le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE TRENTE-ET-UN

 

31

 

Il arrive que le sentiment d’amour ne doive pas forcément transparaître, et ce, d’autant que la situation des êtres qui l’éprouvent ont une mission divine à accomplir…

*

Lorsqu’en pensée gravitent des mots soleil:

La Voie lactée les lie aux cieux en éveil…

À vos yeux un baiser se donne à désir:

C’est déraison qui frôle un tendre délire…

S'il se côtoie des dangers qui ne s'oublient:

S’allument des lustres aux nuits réjouies;

Allez à tâtons en forêt enchantée!

Comme Fées et Fès, allez par ses sentiers.

Aimez la nuit dans vos rêves d'insomnie,

Nous serons sarabande d'elfes... Ô la vie!

Des êtres vous accrochent-cœur en futée?

À chaque nuit l’espérance est quenouillée...

Heureux ceux qui filent en un lieu de tendresse!

Il s'y berce en secret un amour qui se tresse,

Enfanté des joncs des lacs en des berceaux,

Qu’ils confient comme Moïse à d'autres eaux...

 

 

      Erzeré percevait à présent l'annonce de plusieurs dangers. Et cela se rapprochait... l'erreur que représentait son isolement téméraire allait-elle se concrétiser?

Son instinct lui dictait la prudence… La vérité est qu'il regrettait déjà de s’être avancé seul et si loin quand il constata soudainement que six points rouges évoluaient à présent par paire autour de lui...

Il avait toujours pensé, et Maars le lui avait d'ailleurs enseigné, que dans certains cas, la meilleure défense qui se révélait véritablement efficace était d'attaquer le premier: ce qu'il fit donc, en opérant un bond de sécurisation si fulgurant et précis qu’il se trouva juste derrière un premier adversaire qu'il décapita d’un seul coup d’épée. Alors, il y eut un jaillissement de flammes, sortant d’un corps énorme, tandis que la tête tranchée disparaissait, comme évaporée... Et puis les restes de l'être aux yeux de feu ne constituèrent bientôt qu’un peu de cendre... salissant la mousse...

 

…Des démons! se dit Erzeré. Ce ne sont que de vulgaires démons!

 

Et sans attendre, il enchaîna d’autres bonds aussi rapides: se débarrassant sans peine des deux autres paires d’yeux rouges dont les corps achevèrent de s’abstraire dans les fougères, comme de simples feux de Bengale, lorsqu’ils se meurent.

 

– Bravo!

– Qui êtes-vous!... Et d’abord, si vous n’êtes point couard, peut-être vous démasquerez-vous?

 

Alors ce fut à présent une paire de points bleus très phosphorescents qui apparurent. Cela se révélant juste un peu avant que n’apparaisse la silhouette massive d’un autre colosse, celui-là qui semblait indéfinissable ressemblant toutefois davantage à un titan.

L’être avait la taille d'un gorille. Il semblait toutefois capable de se mouvoir avec aisance: obligeant Erzeré à reculer, par prudence. Cela n'avait plus rien à voir en vérité avec ces démons aux allures de mammouth nonchalants que le vaillant dieu guerrier venait de terrasser trop facilement.

 

– Je suis Belzéé, fit la voix rocailleuse du nouveau venu: et tu ne me vaincras pas avec seulement cette épée.

– C’est ce que nous allons voir répondit Erzeré en se ruant sur lui, tout en s'apercevant, mais un peu tard, que l’autre en faisait autant!

 

Surpris, car plus léger, le guerrier encaissa durement le choc prodigieux que cette manœuvre irréfléchie de sa part venait de provoquer. Il eut alors la nette impression que ses os se fracassaient sous l’impact. L'entité qui l'assaillait se révélait comme faite de granit, et aussi solidement enracinée en terre qu'un menhir…

Erzeré en éprouva de la difficulté à se ressaisir, se montrant du coup en position d'infériorité…

 

– Allons, courage petit! Allez! Viens donc te battre pour de vrai!... Au lieu de sautiller comme un merle!

 

…L’humiliation, se dit l'ange dieu guerrier… il se sert du sentiment de colère qui en découle, dans le but sournois de me déstabiliser...

