le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE CINQUANTE QUATRE

 

 

Alors que vous êtes en grande zone verte

Au cœur d'une nature librement ouverte

Si vous aimez l'ésotérisme au naturel

Sachez qu'il ne faut point aller à Compostelle

Alors que vous êtes entrés dedans l'inerte

C'est le temps présent du passé qui déconcerte

Si la douce Marie est venue en réel

Sachez qu'elle est née de "vibrance atemporelle"

Alors que vous êtes matière nue experte

Au sable de la mer pareil en pure perte

Si vous croyez sans dehors ce qui vient du ciel

Sachez que c'est d'action ante-matérielle

Alors que si vous me pensez farfelu certes...

C'est qu'aux cieux bleus mon cœur de poète disserte

Mais...S'il annonce en nonce le messie agnel

Sachez que c'est raison d'amour sempiternel.

 

 

      Pendant ce temps là, sur la Terre, Marie venait d'ouvrir un passage secret. Elle proposa à Lucien de la suivre en empruntant le souterrain qui s'offrait à eux. Celui-là s’enfonçait d’abord en pente douce, pour mener vers la forêt tout en passant sous la grenouillère. Ils marchèrent ainsi de concert durant une bonne demi-heure avant que le jeune poète n’aperçoive enfin la clarté du jour. Bien quelle fut considérablement atténuée par un voile, plus jaunâtre et sec que verdâtre et humide, la lumière qui filtrait lui fit ressentir de la joie. Peut-être était-ce similaire à ce que ressentaient les mineurs de fond quand ils remontent au petit jour, après une longue nuit de labeur…?

 

– Nous arrivons annonça la fée blanche.

– Figurez-vous Madame que si j'y vois peu dans le noir, en revanche je ne suis pas bigleux!

– Lucien, nous sommes de retour dans ton espace-temps, jugea bon de préciser Marie.

– Ça aussi, je m’en doutais un peu…!

– Ne soit pas moqueur mon garçon, car tu pourrais bien tomber de haut! Et avant qu’il ne soit longtemps…

 

Ce faisant ils étaient sortis du souterrain et s’avançaient ainsi depuis un bon moment en écoutant l'inquiétant silence de la forêt mortifiée, quand Marie lui indiqua l’entrée d’une grotte. Il la jaugea du regard... Encaissée comme au creux d'une ravine qui serait barrée d'une courte falaise de schiste rose, il la situa à quelques cinquante mètres devant eux:

 

– Nous voici rendus à l’endroit qu’un jour prochain tu décideras d’aménager pour y habiter.

– Alors là, cette fois vous vous trompez! Si j’ai bien l’intention de faire le même choix de vie que mon père, lorsque j’aurai terminé mes études, ce sera certainement après avoir reconstruit le cabanon d’où nous venons, car je ne serai certainement pas redevenu pareil à nos ancêtres préhistoriques troglodytes!

– C’est impossible…

– Et pourquoi donc Madame je sais tout ?

– Parce que tu n’en sais rien !

– Oups… vous avez touché mon navire, mais il n’est pas encore coulé… Je présume qu’à présent nous allons entrer dans cette grotte que du reste, je connais aussi bien que vous?

 

Tout de même un peu excédée par le tempérament gamin du jeune poète, la fée Marie se contenta d’entrer dans la caverne. Tandis que Lucien se glissait dans son sillage… Et c'est alors qu'il comprit rapidement où elle souhaitait en venir…

 

– Tu ne vas tout de même pas me proposer à nouveau de revisiter avec toi d'autres entrailles de la planète?

 

Il lui montrait du doigt l’entrée étroite de cet autre souterrain qu’il avait remarqué de longtemps au fond de la cavité rocheuse, mais qu'il lui répugnait d'explorer en raison de son étroitesse…

 

– Si… enfin, non… En fait, tu dois y pénétrer seul, car je ne suis pas autorisée d'aller plus loin. En vérité, tu as obtenu de naissance des droits que je n’ai pas. Mais tu peux évidemment faire le choix de les réfuter, en rechignant notamment d’aller plus loin, et de modifier ainsi de façon provisoire une page de ton destin. Mais ce serait aussi agir à l’encontre de ton dernier karma et prendre le risque de devoir mourir prématurément pour céder la place à autre Lucien qui le fera pour toi…

– Attends, ne mélange pas tout veux-tu! Je suis assez d’accord pour ne rien changer à ma destinée. Et je suppose que si tu viens de nommer un autre Lucien que moi, c'est que je suis donc différent de celui qui assura mon précédent karma… Bon sang: combien sommes-nous… Ou plutôt: combien suis-je, de moi-même?!

