et faites-en bon usage.

– Je vous promets monsieur d'en être digne, répondit le dieu guerrier avec émotion...

– À présent ma Dame, si toutefois vous le souhaitez, peut-être nous direz-vous comment il s'est fait qu'elle soit parvenue jusqu'à vous? Demanda poliment Gabryel à son épouse.

– Il y a autre chose, s'interposa Habygâ, comme pour garder sa mère de devoir se lancer dans un de ses récits à la durée aléatoire... Et c'est justement la présence de cette épée qui m’y fait penser... C'est que, voyez-vous aussi, je ne vous ai pas encore parlé de ce qu’il résulte de la fusion alchimique des fragments de roches sacrées après que tout soit terminé de la cérémonie…

– Je crois deviner de quoi tu vas nous parler lui rétorqua Gabryel bienveillant… car je suis informé moi aussi de bien des actes passés et à venir, dont quelques-uns que tu ne sembles pas encore connaître, mais vas, nous t’écoutons.

– Il résulte de l’alchimie d'Athséria, reprenait pourtant Habygâ dont les joues avaient rosi d'une jolie façon (cela donnant s’il en fut utile encore: plus d'éclat à son charmant visage)… il en résulte disais-je, trois éléments dont l’un, c’est indéniable, est un cristal aux propriétés surnaturelles. L’activité de ses atomes le rendant proche de ce que l’on pourrait qualifier de force vitale extra-terrestre. Le second est un métal bizarre ressemblant d’aspect à de l’or, à ceci près que par les runes, il nous est fait recommandation de ne le manipuler qu’avec la plus grande précaution, et surtout sans le toucher directement avec les doigts. Et puis il y a aussi ce liquide étrange dont la puissante vertu serait de faire disparaître toute chose, vivante ou non qui en serait aspergée.

– Ce liquide ma fille, (avait alors enchaîné Gabryel) est un soluté dont les constituants émanent du corps, mais aussi de l'âme défunte des étoiles rouges… l’alchimie d’Athséria en fait un produit concentré qui peut se combiner à des puissances psychiques très spéciales… Une légende les prétendant issues des âmes déçues d'anges sidéraux qui se seraient transcendés, mais en mal, et qui pour un temps indéterminé, font corps amoureux avec celui des étoiles filantes afin de s'en griser… cela donnant naissance à des embryons d'anges gris dont le tempérament oscille entre le choix décisionnel de rejoindre la lumière, ou bien de gagner définitivement la pénombre où l'on subodore la présence de dieux obscurs tels que L'Hombre…

– Il se prétend, de source romantique, que percevant des vœux humains, ladite compagne improvisée les transmettraient à leurs amants... bien que cette particularité atmosphérique qui les a faites enflammer serait trop brève pour permettre à ces anges de les réaliser, et que c'est par ce nouveau dépit qu'ils basculent vers l'autre force, précise encore Athénéïse...

– Ma mère, tu as à raison acquiesça Habygâ conciliante…

– Cela dit, reprenait son père: la force qui s’obtient par le ciel est réelle. Ainsi, pour en revenir à ce liquide, la virulence de son action, se montre certes très supérieure à une information poètique légendaire! Alors prends bien garde à ce produit ma fille: d'autres prêtresses d'avant toi qui l'ont nommé Naar l’avaient rejeté en raison de sa dangerosité. Je te conseille de le manipuler avec la plus grande prudence, car moi-même, si je m’en trouvais aspergé, je disparaîtrais: à jamais détruit...

Le métal est le Crôol jaune. Il n’est dangereux, si je puis dire, que s'il est façonné en vue de lutter contre des êtres mutants issus de croisements hasardeux avec l’homme, et dont la plupart naissent des entrailles de la terre. Il te permettra de les combattre efficacement. D’autant que certaines de ces transformations devenues chimères par division sont probablement à l'origine du corps matériel de L'Hombre. Si cela ne peut anéantir un Ange dieu, même réputé ordinaire, l'arme qui serait fabriquée à partir de ce métal peut tout de même le blesser sérieusement. Je précise à cette occasion, qu’il faut penser aux guerriers de l'ange déchu que vous aurez aussi à combattre, et à toute l'engeance de ce qui est de lui, donc aussi maléfique, sachant qu'ils ne redoutent en rien, comme nous, les armes les plus sophistiquées et les plus modernes inventées par les hommes dans le but de s'autodétruire par soldats interposés de toutes les races inhumaines… que ces monstres, disais-je, et à plus forte raison toutes leurs créatures inférieures, ont en revanche à craindre, et cette fois mortellement toute atteinte par le Crôol!