Alors, Erzeré se mit en position de défense. Les jambes écartées, avec ses pieds bien ancrées au sol, et le buste légèrement tourné de côté. Faisant cette fois face à son adversaire, exactement dans la position que lui avait enseignée Maars: le Maître d’armes instructeur de Junyather… le meilleur d’entre les meilleurs. Puis, avec les doigts prêts à crocheter, il tendit sa main gauche en direction de son assaillant, comme pour le saisir virtuellement au larynx, selon la technique dite de la Mante religieuse, tandis que de l'autre il pointait Excaliatura à la manière d’un long poignard, désignant l'archange déchu...

Cependant que Belzéé tirait de dans son dos une épée à deux mains et se ruait à nouveau sur le preux guerrier...

Le choc fut si violent qu’Erzeré craignit qu’Excaliatura ne se brisât en parant l'attaque du monstre. Mais il restait conscient que l’épée de Gabryel avait été forgée par Vulcain, et qu’en conséquence, elle résisterait mieux que toute autre, s’obtenant même, que par une savante parade, suivie d'un contre rapide, elle avait laissé une petite estafilade sur la joue gauche de l’assaillant, de même qu’une belle entaille était apparue dans celle faite d'airain d'un Belzéé, soudain interdit par tant de résistance et de technique! Mais il avait eu cependant le réflexe qu'il faut pour ne pas se faire trancher le cou.

Mettant à profit l'incrédulité non feinte de son adversaire, Erzeré prolongea son enchaînement. Il fit même si bien qu'il parvint à porter un coup qui aurait été mortel pour un démon ordinaire... Mais il ne réussit guère qu’à entamer, plutôt qu’à vraiment pourfendre le corps de son ennemi, dont la plaie se referma presque aussitôt.

 

– Je te l’ai dit, ricana Belzéé: tu ne me vaincras pas avec cette arme-là!

 

Puis il se rua de nouveau, et avec encore plus de puissance, à l’assaut d’un Erzeré qui se résigna cette fois à mettre carrément un genou en terre, afin de mieux supporter le choc…

 

--- Soit, se dit-il, celui-ci est certainement plus qu’un simple démon, c’est un vrai combattant, pareil à un archange, et qui serait aussi résistant qu'un dieu sombre, puisque capable de se régénérer comme nous...

– Tu penses bien le railla Belzéé... car, si je ne fus autrefois qu'un archange guerrier, et même si le Créateur que je servais ma renvoyé… Comme tu le vois, il m'a appris à me battre aussi bien que toi et à lire aussi tes pensées. Ainsi donc je peux prévoir tes coups, même lorsqu'ils ne sont autres que des mouvements réflexes, comme tout à l'heure, et les amortir en tétanisant ma peau.

 

Erzeré l’avait compris, mais s'il savait comment verrouiller son esprit pour qu'aucun assaillant mentaliste ne puisse s'y insinuer, il lui fallait auparavant en référer à Junyather, afin que ce dernier en garde la clé pour la lui rendre après... En cette circonstance, et à ce niveau du combat, le temps manquait pour cela. Alors, se disant qu'après tout son adversaire pouvait s'y méprendre, l'Ange dieu guerrier de lumière prit toutefois le risque d'une longue seconde d'inspiration, afin de s’adresser au ciel en ces

mots:

 

– Ô grand Junyather: voici que je t’offre mon esprit!

– Tu fais bien en effet de recommander ton âme à ton dieu mon garçon, car vois-tu…

 

C’est alors qu’il y eut un très violent éclair, suivi d'un bruit de tonnerre énorme...

Mais rien n'avait changé dans l’esprit d’Erzeré…

 

– Je t’entends toujours, car j’ai intercepté ta demande ricana de nouveau Belzéé triomphant!

 

Et, tout en le toisant cette fois du regard méprisant qui s'adresse à un adversaire que l'on considère comme vaincu d'avance, il se rua sur le vaillant Erzeré qui de nouveau s’apprêtait à parer de son mieux un coup décidément trop puissant pour lui: se demandant même, combien de temps il allait pouvoir résister, s'il ne trouvait une faille dans le jeu cruel de son adversaire démoniaque.

C'est alors que ce qui se produisit les sidéra tous les deux!...

Au lieu du blocage brutal attendu, ce fut la magie qui prévalut... car alors, l'épée Excaliatura était soudain devenue lumière! Et de cela, il résulta que non seulement Erzeré ne perçut aucun choc, mais que ce fut Belzéé qui au contraire, se retrouva projeté en arrière: à plusieurs dizaines de mètres de là!

