le monde merveilleux de lucien

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CHAPITRE VINGT-SEPT

 

27

 

 

 

      Imaginez la conception d’un vaste amphithéâtre étonnamment transparent. Lequel aurait été installé derrière les trois atmosphères de la planète Jupiter. Le lieu se trouvant au comble de l’animation par le fait d’un nombre conséquent d’Entités dévolues au Trés-Haut de Lumière. Parmi elles se trouvent notamment des déesses célestes, des archanges et des dieux-Ange. Médényga, Reine de Lune et déesse gardienne sur Hydro, est au tout premier rang. L'on peut même voir, vibrante de sa propre Lumière, la déesse Anatha assise pour la circonstance à côté de sa sœur.

 

Quant à Gabryel, Prince-Chevalier de Lune, fils chéri de Junyather, et époux de Dame Athénéïse: s’il semble pour le moment absent, il devra néanmoins apparaître en premier sur la plateforme dirigeable, attendu que c’est lui qui a demandé que l’on organise cette réunion d’exception.

Tout à coup, se faisant plus forte qu'un roulement de tonnerre: la voix de Junyather s’impose au point de couvrir amplement le brouhaha de celles mêlées qui émanait de toute l’assemblée…

 

– Écoutez moi tous, car je vous le dis en vérité: il se trouve que nous sommes en danger! Et c’est mon fils qui précisément va vous informer de ce qu’il en est…

 

Alors Gabryel leur apparu, puis, sans qu'il ait besoin d’esquisser le moindre geste, son corps s’éleva de plus de dix mètres, après quoi il s'avança sur un plan horizontal. Ceci jusqu’à gagner la plateforme. Après quoi, en ayant pris les commandes, il la dirigea vers les dieux Magistrats qu'il salua au passage avant d’accoster à la barre céleste qui se trouvait elle-même à bonne hauteur, au centre de l'amphithéâtre. Étant de belle stature, il avait l’apparence éblouissante des Anges-dieu de classe très supérieure. Il portait une longue tunique couleur de neige...

 

– Mon père vous dit vrai! Une Entité démoniaque veut s'emparer de la Terre. C'est plus qu'un puissant archange, un dieu de sombritude qui se fait nommer l’Hombre. Il a enlevé un de nos frères... prétendant en faire son propre fils. Ainsi manipulé, ce dernier s’apprendrait à même à comploter dans les entrailles de Gaïa. L’Hombre est semble-t-il déterminé à l'initier pour le servir. Afin d'installer un "pont" entre le monde des humain et le nôtre, ils ont entrepris de détourner l'un d'eux. Il s’agirait d’un poète... nommé Lucien. Vous devez savoir que notre frère Néphysthéo a été enlevé du berceau d’Hydro alors qu’il n’avait pas atteint sa maturité dans le bien des choses. Il n'est pas impossible que son pseudo père, cet usurpateur venu du côté sombre de notre galaxie, finisse par le pervertir au point qu'il en devienne dangereux, non seulement pour l'humanité, mais également pour moi qui est sensé la protéger. Vous savez sans doute aussi qu'une grande Déesse a été conçue par moi sur Hydro. Elle est ma fille, née sur la Terre dans la Grande Forêt. Elle est donc le fruit de mon union sacrée avec une ex-mortelle qui fut auparavant élevée par le mariage à notre rang de déité et immortalisée par Junyather ici même.