– Je ne saurais te répondre, car cela dépend de ta prochaine action. D’ailleurs, si l’autre Lucien qui connut en premier les Dames de la forêt était un poète comme toi, je peux te dire que sa destinée humaine fut certainement utile à l’accomplissement de la tienne… Alors il se pourrait que comme lui tu doives rencontrer Belzéé, afin que dans quelques décennies… Oh, et puis je vais te l'avouer: tes tergiversations commencent à sérieusement m'exaspérer.

 

Marie n'avait pas insisté. Elle s'en était retournée dans sa "dimension".

 

Quelque peu désarçonné par la disparition soudaine de son interlocutrice, Lucien avait tourné les talons et esquissé quelques pas. Mais il ne parvenait pas à aller plus loin. Derrière lui, il y avait l’entrée d’une grotte. Au fond de la grotte, il y avait une faille dont la taille apparente pouvait sembler mieux adaptée à celle d'un blaireau. Pourtant, mais cela s’obtenant autrement dans le monde de Marie, elle avait permis autrefois le passage d’une armée de colosses. Mais ça, notre poète devait l'ignorer. Pourtant, quelque chose d'indéfinissable semblait vouloir l’inciter à se retourner.

Et c’est ce qu’il fit!

Alors, tout le stress qu’il avait accumulé depuis qu’il avait posé les pieds dans la barque féerique lui explosa littéralement à la face lorsqu’il vit à nouveau regardé l’entrée de la caverne. Et puis le jeune homme sentit ses jambes se dérober sous lui. Il décida de s’asseoir sur un bloc de roche qui saillait de l'un des deux pans du terrain menant à la grotte. Décor qu'il trouvait auparavant banal, mais lui donnait à présent l’impression que la cavité avait peut-être été dégagée pour servir quelque entité qui aurait choisi autrefois d'habiter là.

 

– Décidément mon pauvre Lucien! Tu as encore du chemin de vie à sillonner longtemps avant de t’accepter tel que tu es…

– La schizophrénie me guette autant que la voix de ma conscience me harcèle, pensa encore tout haut le jeune poète: je ferais bien de repousser ces moyens paranormaux que mon esprit développe de manière incontrôlable. Sinon, je vais finir par entendre de nouveau parler les grenouilles!

– Hi, hi…

 

Bien qu’il voulût s’en défendre, le jeune Lucien tourna ostensiblement la tête dans la direction présumée du rire qu’il venait d’entendre comme dans un rêve.

 

– Et pourtant je suis bien là, vivant, et à te suivre sans que tu me voies, confirma Topiary en prenant l’apparence humaine d’un lutin de presque vingt centimètres.

– La peste soit des hallucinés et des hallucinants!

– Pourquoi crois-tu Lucien, que l’Incréé a créé l’être humain ?

– Figure toi que je l’ignore mon cher gnome, sinon que théologiquement, ceux-là dont je suis seraient là en premier pour le servir et même en mourir.

– Ça, c’est ce que d'aucuns prétendent en leurs discours. Mais ils ne parlent pas de mes semblables. Sinon qu’en nous diabolisant. Alors que nous existons en bien… Ainsi cela prouve qu’ils ne savent pas tout de la spiritualité naturelle. Ce qui fait qu’ils peuvent aussi se tromper. Moi qui suis pourtant petit, je pourrais te dire ce que j’en pense. Mais sache en premier que si nous avons été créés toi et moi, c’est effectivement moins pour le servir que lui servir à dessein… En fait, t’es-tu demandé comment il faisait pour être partout à la fois, alors que son univers est de taille incommensurable!

– Je ne suis plus à une théorie hasardeuse près, alors vas-y: balance ta purée!

– T’es-tu quelquefois posé la question de savoir pourquoi la mécanique de l’univers fonctionne à la manière des molécules qui la composent matériellement. Et me diras-tu ce qui permet à l’homme libre penseur, de douter jusqu’à affirmer de plus en plus, qu’il ne saurait y avoir de spiritualité ni au sein, et ni derrière tout cela…

– Tout ce que je peux t'en dire figure sur des fichiers qui n'ont pas permis de dégager des explications rationnelles, du moins scientifiquement. Et c’est vrai aussi pour la présomption d’une certaine énergie «grise ou noire» qui s'avère indétectable pour le moment par les sciences humaines. Sinon que d’aucuns qui sont des poètes aussi farfelus que moi, l'imaginent faite de particules ioniques qui seraient constitutives en tout ou pour partie d'un possible « corps » de dieu… Mais dis-moi petit Pillywiggin: tu me parais rudement bien informé pour me poser ce genre de question.