 

– Décidément, ton arme est pourvue de ressources que j'ignorais, l'accrédita l'archange déchu, tout en se débarrassant des brindilles restées collées à sa peau... mais, si quelque féerie l'enchante, je connais des sortilèges à lui opposer, et ainsi, une fois désarmé, je suis persuadé que ta seule constitution physique ne te sauvera pas...

La réponse lui vint d’ailleurs: immédiate et cinglante...

 

– Belzéé!!!... Fit une voix intense (cela s'entendant dans la nuit qui avait soudain viré au violet métallisé, avant de s’empourprer d’un coup) misérable renégat, pauvre moins que rien … Tu ne penses tout de même pas que je vais te laisser faire éternellement tout ce que tu veux d'ignoble sur ma Terre!

– Qui es-tu?... S’enquit alors l’archange déchu.

– Je suis celui qui t’a autrefois donné des ailes, et qui ensuite les a brisées en même temps que ton arrogance envers moi, fit entendre la voix céleste...

 

Belzéé admit que c’était là l'expression d'un être suprême…

[Apprenant de Junyather que la progéniture de l’illustre serviteur était en danger probable sur la terre, celui qui créa l'univers s'était aussitôt intégré aux nues de Gaïa. Ceci afin de voir ce qu'il en était vraiment.]

Alors, sans rien répliquer d'autre, sinon qu'à prendre le risque d'être détruit, le Diable se remit sur ses jambes, puis il tourna les talons et s'en alla pour se faire voir ailleurs...

Et l'on n’entendit bientôt plus rien que quelques bruits de bois morts, écrasés sous le poids d'un sur-être si dépité qu'il en avait oublié sa faculté de se déplacer en affleure, sans avoir à faire le moindre pas.

Même la faune, fort intimidée, restait coite. Là-haut, la brise qui légère avait cessé de caresser la cime des grands arbres, semblait aussi hésiter à reprendre un jeu qu’elle savait pourtant amoureux. Le ciel, lentement, redevenait aussi noir qu'avant. Reprenant son apparence de voûte tapissée de velours bleu-noir. Mis à part la naissance à l’est d'un nouveau jour pointant à l’horizon de la planète: tout semblait n’avoir jamais été modifié par cette rencontre brutale entre un Ange dieu de lumière et un Archange guerrier qui avait été déchu d'une première fonction pour mieux en assumer une autre qu'il semblait ignorer. Si ce n’est que Belzéé avait dû rabattre un peu de sa superbe, comprenant qu’il valait mieux pour lui de ne pas courroucer davantage celui qui l’avait fait. Reconnaissant en lui-même, qu'avant de s'en prendre de nouveau à l'une ou l'autre des créations supérieures: il conviendrait certainement au mieux d'élaborer dès à présent un plan sans faille. Et puis se disait-il sans doute aussi, qu’après tout, les ambitions de L'HOMBRE n'étaient pas les siennes, et qu'en l'occurrence, le fait de tourner la tête et les talons intelligemment n'avait rien de déshonorant, bien au contraire, plutôt que d'insister et de se conduire de manière imbécile...

À présent rasséréné, c’est par un glissement rapide, qu’il se dirigeait sans même toucher le sol, vers ses abysses ténébreux. Cependant, Erzeré se demandait quelle pouvait être la raison profonde de ce Créateur, dont les actes pouvaient engendrer de puissantes chimères à l'image de Belzéé…? Mais qui beaucoup mieux que n'importe qui, était capable de les mettre si facilement hors de combat... Il avait bien une idée... Mais il n'osa y penser davantage. Alors il décida de regagner le village encore endormi.