Quant au cristal vivant que tu as cité en premier, je le connais depuis longtemps!... Et pour cause: de quoi crois-tu ma fille que soit faite la sphère ?...

– Eh bien... acquiesça Erzeré: puisqu’un difficile combat nous attend, nous ferions bien d’étudier ces armes qui me paraissent avantageuses, afin d’en obtenir le meilleur usage possible.

– Je suis tout à fait d’accord renchérit Morganie, qui pour avoir autrefois expérimenté le cristal avec ses bijoux lunaires, avait déjà quelque idée de ce qu’il convenait d’en faire.

 

*

 

      Dès le lendemain, pour répondre à la demande le déesse Habygâ, Erzeré avait dû se lever aux aurores. Elle souhaitait l’emmener au cœur de la forêt, afin de lui montrer le site où elle officiait depuis que Morganie l'en avait instruite. Mais ce qui importait vraiment au dieu-guerrier, c'était de se trouver en galante compagnie avec la blonde déesse qu'il était chargé de protéger... Depuis le premier instant où il l’avait vue, le jeune Erzeré avait été subjugué par sa beauté. Aussi montrait-il malgré lui bien plus que de l’empressement à l’idée de se retrouver isolé avec elle. C’est donc avec une certaine fébrilité qu’il détachait maladroitement la barque et que, lorsqu’il y monta à son tour, la déesse Habygâ déjà installée sur le banc le regardait faire d’un air amusé: autant l'Ange dieu-guerrier se sentait là moins à l'aise que dans une mer d'éther, plus il se montrait malhabile sur l'eau de la Terre! Il faillit même de peu faire chavirer le frêle esquif.

 

– Eh bien, ironisa-t-elle, chercheriez-vous à nous noyer ?

– Madame, je vous fais mes excuses, mais c’est… Que…

– Oui ?

– Rien madame, pardonnez-moi!

 

Habygâ avait esquissé un sourire. Il lui était facile de lire l'émoi du jeune guerrier qui se voyait trop bien dans le brillant regard de ses yeux verts. Elle l’invita néanmoins à s’asseoir près d'elle, tandis que déjà, la barque mue comme à l'habitude par le monde invisible du lac se mit à dériver seule vers l’autre rive.

 

¤

 

      Cependant que dans le Monde d’en Bas, Lucien avait cheminé de corridors naturels en passages souterrains. Lesquels, au cours d'un passé multi millénaire, avaient été creusés par des démons-taupes et même quelques humains… Le poète avait donc fini par rejoindre l'Ange dieu Néphysthéo qui l'attendait. Ils avaient aussitôt pénétré une grande cavité naturelle aux parois suintantes d'eau. Il y avait çà et là de grandes racines. Elles semblaient dégouliner directement de la voûte faite de schiste rose cimenté de glaise brune. Sortant du sol tel de fins menhirs, de très étranges pierres couvertes de concrétions mouillées représentaient autant de pièges susceptibles d’entraver le pas traînant de Lucien. Impressionnantes par leur taille, d'autres avaient été modelées si bizarrement par la nature et le hasard, qu'elles pouvaient faire penser à des statues de guerriers fort inquiétants. Le poète s'attendait du reste à les voir bouger à un moment ou un autre. Et puis, approchant du centre de l'immense caverne, il pu voir, creusée dans le sol de granit, qu’il y avait là ce qui ressemblait à un vaste trou rempli d'eau...

 

Ça me parait être un puits qui probablement fut utile à des primates troglodytes, pensa Lucien.

 

– C’est cela, reconnut son compagnon de voyage…

– Ah oui, j’avais oublié que vous prenez un malin plaisir à violer mon esprit, lui répondit Lucien avec une hargne qui l'étonna lui-même!