Habygâ, tel est le nom de ma fille, est donc aussi la fille de mon épouse: Athénéïse. Conçue de par la communion sacrée des « Deux Sangs » Elle est considérable comme étant aussi la petite-fille de Junyather... En ce sens elle est plus que votre égale, et si je la présente en Première Dame, c'est que la venue prochaine d'une Nouvelle Lignée de Célestes s’obtiendra par elle. De fait, il se trouve qu'elle possède déjà notre force, et qu'elle nous sera supérieure en d’autres points. Peut-être même sera-t-elle bientôt bénie du Suprême qui nous a créés avec l'univers tout entier. Cependant, à l'instar de Néphysthéo qui n’est pas tout à fait « abouti », Habygâ aura grand besoin de notre appui pour mener à bien sa charge. Nous devrons tous l’aider à maintenir l’équilibre des forces. Elle s’emploie déjà au sein de confréries, dans le but diplomatique de convaincre et réunir des humains afin d’agir en paix autour du culte d'Athséria. Ce faisant, Habygâ œuvre pour le bien de l’humanité en son devenir. Pour ce faire, elle poursuit actuellement sa propre initiation. Ceci lui permettant l’accès aux Grands Pouvoirs naturels et surnaturels de la Terre. Ce sont là de bons moyens pouvant être opposables à ces deux-là que je vous ai cités comme comploteurs. De fait avéré, vous savez comme moi qu'aucune arme humaine, qu'elle soit conventionnelle ou secrète, et même issue de leur chimie comme de leur panoplie bactériologique honteuse et destructive, n'est vraiment opérante contre des êtres démoniaques, fussent-ils des dieux Anges déchus ou comme tels. Alors je vous le demande: Il serait souhaitable à présent qu’un de nos frères dieux-guerriers de Lumière m’assiste tout en protégeant Habygâ lors de son combat prévisible contre ce puissant dieu sombre…

 

Ainsi avait parlé Gabryel. Avec franchise et réalisme. Le débat qui s’ensuivit entre l’assemblée et les dieux-Magistrat s’annonçait cependant long et complexe… Il est vrai que pour beaucoup, les choses de la planète Terre sont souvent matière à les contrarier. Pensez donc! Ces humains sont des êtres éphémères mais au combien prétentieux! Et dire que certains s'imaginent d'être leurs égaux par le jeu de quelques réussites qui ne contrebalanceront jamais leurs erreurs!...

 

Il faut admettre aussi qu’ils envisagent même de coloniser d'autres planètes: telle Mars la froide! Alors que leurs ancêtres n'étaient guère mieux que des Aliens! Avant que n’émerge leur nouvelle race, ceux de Mars étaient venus l’on ne sait plus trop comment… Puis ils avaient tué cette planète l’on ne sait même plus trop quand… ce qui est certain, c'est qu'ils ont consommé presque toute l’atmosphère… Tout comme ces terriens qui le font eux-mêmes actuellement sur la planète bleue!... Assurément ces êtres là semblent voués à s'autodétruire sans avoir besoin pour cela de la concurrence de ce dieu Sombre dont fait état Gabryel, et puis...

 

– Silence!

 

La voix de Junyather avait fusé comme un éclair…

 

– Gaïa est ce que le Très-Haut par-dessus moi a de plus cher! Vous pouvez croire et dire ce que vous voulez, mais si la race humaine est bien son œuvre à lui – ce dont je ne doute pas – le fait qu'il la fît avec l'aide de la Déesse Gaïa ou pas est sans conteste lié à la réalisation de sa propre volonté. De plus, il faut admettre, comme selon ceux qui la peuplent maintenant, que l'homme moderne est la plus réussie des mutations d'une lignée de Primates devenue pensante! Alors, je vous le dis: si elle est en danger nous devons nous unir pour la sauver!

 

Par le silence qui s'ensuivit, on eut dit qu’un gigantesque trou-Noir galactique venait d'avaler l’assemblée tout entière…

 

– J’ai dit!…

 

Et Junyather s’en alla vers d’autres tâches.

 

¤

 

 

      Parmi les dieux Archanges en formation, Erzeréchnénide, alias Erzeré, est certainement celui qu’il faut le plus redouter, car Il a été préparé pour combattre le malin si cela s’avère nécessaire! De fait, il est l’élève le plus abouti qui soit obtenu de l’enseignement de Maars, le prestigieux Maître d’Armes de Junyather.