– C’est que vois-tu, j’aurai bientôt deux cents ans, et qu’à force d’expérience… D'autant qu'on apprend aussi de façon autodidactique… Mais foin de tout cela: ton destin ne deviendra grand que si tu en as le courage qui convient. Alors! Vas-tu te décider enfin à faire ce que tu te dois?!...

 

Lucien ne souhaitait pas vraiment qu’un si petit être puisse lui décerner le titre de roi des pleutres… Et puis, les indiscrétions du Pillywiggin commençaient à l’agacer. Alors, se reprenant, il avait donc accepté de franchir l'entrée de la grotte. Mais il hésitait encore à aller plus loin. Il se remémorait l’invitation qu'il avait mentalement vécue durant sa séance de régression. Ashneene, sa mère, lui avait conseillé de ne pas y répondre. Mais pour un adolescent dont la tête est déjà bien pourvue en connaissances estudiantines, certaines recommandations ne sont-elles pas autant d’invitations à prouver que ses parents sont dépassés? Un rendez-vous amical ne se doit-il d'être honoré? Bien qu’il jugeait complètement insensé d’avoir fait confiance d’abord à une chimère, fusse une Fée: pourquoi ne suivrait-il à présent un nain minuscule encore plus improbable côté existentiel, que celle-là qui du reste l’avait bien planté là? Il se demandait pourtant comment faire pour ajuster sa taille à celle de son guide… alors même que ce dernier avait déjà disparu à l'intérieur du tunnel! Et puis, comme lorsque comme ce fut le cas tout à l'heure à propos de la visite de ce qu'il subsistait du pavillon en ruines, il vit apparaître devant lui une porte de bonne taille, cintrée celle-là! Alors il la poussa et entama une progression qu'il prévoyait pour être certainement hasardeuse, mais qui, à l'instar d'une certaine "croisée des chemins" l’emmènerait peut-être là où se trouve plus particulièrement celui de son destin…

 

*

 

      La vie humaine est ainsi faite d’aléas et d’indécisions. De petit bonheur en interrogations, il y a des combats qu’il faut se livrer à soi-même. Ainsi que d’autres situations où l’on s’aperçoit que souvent, l’on va vers de grandes désillusions qui sont à peine entrecoupées de quelques joies fugaces. De quelques instants de bonheur… Et puis c’est de nouveau la détresse. Il y a comme ça des situations dont on sort rarement victorieux. D’autres où l’amour rend glorieux… Et les pages du grand cahier de la vie continuent inlassablement de se tourner. Tandis que leurs lignes consignées se noircissent à grande vitesse… Cependant, il se faisait que notre Lucien qui sans s’en rendre compte avait de nouveau recouvré le don d’y voir dans le noir avançait en sentant maintenant le souffle d'un étrange courant d'air… Celui-là lui rappelant comment s’emportent à l’automne, les feuilles mourantes dans leurs tempêtes de sentiments frustrés, alors que subsiste encore l’émotion de leurs couleurs… un peu comme en matière de poèsie...

Il foulait à présent un sol qui était moins poussiéreux. Tous ses sens étaient en éveil:

 

– Il ne manquerait plus que je tombe nez à nez avec un être démoniaque, se disait-il.

 

S’ajoutant que celui qui l’attendait peut-être pouvait n’être ni plus ni moins que probablement leur maître!

Au fur et à mesure qu’il avançait et que le boyau descendait, Lucien se sentait de plus en plus mal à l’aise. D'autant que la température ne cessait d’augmenter:

 

– Ma parole, si je n'y prends garde: je vais finir par tomber dans le chaudron du diable!...

 

Lorsque, enfin, il se trouva à entrer cette fois dans une caverne immense et comportant d’innombrables cavités, il la voyait éclairée alentour par les mêmes torches qui s'étaient matérialisées çà et là de temps à autre, au cours de son périple souterrain. Ou presque, puisque chacune était disposée de manière à désigner l’entrée d’un tunnel différent:

 

– bon, cette fois mon lulu, va falloir tirer à la courte paille !

– Bienvenue chez moi Lucien… Tu es presque arrivé, lui répondit une voix rocailleuse…

 

 

 

 



28/02/2021
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