– Quelle arrogance cher ami! Je constate que tu progresses vite, mais aurais tu déjà oublié dans ta haine, misérable mortel, que le sort de ta vie dépend désormais de ce que je vais en faire ?

– Ma vie peut-être, mais ma mort certainement plus!

– Comment peux-tu croire cela?

– Ne vois-tu pas démon, que je suis déjà défunt, puisque je descends aux enfers!

– Sot que tu es, ton ignorance fait peine à entendre! Car s’il règne bien, dessous la Croûte Terrestre, des forces maléfiques et des êtres hideux pour les servir: tu seras bien surpris de constater qu’il y a mille façons de les voir! Et puis n'as-tu donc pas remarqué le changement de température?

– C'est vrai, concéda d'emblée Lucien: autant qu'avant de te retrouver l'air était devenu soufré, quasiment irrespirable, et la chaleur vraiment insupportable… que maintenant j'ai l'impression agréable d'avoir enfin quitté la gueule brûlante d'un dragon qui m'aurait alors avalé… et de me trouver carrément à l'intérieur de son estomac, à l’aise… comme dans une oasis pestilentielle.

– Allons mon cher poète de quatre sous, je constate que tu n'as rien perdu de ta verve. Il me semble pourtant que tu ignores presque tout du monde invisible. Qu'il en soit de l’être différent de toi qui vit sur la terre comme en dessous!

 

¤

 

      Au même moment, et se déplaçant presque au-dessus d'eux, Erzeré et Habygâ avaient quitté depuis longtemps la rive du lac et pénétré la forêt. Ils marchaient à présent en silence. Comme religieusement.

La Dame de la Forêt avait souhaité une présentation discrète de son nouveau compagnon aux petits habitants invisibles. Ceux-là les suivaient déjà dans les fougères, mais elle seule pour le moment savait les entrapercevoir. Elle échangeait de temps en temps avec eux de malicieux clins d'œil complices. Pourtant, ses amis disparurent brusquement… en même temps qu’une sorte de froissement sinistre se propageait par dessus la cime des grands arbres...

La blonde déesse s’était vêtue de vert pour la circonstance. Étant aussi une Fée-Reine, reconnue par toute la faune et la flore forestière La situation était propice à créer des unions indissociables. L’une s'accordant spontanément avec l'autre et réciproquement. Cela se révélant ainsi mutuellement utile au maintien secret de leur équilibre naturel et charnel. D'ailleurs, si Habygâ savait depuis longtemps converser avec le Petit-Peuple de la Nature, alors que peu d'humains savent seulement le percevoir, elle entendait clairement aussi la forêt et tout ce qu'elle a de vivant lui parler. Mais c'en était parfois si confus par le fait du grand nombre de voix qu'elle était obligée d'en abstraire mentalement certaines. C'est ce qu'elle avait fait massivement, depuis que le petit peuple s'était soudain éparpillé. Ne laissant la parole à personne d'autre que son Ange dieu protecteur. D'ailleurs, ce qu’elle avait perçu avant eux l’inquiétait beaucoup. Elle pressentait aussi que la présence au-delà des cimes leur était étrangère. Qu'elle n’était pas une chose habituelle à la forêt! Que cette situation était incongrue, probablement dangereuse...

 

Ce ne peut être le vent jouant très haut dans la ramure qui se présume à l’origine de cela, pensa Habygâ.

 

Erzeré lui aussi avait perçu des ondes: celles notamment qui sont émises par la haine. Il avait même dégainé Excaliatura, car il avait vu qu'une ombre sournoise, précédée d'une autre bien plus petite, avait occulté la lumière du soleil l'espace d'un instant fugitif... Et puis tout lui parut de nouveau normal.

 

– l’Hombre murmura-t-il. Je suis sûr que c’était lui! Je l'ai en tout cas ressenti vivement. Il y a en lui beaucoup trop de matière négative pour ne pas figurer, par déséquilibre, ce qui est commun aux êtres maléfiques. Il sait probablement que nous sommes ici. Pourtant, j'ignore pourquoi il ne nous a pas attaqués…

– La Forêt ne lui est pas hospitalière, il n'ignore certainement pas qu'elle est mon alliée. Mais nous devons plus que jamais redoubler de vigilance, et surtout nous procurer d’autres armes, au plus vite!