 

      La tendresse de l'aube blanchissait doucement des perles de rosée que des mains délicates avaient posées çà et là en multitude. On aurait pu les confondre à de minuscules billes de cristal concues par la nature afin de baliser son chemin. Erzeré se refusait cependant à croire de cette nouvelle féerie, qu’elle souhaitait bénir la bravoure imbécile qu'il avait montrée… Il se disait que plus loin l’attendaient certainement fort inquiètes, la Grande Déesse Habygâ, assistée de sa bien étrange protectrice et Marraine volante ... De fait, en le voyant revenir enfin, Morganie, toujours juchée tel une chatte sur son toit mouillé, sentit monter en elle un feu où couvait plus que de l'inquiétude. Tout son être se réjouissant de cette onde chaleureuse qui l'imprégnait bien mieux que la rosée timide ne se déposait sur l'ardoise gris bleu que la lumière commençait d’iriser. Il est vrai que le resplendissant dieu guerrier ne la laissait pas indifférente. La brune guerrière ne se le cachait pas. Malgré qu’elle savait l’idylle probablement impossible. Étant connu qu’il se pourrait que ce soit Habygâ, et non elle qu'il aima. Et puis la condition de leur mission réciproquement liée ne lui laissait aucun choix. Ni davantage la primeur de ce droit-sentiment…. Mais, ne pouvant s'empêcher d'éprouver pour le dieu combattant plus que de l'amitié et du respect, la belle guerrière vola soudain vers lui avec tant de fougue, qu’elle en perdit la notion de distance et se retrouva carrément plaquée contre le corps superbe d'un Erzeré, qui, malgré lui, s'en grisa. La laissant même enserrer sa nuque de ses bras audacieux... Alors, joignant ses lèvres conciliantes à celles enfiévrées de Morganie, il répondit volontiers à son geste... comme cela se fait par grand respect d'amitié chez les dieux:

 

– Oh là! Tout doux ma belle! Dit-il après coup, et en se dégageant doucement de l'étreinte. Mon corps est peut-être protégé par le ciel, mais il n’est pas insensible à votre charme!

– Pardonnez cet élan, lui adressait aussitôt Morganie en rougissant, mais vous êtes si beau!

– Peut-être…Mais mon cœur n’est pas libre, et…

– Et vous donneriez votre vie pour sauver celle d’Habygâ!

– S’il doit en être ainsi, alors ce sera.

 

Le visage d’Erzeré s'était assombri au moment où il avait prononcé les trois derniers mots de sa réplique... mais il en chassa l’idée-même. Et c’est en toute conscience qu’il focalisa le présent tout en se remémorant brièvement son arrivée au manoir de Castel-Anatha... Et puis ce moment, qui d’intime, juste après la réception terminée, vit s’échanger des conversations intuitives lourdes de conséquences… De même, que sa première nuit en ce lieu. Elle avait suivi ce soir délicieux où il fut présenté à la déesse Habygâ. Mais son sommeil avait été tumultueux. Il se rappelait qu'au cours de son bref repos, des visions annonciatrices de morts cruelles s'étaient imposées. Il y avait eu aussi des flammes… qui semblaient devoir le consumer de la même manière qu’elles avaient carbonisé les trois démons... En fait, cela pouvait être, à l'instar du rêve: l'image pensée d'une bien triste prémonition.

 

– Vous me semblez soudain soucieux mon ami: vous aurais-je à ce point contrarié?

– Non ce n’est pas cela. Mais il s’est passé tout à l’heure une chose qui fut de grande ampleur spirituelle. Ainsi je peux mieux situer la raison de mon présent karma.

– Comme je vous vois sérieux! Et puis, depuis votre retour, il me semble que vos cheveux sont plus clairs qu’avant...

– C’est que je l’ai entendu s'adresser à Belzéé.

– Enfin, allez-vous m’expliquer... De qui voulez-vous parler?

– Allons d’abord rassurer Habygâ lui répondit Erzeré, comme s’il s’entêtait à vouloir fuir l'embarrassante question.

 

La déesse Habygâ les accueillit avec le regard et le ton courroucés des reines contrariées...

 

– Ainsi, me direz-vous enfin Erzeré, ce qu’il vous à prit de jouer les téméraires imprudents!

– Madame, je suis confus…

– Votre tâche n’est pas de vous exposer inutilement, mais de me protéger!

– Vous avez raison de m'admonester avec franchise, car pour autant, la mienne vous est acquise.

– J’ai suivi votre action dans mon esprit…Vous auriez pu vous faire tuer!

– Je reconnais ma faute, bien qu’il fût de mon devoir de m'informer de ce qui nous menaçait.

– Certes, mais avant de vous engager seul dans la forêt vous auriez dû demander mon soutien ou celui de Morganie.