À force d’entraînement intensif, le corps puissant et beau d'Erzeré est devenu quasiment invincible, tant sa connaissance du maniement des armes célestes le protège et le rend apte à combattre et vaincre rapidement n’importe quel démon connu. Ainsi, malgré qu'aucun autre élève ne puisse le battre à la lutte (sa force physique valant presque autant que la puissance d'un titan…) c’est pourtant à manier l’épée antimatière qu’il excelle le mieux, car il sait en user avec rapidité et technicité. Et puis sa peau qui semble douce est tout de même solide comme le cuir, car assez difficile à entailler lorsqu'il commande à sa chair de résister. Ainsi il n’a nul besoin d’armure, et d'ailleurs, il préfère combattre à demi nu, pour plus de légèreté et de mobilité. C'est de la sorte qu'il est capable de faire des bonds rapides supérieurs à dix coudées. Cela surprenant ses adversaires: ils estoquent alors là où il n'est plus. Il a de ce fait la faculté de se rendre presque invisible lors de ses combats, tant ses déplacements sont fulgurants.

 

Quand Gabryel le vit s’entraîner avec succès contre un groupe de cinquante démons hologrammes, il n’hésita pas une seule seconde:

 

– Ce jeune dieu Archange et guerrier, dit-il à Maars, est bien meilleur que moi en combat rapproché, si tu me le donnes, j’en ferai "l’Adversaire".

– Ton choix est bon Gabryel: celui-là saura donner jusqu’à sa vie pour protéger ta fille et vous aider du même coup à sauvegarder l’humanité des prétentions néfastes. Et puis j’en réponds, avait assuré le Maître dieu: Erzeré est sans conteste le meilleur des guerriers célestes qui se puisse trouver maintenant dans notre galaxie.

 

¤

 

      Durant cela Athénéïse se trouvait à Castel Anatha où elle continuait d’écrire des pages et des pages messagères d’amour altruiste qu'elle destinait à l'humanité entière. Mais, bien qu'occupée en pensée par ce travail, il lui apparaissait que la nuit de ce soir ne s'annonçait pas comme à l'habitude, car la lune, son royaume, renvoyait vers la Terre bien plus que la lumière d’Héraclès. C’était comme si d'autres énergies s'étaient liguées pour allumer un immense fanal destiné à éclairer le lac, faisant du même coup jaillir le Manoir dans le clair-obscur qui baignait le paysage environnant. Alors la Dame avait rangé ses feuillets, posé sa plume et manipulé le couvre-encrier d'argent qui s'était rabattu en faisant entendre un « clap » discret au moment précis où il avait touché le cristal. Puis elle était sortie…

Après avoir parcouru l'allée de gravier qui crissait sous ses pas, la déesse se dirigea vers la berge du lac… Un sentiment étrange l’avait conduite à se rendre dans un endroit précis du domaine qu’elle percevait pour être ce soir là exceptionnellement agité.

Elle savait que de l'autre côté de l’élément liquide et tout autour, beaucoup de membres du « Petit Peuple » ces êtres de la Forêt que la plupart des humains ne savent voir ni même percevoir, étaient tapis dans les fougères. Lesquelles avaient poussé dru en lisière, au pied des arbres dont on entendait bruisser discrètement les feuilles, bercées d’en haut par une brise légère. Il y eut des chuchotements… cela dura le temps qui était nécessaire à Athénéïse pour s'avancer vers l'eau. Et puis ce fut le silence... Un silence hurlant sa propre sérénité... garant d’une paix profonde, car totale... sinon que dans l’onde couleur d’acier un remous qui pour d'autres qu'Athénéïse eut été inquiétant commença de s’activer. La poétesse s'en approcha pourtant... En son centre, il lui sembla apercevoir la pointe d’un diamant étincelant des mille feux, ou plutôt non… C'était trop acéré et lumineux pour être une pierre, fût-elle si précieuse… D'ailleurs, petit à petit, cela se précisa sous l’apparence d’une lame plutôt longue et droite. Son double biseautage jouant avec les reflets bleutés de la lune... L’objet émergeait lentement, à la verticale… il s'agissait d'une épée. Elle était splendide. Brandie par une main couleur d’opale, à peine rosée qui émergeait à son tour… Vint ensuite un bras, ainsi qu'une épaule, haussée, pour bien montrer l'arme! Et voici même qu’apparut un visage...