 

Si Habygâ avait renchéri, bien que consciente de sa puissance défensive, c'est qu'elle craignait qu'hélas, l'épée magique, pas plus que le Petit-Peuple, même s'il est loin d'être peureux, ne se révèlent insuffisamment efficaces pour repousser l'attaque un dieu Sombre.

 

– Le Petit-Peuple?... Questionna soudain son « Ange Gardien » qui venait enfin d'intercepter une bribe de la pensée d'Habygâ.

– Oui, et tu peux dire " notre! " Petit-Peuple.

– Je ne vois pas de quoi tu parles... Quoi qu'il en soit, je pense que tu dis vrai, alors hâtons-nous! D'autant qu'à mon avis L’Hombre n'était pas seul à planer là-haut…

 

¤

 

      Cependant qu’au centre de la cavité souterraine, l’eau se mit soudain à bouillonner. Puis elle disparut totalement, d’un seul coup, en faisant un grand shlooorpfff. Il n’y eut bientôt à la place qu’un large puits béant.

Lucien médusé s’approcha du bord...

 

– Attention hurla Néphysthéo: souhaiterais tu donc te faire dévorer par le gardien de ces lieux ?

– Mais enfin! Il n’y a personne d’autre ici que nous, et…

 

Lucien n’avait pas terminé sa phrase, que la tête d’un monstre gris, plus ruisselant qu’une vouivre, jaillissait du trou...

Cela, somme toute, aurait encore pu être acceptable pour le poète incrédule, qui s'amusait même du nombre impressionnant des petites pattes ridicules... Elles lui faisaient penser à celles, inoffensives, des cloportes qu’il avait l’habitude de réveiller parfois en soulevant une pierre, quand il était autrefois à la recherche d’esches pour la pêche à la ligne. Mais ici, la taille du corps qui s’en montrait pourvu, n’avait rien de la même logique. Il s'avéra très vite que c’était en fait celui d'une gigantesque larve termite. Et qu'à force sortie, elle montrait tout de même à présent une taille comparable à celle d'un immeuble de quatre étages! Et puis il y avait ces menaçantes buccales inférieures, qui s’agitaient dangereusement au bas de sa tête de façon hystérique!

 

– Holà, tout doux! commenta Néphysthéo.

 

Il avait parlé tout en transmettant un message télépathique à l’animal. Lequel se laissa aussitôt glisser, comme aspiré par le bas. laissant apparaître du même coup un étroit escalier à vis, taillé comme incrusté, à même la roche constituante de la paroi encore mouillée.

 

– Viens et suis-moi, lui enjoignit le fils de L'Hombre: mais prends garde où tu mets les pieds, car alors, en cas de faux-pas, la dégringolade te serait certainement fatale.

 

¤

 

      Marchant là-haut à présent d'un bon pas, Habygâ avait choisi de conduire Erzeré par un autre chemin que le tunnel de la feuillée mystique, habituellement géré par la lune, et donc réputé impraticable de jour.

Le « chemin des Fées » était bien plus long. Et de plus, il était volontairement truffé d'embûches qu'il fallait connaître pour pouvoir les éviter, mais il menait finalement lui aussi jusqu’à la clairière mythique...

Une fois passée la porte de la Lumière des Justes, que seul un petit nombre d'initiés était autorisé à voir et franchir, afin d'entrer pour de bon dans l'autre monde, ils étaient parvenus à la maisonnette où les attendait Morganie.

Erzeré s'amusait de les voir toutes deux se donnant l’accolade, il se demanda même laquelle, de la blonde ou de la brune, présentait l'image la plus jeune, tant la première avait déjà atteint une séduisante beauté, tandis que l’autre semblait avoir arrêté un temps associé qui la montrait à la fois étonnamment juvénile et mature. Cela se confirmant avec le teint lumineux d’un visage dépourvu de la moindre ride.

 

– J’espère que l’Hombre ne vous a pas suivis, dit la brune.