– Soit, vous avez raison et j’en conviens…

– Allons, n’avez-vous donc point compris que je tiens à vous…

 

Habygâ, se tut soudain, elle s’était aperçue, mais un peu tard, qu’elle en avait trop dit. Alors elle se ravisa, se contentant d'absoudre son beau chevalier servant qui s’agenouilla, en signe de respect, devant la Déesse qu’il n’était autorisé d'aimer qu'en secret…

 

¤

 

 

      Bien plantée au centre de la petite vallée virtuelle, la colonne sacrée vibrait comme le ferait un diamant de Herkimer au doigt d'un être divin. Les gradins du terre-plein circulaire se trouvaient tous occupés. Quelques villageois, directement issus du «Monde réel» avaient été admis à passer dans «l'autre dimension». Ils s’étaient installés en curieux, se tenant respectueusement debout sur les grandes dalles de pierre bordant le sanctuaire. Faisant face aux gradins, Habygâ parlait à l’assemblée, et plus particulièrement aux croyants confirmés, qui pour cette occasion, s’étaient mêlés à tous ceux qui étaient prêts à les suivre, et qu’on avait su réunir dans le petit amphithéâtre, en plein air.

À gauche de la Grande Prêtresse, on pouvait voir le beau Erzeré, tandis qu'à droite se tenait le chevalier Ange-dieu Gabryel…

 

– Écoutez-moi! Leur dit Habygâ... Car en vérité, c'est par les cinq couleurs d'Ardvina que nous devons aujourd'hui demander complaisance à l'esprit de la divine errante Feue en la Forêt d’Ardenne. Et puis, voici que l'Ange dieu Erzeré va vous informer d’un danger qui menace bien plus que notre confrérie ou vos villes et villages visibles ou invisibles: et donc le monde de la Terre en son entier!

 

Faisant suite à ce grave propos, on entendit quelques murmures. Et puis chacun se tut, car beaucoup inclinaient déjà la tête, en signe de profond respect en voyant le dieu guerrier s’avancer d’un pas, par rapport à la déesse Habygâ.

 

– Si beaucoup d'entre vous n'ignorent pas d'où je viens et qui je suis, je veux que tous ici présents connaissent ma mission: elle consiste à vous apporter mon aide pour combattre un mal qui prend de plus en plus possession des humains et de la terre. Entendez-moi bien, car la situation est grave. À présent l’équilibre de toute chose est en souffrance. Il pourrait même se trouver que demain sera un jour corrompu à jamais …

 

(Il y eut de nouveaux murmures parmi la foule… Cette fois c'était à l'endroit du Grand Ange-dieu Gabryel qui prenait à présent la parole:)

 

– Que vous soyez simple sympathisant, adepte instruit, officiant en gradins, prêtre alchimiste ou en attente de cette prêtrise. Quelle que soit votre implication: à l'image de cette colonne sacrée, vous êtes toutes et tous ici des membres constitutifs de l'un des piliers qui soutiennent le fléau de la balance cosmique. Vous, humains, êtes devenus indispensables. Ainsi je vous le dis: vous le resterez tant que vous agirez par vos actes dévots au maintien de l'équilibre. Ceci permettant à votre monde d'exister comme du reste, tous les objets de l'univers qui sont maintenus par la matière invisible de l’esprit omniprésent dont vous êtes, comme moi, la synthèse animatrice qui donne vie à la matière «ordinaire» tant visible qu'invisible. En cela vous représentez une grande part de l'esprit qui fut attribué à Gé, avant de devenir La Terre. Il vous appartient donc, avant tout projet de colonisation des autres planètes de l’univers, d’apprendre à ne pas laisser sombrer la vôtre par anathème. Il faut vous garder aussi de l’ombre que produit toute matière en accrétion. Vous devrez faire en cela tout ce qu'il faut. Ensemble nous allons conjurer le danger . Vous allez donc officier pour aider les dieux dont je suis à maintenir votre sauvegarde! Rien ne saurait prendre meilleure force en suffisance, qu'en portant loin la bonne parole et la paix par tous les continents de la planète. Vous êtes des habitants habités de bonne volonté... Je vous le dis avec force, car c’est majoritairement que je vous perçois pour des êtres pacifiques, alors que pourtant vous allez devoir en former parmi vous qui deviendront des guerriers. Ceux-là deviendront aptes à se défendre en bonne foi d’aloi, car sachez-le, vous êtes tous directement menacés…

 

Alors s'ensuivirent des dialogues, et même des débats s'installèrent avec qui souhaitait échanger d'autres informations. Ainsi, Erzeré et Gabryel leur parlèrent de L'OMBRE et aussi de Néphysthéo, puis de Lucien... pour l'exemple qu'il ne fallait pas suivre, en finissant par Belzéé, afin de les informer de ce qui s’était passé la nuit où le démon avait attaqué l'Ange-Guerrier dans la forêt...