 

Il s'agit probablement d’une ondine pensa aussitôt la poétesse…

 

– Dame Athénéïse je vous salue, fit une voix télépathique… Voici Excaliatura: elle est incomparable en puissance de notre côté de la galaxie. Cette arme vous est révélée sur ordre de votre Beau-Père. J’ai pour mission de vous la remettre.

 

Et puis le reste s'était passé très vite: l’ondine avait déposé l’arme aux pieds de la poétesse, et après l'avoir saluée une dernière fois, elle s’en était retournée dans l’abstrait du lac.

Athénéïse avait regagné le Manoir, puis elle avait déposé l’arme sur la table en chêne massif qui présidait au beau milieu du Grand Salon. Intriguée la poétesse regardait l’épée de tous les côtés. Se demandant bien à quoi pourrait lui servir un tel objet. Bah! se dit-elle: mon voyageur de Mari finira bien par revenir, et lui saura sûrement quoi en faire. Elle pensait cela d’autant plus fort, qu’elle espérait bien que Gabryel quitterait bientôt es Hauts-Lieux, afin d'appuyer sa fille Habygâ dans sa trop lourde tâche...

D'ailleurs, cette dernière ne devait plus tarder à rentrer. Elle s'en était allée juste pour « un moment », comme elle disait la bouche en cœur, à chaque fois qu’elle s’absentait durant les nuits de pleine lune. Agissant tout comme le faisait sa mère avant elle, pour écouter vivre, et voir danser les joyeuses nymphes de la Forêt-Noire. Peut-être même qu’elle y croiserait aussi l’esprit hologramme de la divine Ardvina… Celle-là qui fut tant vénérée des Gaulois, et que l’on dit apparaissant encore parfois, bien installée en amazone, sur son légendaire Sanglier…

 

¤

 

 

C'était à peu de distance, mais en dessous de tout cela, qu'un poète avançait d’un pas mécanique. Il marchait sans réfléchir. Tel un Zombie putride qui serait venu tout droit des catacombes…

De la sueur qui continuait de sourdre abondamment des pores de sa peau sale, sans qu’il éprouvât le moindre besoin de la compenser par l’absorption d’eau, s’employait à laver jusqu’à diluer les croûtes cicatricielles qui avaient recouvert ses blessures, comme l'aurait fait un patchwork d’écailles brunâtres. C'est ainsi, que peu à peu, ses plaies s’étaient mystérieusement refermées... Lucien avait marché sans manger ni boire durant cinq jours entiers. Parcourant ainsi plus de deux-cents kilomètres de souterrains. Sans avoir la moindre notion du temps ni de la distance… Cependant que l’incertitude d’un destin aléatoire continuait de s’installer au-dessus de lui. Mais ce monde là n'existait plus pour le poète. Pauvre hère, en voie d'être diabolisé, il suivait inexorablement la voie de son destin d'homme détruit. Il n’avait pourtant guère pêché, sinon que peut-être par excès de tendresse, et d’amour, qu'il offrait à tous, sans retenue..., de la même manière, un peu niaise qui consiste à converser seul, s’adressant à la nature et même parfois aux oiseaux… enfin... à tout ce qui vibre et vit…

Mais le voici soudain arrêté. Car il n’y avait plus devant lui qu’une porte d’acier rouillé… Dans un éclair de lucidité, Il se demanda comment l'ouvrir... lorsqu'il entendit une voix:

 

– Où vas-tu Lucien ?

– Je vais là où mon corps me dicte d’avancer.

– Si tu passes cette porte, tu trouveras deux chemins.

– J’ignore de quoi sont faites les entrailles de la terre, sinon d’elle-même, et que dessous son manteau d’olivines et de pyroxène, si la belle est très chaude: ce n’est certes pas tant pour me faire l’amour que sinon me damner... Je crois savoir aussi qu’elle engendre parfois davantage de mal que de bien…

– Il existe au-dessus de toi une forêt mythique et…

– Comment veux-tu que je le sache! Puisque j’ignore où je suis!