– Comment sais-tu qu'il était là? S’empourpra la blonde.

– Tu n’ignores pas que je peux progresser dans les airs.

– En effet, mais je sais aussi que tu n’es pas de taille à affronter seule un tel adversaire.

– C’est vrai! Mais je dispose de la vitesse qu'il faut pour le narguer sans trop de risques. De ce fait, j'ai pu détourner son attention durant un temps qui vous fut suffisant pour emprunter le chemin des Fées sans qu’il n'en repère le moindre détail qui pourrait le mener jusqu’à moi par le sol. Seule solution pour lui de m'attaquer ici, puisque l’écran de Lumière qui éblouit par, et vers le Ciel, l’empêche de trouver la clairière. Et puis, pour m'atteindre, il lui faudrait non seulement connaître l'endroit, mais aussi être admissible parmi les élus, et donc devenir bon! Et à moins d'user d'une puissante faculté que nous ignorerions, il lui incomberait aussi de s’approprier mon âme avant de pouvoir utiliser la clé virtuelle qui ouvre la porte de la Lumière des Justes seulement à eux-mêmes...

– Dame Morganie, je souhaiterais, lui dit Erzeré, que nous allions de suite au sanctuaire. Ceci afin de nous munir de ce qu'il faut d’utile pour commencer à fourbir nos armes sacrées.

– À propos, j’ai réfléchi à cela, et je nous vois fort bien contenir le Naar liquide dans de fines ampoules. Nous pourrions les obtenir à partir du cristal bien particulier qui s’obtient aussi de la coulée... d’autant qu’une amie bonne sorcière m'a appris à le souffler très fin. Ainsi, bien que manipulables sans trop de risques, puisque souples pour nous, cela resterait tout de même des sortes de grenades défensives assez efficaces, car suffisamment fragiles pour s'éclater au contact d’êtres négatifs, dès l'or qu'on les lâcherait en les dirigeant vers eux... J'ai pensé pour ce faire d'utiliser les mêmes bulles que celles que je fabriquais autrefois pour garder dans mes urnes d’argent, les minuscules croissants de lune emprisonnés qui me venaient de ma mère.

– Certes cela mérite d'être tenté reconnut Habygâ, mais en revanche, je ne vois pas en quoi pourrait nous servir le métal de la coulée, puisque selon mon père et à le lire par les runes, le simple fait de le toucher est déjà dangereux pour nous.

– Il m’est venu une idée, intervint Erzeré: lorsque Gabryel nous a dit de quoi il s'agissait, J'ai pensé que si nous en faisions des pointes de flèches, cela ferait une arme à la fois silencieuse et efficace.

– Riche idée! Lui répondit alors Habygâ, mon père m’a enseigné le tir à l’arbalète, et je dois avouer que je suis devenue, comme lui, plutôt habile dans son maniement, et même peut-être mieux.

– Et moi renchérit Morganie, j’ai secrètement participé à l’école des guerriers adeptes d’Ardvina... Alors, je sais me servir assez bien d’un arc. D'autre part, il me semble qu'une dague dont la lame rétractable pourrait être forgée dans du Crôol me serait utile elle aussi...

– À la bonne heure, se réjouit l'Ange dieu Chevalier d'Armes, me voici maintenant flanqué de deux guerrières redoutables!

– Dès à présent, reprit aussitôt Morganie qui n’était pas dupe dans le fait que le compliment s’adressait davantage à sa filleule qu’à elle-même: je vais faire en sorte de réunir les alchimistes afin de tout préparer avec eux. Habygâ, tu connais autant que moi le chemin qui mène jusqu’au sanctuaire, puisque c'est toi qui maintenant officies. Et puis je te sais en bonne compagnie. Alors, va avec Erzeré. Profitez de ces instants qui peut-être ne se renouvelleront pas. Et que la douce paix qui règne dans vos cœurs soit éternelle…

 

Nul ne sut jamais comment la journée se termina pour ces deux-là! Mais il sembla à beaucoup que depuis ce temps, rien d’autre que la mort n’aurait su séparer l’attachement puissant qui visiblement les unissait tendrement.

 

 

 

 

 



01/05/2020
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