 

À l'évocation de l'intervention du Suprême, tous s'étaient agenouillés. Et puis il fut question de s'organiser pour la défense. On nomma des chefs que l’on souhaitait compétents parmi les plus courageux, et l'on répartit sous leur commandement ce qu'il restait des autres volontaires, définissant plusieurs groupes, selon les aptitudes de chacun... Même des femmes proposèrent leurs services. Certains autres, se sentant trop âgés ou trop prudes pour combattre, se joignirent néanmoins aux plus jeunes, dans le but d'assurer d'autres tâches utiles car complémentaires… Dont celle importante, qui consistait à forger le Crôol pour en faire des lames, des pointes de flèches, et des carreaux d’arbalète. Tandis que d’autres fabriqueraient des engins destinés à les propulser. Et puis on requerra Morganie, pour former des archers, alors qu’Habygâ choisirait à son tour celles et ceux qui allaient former sa garde personnelle. Mais aussi, il lui fallut élire parmi les meilleurs orateurs, ceux qui montraient suffisamment de prosélytisme pour développer le culte d'Athséria. Des gens qui seraient capables de trouver ailleurs, et même plus loin que l’Europe, d'autres sanctuaires actifs ou non. Il convenait en effet de coaliser le reste du monde contre l’HOMBRE, afin que le combat se poursuive ailleurs, dans le cas où ce dernier les vaincrait par ici…

 

¤

 

      L’archange déchu s'en était retourné chez lui, par-dessous la forêt. Mais il était contrarié. Depuis qu'il s'était établi un empire, c’était la première fois que son créateur lui rappelait sa misérable condition. Lui, Belzéé: s'était senti petit sur la terre! Alors qu'il était devenu un maître incontesté sous elle et en elle! Il devait aussi non seulement servir les intérêts d’un dieu sombre, décidé à régner dessus, puisque voulant étendre en premier son pouvoir en cultivant sournoisement l’enfer des hommes… Mais de surcroît, il avait doublement plié l’échine parce qu’un autre ange, dieu guerrier issu comme lui de la lumière céleste, avait reçu de l’aide à contrario de sa personne… Et même, ce qui accroissait encore sa déception, c'est que le l'Ange dieu renégat Néphysthéo, avec qui il avait commis l'erreur d'en discuter, lui avait semblé fort soucieux de l'entendre. C’est dire que Belzéé hésitait à en parler à l’Hombre, car à l’évidence, il lui fallait s’attendre à une grande colère du dieu sombre!...

Et cela fut ainsi en effet!

 

– Comment! Tempêtait l’Hombre, ainsi devrions-nous revivre le chaos pour une misérable planète! Pas même un grain de sable à l’échelle de l’univers! Mais que veut donc le Suprême dieu de Lumière? Remettrait-il le «Pacte» en question! Il sait pourtant que le côté sombre de l’univers, s’il le veut, à l'encontre du sien, pourrait bien avaler, encore plus goulûment qu'avant, des galaxies entières! Alors je me demande bien pourquoi met-il tant d’acharnement à vouloir protéger celle qui abrite les humains plutôt qu’une autre?!… Sachant que son univers en contient des milliards!... Assurément il y a certainement d'autres vies ailleurs qu'ici puisqu'il en existe chez moi!... Pourquoi donc aurait-il choisi précisément de protéger cet endroit de l’univers, alors que ses habitants y vivent plus soucieux d'eux-mêmes que de lui, et qui du reste, se montrent si imbus qu'ils s'acharnent même à s'autodétruire sans qu'ils aient besoin de mon aide pour cela... Non, décidément, je me demande ce qui m'a pris de venir ici plutôt qu'aller établir, à l'instar de vous, une base au cœur de Mars ou même ailleurs: puisque ce ne sont pas les endroits qui manquent!