– Lucien, tu es pratiquement revenu à l’endroit où tu es né.

– Veux-tu dire que je suis redevenu cet embryon que l’aiguille assassine d’une faiseuse d’ange, chercha autrefois à percer dans le ventre lubrique de ma mère et que…

– Diantre, comme tu y vas! Ce n’est pas sans raisons que cela se décida, et puis, si tu regardes ton corps, tu te rendras vite compte qu'il est comme avant ton enlèvement... Et j'ajouterai aussi que…

– Stop! Car voici que je n’y comprends plus rien à ce discours silencieux, et puis d’abord, qui es- tu, toi qui me parles ainsi à l’intérieur de moi en usant de ma propre voix?

– Je suis ta conscience.

– Ah! Ainsi donc je me parle à moi-même! Ce qui fait qu'en plus d'avoir sombré dans la pire des dépressions, ne voici devenu schizophrène!

 

Sur ces mots empreints de colère, Lucien balança un grand coup de pied rageur dans la porte qui s’ouvrit en gémissant sur ses gonds.

 

Le décor n’était guère guère différent de celui des galeries qu’il arpentait depuis qu’il avait quitté Néphysthéo et les catacombes. Sinon qu’il s’y percevait d’étranges sensations vibratoires. En fait, cela lui semblait un peu comme un de ces lieux où il était souvent allé méditer, à l’époque déjà lointaine de sa jeunesse. Et celui auquel il pensait justement en cet instant n’était certes pas très loin de l'endroit où lui-même se trouvait, car juste à peine, à trois kilomètres de sa ville natale! Alors Lucien s'arrêta. Puis il s'affala, s’asseyant à même le sol, le dos contre la paroi rocheuse, et il commença de réfléchir sur un passé qu’il avait vécu, mais qui se présumait probablement enfoui avec lui... Il revoyait cette époque qui voulait effacer celle de la grande tourmente nazie. On parlait alors en ville, et jusque dans ses ruelles, de cette grotte qui était trouvable dans un petit bois, près du village de Romery. C’était une modeste cavité, incrustée dans un escarpement peu élevé, mais qui la rendait quand même d’accès malaisé. Il y était allé plusieurs fois. Bien avant qu'on l’oublie, puis qu’on la cite à nouveau, et qu'on la mette en exergue, par l’aménagement d’un chemin de gravier la reliant au bitume de la route départementale. Mais l’accès en est maintenant barré par une porte de fer. On a même grillagé tout un côté… pour le cas improbable où la roche tenterait peut-être de s'enfuir? D'ailleurs, il avait alors semblé au poète qu'il la connaissait depuis toujours. En un temps différent, c'est dans cet endroit qu'adolescent, le poète Rimbaud venait méditer. Comme Lucien le fit à son tour.

 

Arthur aimait à se réfugier là, et avec son ami Ernest. Il y parlait de refaire le monde… C'est « une sorte d’utérus »... comme il aimait à la décrire... et qui aurait engendré, via le jeune Arthur, l'écriture d'un nouveau langage poétique visionnaire, mais par trop jugé libertaire, car autant récrié en mal à l'époque de Napoléon III qu’à celle de Lucien.

 

Et puis le poète avait repris sa progression. Comme le lui avait prédit sa conscience: le chemin se séparait à présent pour en former deux. Cela aurait pu se représenter à la sanguine sur un marbre d'ajusteur: telle l'empreinte d'une patte d'oie, ou plus précisément d’un « Y » à la géométrie parfaite… s'apparentant par la forme, à l’une de ces baguettes de coudrier que Lucien savait utiliser pour chercher les sources d’eau... Il lui fallait donc choisir à présent l’une des deux nouvelles voies qui s'offraient, faute de quoi, il allait probablement s’enraciner lui-même, comme un noisetier, à force de rester dans la position du Dahu qui hésiterait, pas très finaud, à monter ou à descendre la colline, car se déplaçant à la manière d’un crabe de cocotiers...

De fait, le chemin de gauche semblait tout de même plus hospitalier, car au moins, il continuait à l’horizontale, tandis que celui de droite allait en pente… descendant encore plus vers le centre de la Terre.

 

– Si tu veux revoir les étoiles, il te faudra trouver le moyen de remonter vers le ciel!

 

Encore cette foutue conscience, se dit Lucien… Pourtant, cette fois la voix dans sa tête n’était plus la même…

 

– Regarde mieux Lucien, et tu me verras… car je suis là, juste devant toi!… Et puis, ne crois-tu pas que pour réussir là où tu as lamentablement échoué, tu devrais à présent suivre un autre chemin que celui que tu avais choisi avant?...

 

Alors, le poète incrédule leva ostensiblement le menton. Et s'aperçut enfin de la présence de Néphysthéo qui l’attendait, goguenard, et bien campé sur ses deux jambes, qu’il avait légèrement écartées pour mieux souligner, avec les poings sur les hanches et le visage ironique, une impatience tout de même empreinte d'une certaine jubilation.

Il se trouvait en fait sur le chemin de droite, juste à l'amorce d'un coude dans le boyau rocheux, à une dizaine de mètres de là…

 

¤

 

       Mentalement pilotée par l'ange dieu de lumière qu’assistai la jument céleste... la sphère de lumière avait quitté la face cachée de notre satellite naturel, afin de revenir vers la Planète bleue. Gabryel n’était pas seul. Il était accompagné d'illustres occupants.

Tout Castel Anatha était en effervescence! L'on s’apprêtait à fêter joyeusement le retour annoncé. L'attendant entre tous, il y avait son épouse, Athénéïse, la rousse poétesse, Reine de La Lune. Et puis, lui ressemblant comme une sœur jumelle, on pouvait remarquer la brune Morganie, cette guerrière à l'adresse inégalée, sinon que par ses semblables... et montrant de surcroît d'étranges pouvoirs aussi magiques qu’efficaces. Assise près d’elle, enchantant l'entourage par son grand charisme et par la splendeur de son aura pailletée d’or, l'on remarquait la resplendissante Habygâ: blonde Dame à la féminité superbe, Reine de la Forêt, fille chérie d’Athénéïse et Gabryel, et de surcroît récemment reconnue grande prêtresse et déesse suprême, par son grand-père, le Très-Haut Junyather.

Incontournable majordome, dévoué depuis si longtemps à toute la maisonnée qu'il en était devenu un maillon indispensable: le brave Henry assurait le protocole, tout en organisant le service.

Étaient présents aussi, quelques amis adeptes d'Athséria, et devenus de si grands admirateurs de leur déesse qu'ils se considéraient comme faisant partie de la famille tant leur dévouement les rendait proches...

Quand Gabryel était apparu, chacun avait pu se rendre compte qu'il était accompagné de sa mère. La très spirituelle Anatha, Reine de Lune, qui avait obtenu de Junyather de pouvoir se révéler par la projection d’une image multidimensionnelle parfaite. La Déesse était venue avec sa sœur, Médényga, autre reine de Lune. Il y avait aussi Erzeré. Superbe dieu guerrier blond, dépassant Gabryel d’une bonne tête, bien que déjà athlétique. Sa stature et sa beauté faisaient honneur à l'image de ces grands hommes à la peau claire, qui servirent autrefois Ardvina. Devançant Henry, le guerrier s’était spontanément avancé vers la fille de Gabryel qui posait sur lui un regard à la fois insistant et interrogateur:

 

– Erzeréchnénide, Chevalier de lumière pour vous servir Madame, ainsi que votre père, avait-il précisé tout en posant son genou gauche sur le dallage, jusqu'à pouvoir ainsi saluer respectueusement une Habygâ tout aussi impressionnée et émue que lui.

 

Le repas qui s'ensuivit fut pris dans une ambiance à la fois joyeuse et courtoise. Et puis chacun prit peu à peu congé… Quand enfin tout Castel retrouva son calme et son intimité, l’osmose s’était diluée…

 

 



26/04/2020
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