 

¤

 

      Dans les semaines qui suivirent, l’on n’entendit plus parler du dieu sombre et de son acolyte. C'était juste si l'on apprit que quelques raids d’intimidation, lancés par des escouades de simples démons mal encadrés, n'avaient su effrayer que des enfants. Il s'avérait ainsi que le courage des Athsérians guerriers, bien que nouvellement formés à les affronter, avait suffi pour mettre l'assaillant en déroute.

Pourtant, Gabryel ne s’y trompait pas, L’Hombre était un dieu puissant, peut-être même l’était-il autant que Junyather… Et qui-sait si son géniteur n'allait s'en mêler? Il convenait de se défier de cet autre Suprême qui règne en maître du côté sombre de l'univers! Ce belliqueux qui fut probablement responsable du chaos que connut Junyather! Celui qui encore… pour se qualifier de Noire Engeance, n'aime probablement que la nuit... d’autant que son royaume est mal pourvu en lumière…

Et qui-sait encore, si ce sombre patriarche de «l’autre Univers» n'avait pas discrètement manipulé l’un de ses fils, en l'occurrence L'HOMBRE, dans le seul but d’avancer son pion de façon cavalière sur le grand échiquier de l'après-néant?... Qui-sait...?

Quoi qu'il en soit, Gabryel pensait aussi que les principaux représentants du dieu suprême, choisis par l'intermédiaire de Junyather pour contrer l’ennemi ténébreux sur la terre, ne pouvaient être que lui et ses proches, et donc aussi bien sa famille que leurs alliés… Bien qu'il eut involontairement occulté en son sein la réalité d'une puissante trinité… Alors qu'il en était l'auteur… Pourtant, comme l'avait obtenu sa fille chérie, il avait vu mentalement l’appui céleste reçu par Erzeré, et cela l’avait rendu pour un temps optimiste. Mais il doutait que le Suprême de lumière aille jusqu’à combattre lui-même un envoyé de son homologue de l’ombre. D'un point de vue diplomatique, cette action de puissance directe serait une erreur. Gabryel connaissait aussi la neutralité obligée de l'entité responsable de la Matière, puisqu'il la considérait pour n'être pas autrement pourvue en esprit intelligent que par le truchement des deux autres… Donc puisque ces trois-là n'en faisaient qu'un par définition, le seul fait de se quereller ouvertement consisterait à s'autodétruire.

Pour avoir été créé Archange serviteur, par et pour Junyather, avant-même d'approfondir ce statut particulier en passant par l'instruction du Berceau des Enfants dieu, Gabryel n'était pas une entité-dieu ordinaire. Il avait compris la position d'électron libre qu'occupait un dieu sombre ayant l’envergure, et même l’imprudence nourrie d'autant d'impudence comportementaliste. Mais il doutait que L'HOMBRE fût une entité noire isolée… Il le présumait accompagné ou suivi d'une autre engeance, indécelable pour le moment… Même s'il s'était révélé capable de sortir apparemment seul de son Trou-Noir et d'aller directement s'approprier un fils. De même que s'apprêtant à présent à conquérir une Terre appartenant au royaume céleste de lumière afin d'y pouvoir essaimer! Et ce, par-devers toute loi cosmique établie avant lui, et surtout, en se rendant pour cela capable d’apparaître en pleine lumière!

Présentée de cette manière, l'affaire démontrait une évidence: tôt ou tard Castel Anatha serait pour l’Hombre un bastion fort gênant qu'il lui fallait à tout prix détruire. Il convenait donc au moins d'y installer des défenseurs en s’assurant au possible de l’alliance de tout ce qui environnait le manoir, afin de parer au mieux à toute attaque-surprise de ce côté-là. Alors il en avait donc parlé ainsi:

 

– Athénéïse, ô mon âme, avait-il dit à son épouse: m’aiderez-vous dans ce combat démesuré qui menace notre fille?

– Gabryel, plus qu’un dieu vous êtes un ange! Vous êtes tout d'amour, et ce qui ne l’est pas vous blesse. Depuis toujours mon être se voue à vous! Je m’enivre un peu plus chaque jour à tant boire votre tendresse! Est-ce à cause de cela que je crains autant pour votre vie que celle de notre enfant? Ou bien est-ce la faute d'une intuition qui m'habite? Habygâ est forte de nous et de son grand-père. Et puis j'ai l'intuition que peut-être, par la promesse d'un aboutissement supérieur, elle deviendra celle-là qui enfantera à son tour d’un nouvel être. Un qui sera un Ange dieu de grande lumière… Ce sera comme un retour du messie des croyants pour toute la planète… Comme celui qu'attendent sur la Terre les hommes et les femmes de bonne volonté. Et c'est du moins ce que j'ai écrit…

– Ma bien-aimée… le karma est comme ces religions qui se font et se défont au cours de millions d’années humaines. Des enveloppes de matière vivante naissent et se fondent avec la nuit des temps. Rien de ce qui est ici-bas n’est lisible vraiment que transcrit en toute équité sur le registre du destin qui se trouve en haut, entre les mains de mon père. Ainsi, même le peu de ce qui reste des pentateuques sur la terre, et qui ont inspiré bien des églises, n'est assurément admissible pour preuves irréfutables.

– Je n'ai d'arme, mon chéri, que ma plume pour argument et mon cœur pour bouclier. Alors, si même des livres sacrés peuvent, par défaut de conviction qui serait appuyée par le réel, contenir quelque erreur commise au nom du possible, ou en celui d'une autre vérité, comment imaginer que mes écrits puissent servir à d'autres?..

– Ma mie vous êtes sublime parmi les sublimes, vos messages sont plus forts que des pages de vie. Votre humanité humanise la Terre entière, alors que ma quête n’est souvent qu’une humble quémande.

– Ô mon aimé, vous savez bien que je ne suis que chair issue de Gaïa…

– Mon père vous a choisie, vous êtes la mère d’une déesse qui selon lui, en un temps futur, le remplacera ou pour le moins, le secondera. Alors ma Dame, si l’universel semble la vouloir défendre en ses actions comme en celles de ses alliés, il se peut aussi qu'il l'envisage apte pour mener à bien une grande mission. Et peut-être aussi, pourquoi pas, l’a-t-il voulue voir apparaître de nous pour en faire l'éventuelle disciple d'un agissement complémentaire hautement sacré. En vérité, je vous considère elle et toi comme bien plus que moi, car sur la Terre, vous êtes née toutes deux en la forêt d'Ardenne comme reine de matière et d’esprit alors que je ne suis que descendant de lumière venu du cosmos. Et puis n’êtes-vous comme notre fille, l’une de ces Grandes Dames élues souveraine par le Petit-Peuple de la Forêt?

– Voudriez-vous dire mon mari, que par nous deux accouplés serait advenu ou en proche d'advenir, celui ou celle dont la destinée serait le lien secret qui saurait réaliser l’espoir d’une nouvelle entité de Messie trinitaire… Penseriez-vous qu’issue de par moi qui suis Matière, et de vous qui êtes Lumière, notre fille pourrait devenir une "Habillée Suprême" qui serait autant Reine de la Nuit, du Soleil, et disposerait de tout ce qui s'obtient de moléculaire, pour la rendre capable d'enfanter à son tour un être qui mieux encore qu'elle et vous serait Suprême dans la lumière des Justes, et qui serait pour cela animé par le puissant atome photon qui créa la vie Terrestre et extraterrestre?

– C’est un peu à cela que je pense maintenant, car vous venez de me le suggérer. Ainsi, après l'avoir vu clairement dans mon esprit, assistant Erzeré de sa lumière, et constatant la puissance qu'il prêtât à Excaliatura: je pense vraiment que le Suprême Créateur sait, ou veut, d'Habygâ qu’elle soit l’élue d’un destin particulier où la descendance de l'une ferait pour l'autre grande puissance à son côté… Je ne suis pas contre le fait de croire aussi qu'il ferait cela en vue de sauvegarder l'équilibre, et d'installer une véritable paix durable dans ce qu’il a de plus sacré… et même au-delà.

– La vérité n’est pas ailleurs que dans tes paroles mon chéri, je t’aime aussi pour cela... À la nuit prochaine, si tel est de toi autant que de moi le vœu, nous irons accompagner notre fille Habygâ jusqu’à la clairière mythique, et de là, nous ferons s'éclairer plus encore ma chère forêt par la lumière Sélène. Nous inviterons aussi tous ceux du petit peuple, faune et flore étant complices, pour signifier notre alliance, et pour l'amour de la planète, nous écrirons avec eux l’avenir de ceux qui se montrent doués de la meilleure pensée en leurs idées.

 

 



16/05/2020
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